Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission
Affichage des articles dont le libellé est La colline du Pere Pedro. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est La colline du Pere Pedro. Afficher tous les articles

jeudi 7 février 2013

Une fille de Diego


 
Diego est une belle ville, pour Madagascar. Avec des avenues droites et nettes, et une propreté assez surprenante. Elle exhibe des vestiges d’une présence coloniale militaire française très importante, qu’on devine avoir été assez fastueuse.

 
 
Des ruines aussi comme cet hôtel d’antan, livré aux ronces. Ce fut le plus bel hôtel de Diego. Mathilde a voulu en visiter les ruines. C’est un exercice qu’elle a toujours affectionné. Par les ouvertures on voit la mer et son bleu argenté froissé comme un papier d’aluminium par les alizées. On nous avait dit, Diego c’est magnifique mais, surtout, en Juillet et Aout, c’est la période venteuse. Et le vent est omniprésent, et d’une certaine façon, il ferait aussi chaud qu’à Majunga, sans la fraicheur de l’Alysée. Jamais, pendant notre séjour, il n’a par exemple soulevé le sable ou été agressif. C’était une bonne brise permanente.

Le soir, la ville sort doucement de sa torpeur, mais sans jamais grouiller comme les autres villes malgaches. Pas ou très peu de mendiants ou de quémandeurs. Les « vazahas » n’ont pas l’arrogance qu’ils montrent en d’autres lieux. Il en est même de nombreux, d’âge disons mur qui se promènent avec des femmes malgaches d’âge en rapport.

Nous fréquentions le soir un restaurant italien sur la grande avenue. Le patron, la cinquantaine un peu désuète style soixante huitard attardé genre "peace and love", queue de cheval poivre et sel,  est Italien. Il est arrivé à Diego il y a 20 ans pour faire de la plongée, il n’est jamais reparti. Dans son établissement les serveuses sont souriantes et détendues. Il les traite visiblement avec beaucoup de considération affectueuse. Sur la carte, il présente tout son personnel, avec chacun et chacune un mot aimable. Sa plus grande fierté est que certaines sont là depuis plus de 15 ans.

Il me dit qu’ainsi il voulait rendre à ce pays tout le bonheur qu’il lui procurait.

J’avais quelques problèmes de bronchite récoltée à Tana et j’étais sorti sur la terrasse donnant sur la grande rue. En face, attablés le long d’une palissade des clients d’un restaurant ambulant chichement éclairé mangent en silence.

Une des serveuses est venue me rejoindre. Assez petite, avec des cheveux de jais, joliment ondulés et mi longs. Elle est  petite, un peu rondouillarde, contrairement aux femmes d’ici, sa peau est aussi plus noire que celle des gens d’ici. Ayant lu la présentation du personnel, je comprends qu’il s’agit de la serveuse de confiance, la plus ancienne aussi.

Désignant la tablée le long de la palissade, de l’autre côté de l’avenue,  elle me dit en riant : « c’est