Pour tout dire dans le maquis espagnol des organisations catholiques plus ou moins sectaires, l'Opus Dei, les légionnaires du Christ de Madame Botella Aznar, et bien d'autres, c'est Dédé himself qui nous met sur la piste de la San Pablo CEU, vous vous souvenez, « la flor y nata de l'intelligensia taurine espagnole », au travers de son atelier très actif dédié à la tauromachie. A sa tête, un type plutôt discret, compétent et efficace. C'est à dire, une somme en matière de tauromachie et capable bien sûr d'exploiter le nouveau filon politique, par ailleurs, responsable de l'émission taurine de la COPE, la radio épiscopale et plus que liée à la CEU.
En fait, cette San Pablo CEU qui gère de nombreuses écoles et universités, est une émanation de la ACdP, la « Asociasion Catolica de Propagandistas », fondée en 1909, soit 20 ans avant l'Opus Dei par le prêtre jésuite Angel Ayala. A partir de 1911, c'est Angel Herrera qui prend la direction du mouvement avec, en fer de lance, un journal, « El Debate » et toute une stratégie de communication qui allait être si décisive contre la seconde République Espagnole.
Pendant cette seconde République, les Propagandistes ne furent pas pour peu dans la création du CEDA par un des leurs, Gil Robles, qui réussit à fédérer les catholiques effrayés par la laïcisation de l'Etat, modérés et ultras, ainsi que des conservateurs, pouvant aller également du relativement modéré mais toujours catholique au fasciste. On sait que le très fasciste Onesimo Redondo, et Calvo Sotelo dont l’assassinat aurait « enfin » décidé Franco à s'engager dans la conspiration des généraux autour de Mola faisaient partie des Propagandistes. La CEDA parvint à mettre en difficulté les républicains lors des élections de 1933, et glissa de plus en plus vers des penchants autoritaires. On sait enfin, le rôle prépondérant que la hiérarchie de l'Eglise a joué dans le déroulement de la Guerre Civile, baptisée « croisade » , mais aussi à l'extérieur, via les puissants lobbies catholiques, qui pesèrent tant en faveur de la grotesquement bafouée non intervention et ne laissant d'autre initiative aux républicains espagnols que de se tourner vers Staline, qui n'intervint que tardivement.
Après la Guerre, à partir de 39, les secteurs phalangistes étaient pro fascistes, certains étant même carrément fascistes et pro nazis. On veut souvent oublier que Franco envoya tout de même 35 à 40 000 hommes de Division Azul combattre aux cotés de Hitler sur les fronts de l'Est. Ceci dit, Franco, compte tenu de la tournure des événements et les échecs finalement, à la fois de Hitler et de Mussolini dut se séparer de Serrano Suner, (le cunadissimo) en 42 quand le vent commençait à tourner, et plus tard, prendre en apparence ses distances avec la Phalange.
A partir de 45 il dut faire le dos rond, vis à vis des alliés et substitua à la vitrine phalangiste, une vitrine « national-catholique » qui donnait toute sa place aux Propagandistes. Ceci créa de fortes tensions entre les phalangistes et cette frange des catholiques : habilement Franco avait donné aux phalangistes le contrôle des Administrations et aussi des fameux « syndicats verticaux » qui avaient pour mission de réprimer les velléités de rébellion ouvrière ou estudiantine, mais ils supportaient mal à la fois les avantages mirobolants donnés à l’Église et ce qu'ils considéraient comme une perte d'influence et un immobilisme social. Faisant cela, mettant en sourdine les phalangistes et via les lobbies catholiques frénétiquement activés, Franco tentait de se refaire une virginité, puis remplaçant son fascisme initial par une ferveur catholique impressionnante et aussi, son anticommunisme viscéral qui lui permit de s'attirer les bonnes grâces des américains lors des années de guerre froide. Les Propagandistes étaient alors une des familles les plus influentes du régime franquiste, au prix d'une autarcie économique terrible, associée une répression permanente.
Pour n'avoir pas à trancher, vers la deuxième moitié des années 50, Franco opta pour une troisième voie, celle des « technocrates » de l'Opus Dei qui, injectés en masse dans les gouvernements, allaient présider à un développement économique considérable, favorisé d'ailleurs par les injections financières américaines, en échange de l'installation de bases stratégiques nucléaires, guerre froide oblige. Ceci lui permettait également de donner une image plus dynamique et présentable de l'Espagne, en prenant tardivement le wagon du développement économique général de l'après guerre mondiale.
Toutefois, sous l'impulsion de Vatican II , qui ne convenait pas spécialement à l'Opus Dei intégriste, le clergé espagnol, sous la houlette de Monseigneur Tarancon, commençait à se questionner sur son rôle lors de la guerre d'Espagne et après, et à émettre des jugements plutôt critiques sur Franco et son régime. Celui ci considéra qu'il s'agissait « d'un coup de couteau dans le dos » et en fut très affecté. Par exemple, pour décrire l'ambiance, lors des obsèques de Carrero Blanco, Tarancon fut reçu aux cris de « Tarancon al paredon », soit « Tarancon au poteau d’exécution ».
Dans cette période, les Propagandistes surent ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier, quelques uns critiquant ouvertement le régime, et se convertissant en opposants, d'autres, certainement plus nombreux, au sein du groupe Tacite militèrent pour une réforme du régime, d'autres enfin restèrent dans le bien nommé « bunker » qui ne voulait rien entendre. D'aucuns y verront la marque d'un jésuitisme bien compris.
Ils jouèrent tout de même un rôle important dans la transition, un des leurs, Leopoldo Calvo Sotello accédant à la présidence du Gouvernement.
Dès lors le problème des Propagandistes allait devenir d'exister aux cotés de l'Opus Dei, dont les préceptes de bases sont très proches. Jean XXIII et Paul VI étaient plus que réservés à l'égard de l'Opus et avaient résisté aux demandes de béatification des religieux exterminés par les « rojos ».
La panorama allait radicalement changer avec les papes Jean Paul II et notre Benoit. On sait par exemple que l'Opus avait participé au financement de Solidarnozc et avait pour le moins favorisé l'accession de Jean Paul II au pontificat. Il s'est agi depuis de « détricoter » les avancées sociales de Vatican II. Aujourd'hui on a béatifié en masse, dans le même temps qu'on refuse de comprendre que certains militent pour qu'enfin, on sache la vérité sur les victimes du franquisme.
Dans ce contexte, où la part prépondérante, au Vatican, est faite à l'Opus Dei, les Propagandistes, qu'on dit en difficultés financières, et nostalgiques de leur lustre d'antan, cherchent à exister à nouveau. D'autant que l'épisode de la Présidence du très carliste (mais oui) et intégriste Alfonso Coronel de Palma qui dut être débarqué suite à de retentissants scandales financiers, pour d'ailleurs être mis à la tête de la COPE pour quelques temps, n'avait guère arrangé l'image de l'ACdP. On dira que la Direction reste assez réactionnaire, voire intégriste, alors que comme souvent chez les jésuites, les établissements universitaires de la San Pablo CEU sont de qualité et attirent les fils de la bourgeoisie espagnole, plutôt, pour imager le propos, du quartier de Salamanca, si vous voyez ce que je veux dire. Disons que l'électeur du PSOE y est très rare.
Sur le fond, on y est très opposé à tout nationalisme périphérique ou séparatisme, on y affirme que la laïcisation de l'Espagne est un processus comparable au IIIème Reich, on a organisé de grosses manifestations à la fois anti IVG et homophobes, bref, on revient aux fondamentaux mais avec la volonté de revenir au premier plan d'influence, en prônant pour des minorités agissantes infiltrées dans tous les points agissants de la société : presse, audiovisuel, politique, qui est une démarche très proche de l'Opus, sauf qu'elle s'effectue avec plus de transparence et avec un culte moindre du secret.
Aujourd'hui, les dirigeants de l'ADcP ou de la San Pablo sont très majoritairement soit pro PP soit militants dirigeants recasés après la défaite d'Aznar, leur offrant des "parachutes dorés". Autrement dit on fourbit les armes en vue du retour du PP ! Ouf, comme dit Dédé, plus qu'un an !. Enfin, il semble que l'ADcP fasse pression également sur le PP, en s'interrogeant sur l'opportunité, ah nostalgie du CEDA !, de fonder son propre parti politique. En ce point, avec des approches stratégiques et des visions très voisines, la position diffère radicalement de celle de l'Opus. Le prosélytisme militant restant également un point commun ainsi que la stratégie de conquête via des minorités influentes. L'Opus lui, a le culte du secret, nécessaire à ses fructueuses manœuvres internationales, y compris en France, après avoir piloté le « miracle » économique de Pinochet. Tiens donc, coïncidences et avoir sorti le Vatican de ses problèmes de banque Ambrosino !
Reste que, et aussi par ses liens très étroits avec le PP, la San Pablo CEU, est très influente dans les milieux d'affaires, politiques évidemment et de la Presse. Dédé ne s'y est pas trompé qui s'est converti en troupier du PP, (casquette directeur de revue taurine), pour propager la divine pensée de la CEU dans sa revue. Évidemment, ici, l'affaire de Barcelone a été exploitée comme un ravage de plus des nationalismes périphériques, s'attaquant à la « Fiesta Nacional », et a été politiquement exploité par le PP. Dédé probablement reconnaissant de quelques fructueuses introductions, (radio, tv, pregones), mais également de facilités de diffusion de sa revue, se comporte en bon soldat de Dieu et en rajoute des tonnes. D'où ses attaques imbéciles et déplacées envers le PSOE.
Reste à la CEU de récupérer les BIC, Biens d'Intérêt Culturels, en grondant le PP auquel il réclame plus de « cohérence », c'est à dire, diffuser une pensée unique sur toutes les Communautés. D'où l'immédiate réaction du Dédé qui plaide pour un BIC national. Déjà le passage à la Culture fait débat, et il n'est pas certain que la CEU qui entend bien récupérer le leadership sur la Fiesta apprécie cette migration. En effet ce sont des gens d'ordre. D'où un silence un peu gêné du Dédé sur ce thème. On le sait l'objectif est que la corrida soit subventionnée comme les autres « Arts » quelques millions d'euros, mais surtout obtenir une baisse de la TVA espagnole de 18 à 8%. Comme si le budget espagnol pouvait se permettre cela, au moins symboliquement, même lorsque le PP sera au pouvoir.
Mais à mes yeux plus grave, et impardonnable, il s'est permis de porter des jugements à l'emporte pièce sur le Devoir de Mémoire, qui est certainement un thème d'une extrême complexité, et à traiter avec un maximum de respect. J'ai déjà commenté cet épisode ignoble, servile envers ses nouveaux Maîtres, qui faisait suite à des interventions du même tabac..
Alors, la corrida, au fond, et ses « putadas », ce n'est pas bien grave, et je m'en fous finalement, car j'ai renoncé, « démission » dirait Xavier, mais oublier les enfants du franquisme, les fosses, et nier ce droit qu'ont les peuples à connaître la vérité après 60 ans de mensonges, de manipulations et près de 40 ans de torture, ça, je ne l'admets pas.
Fin.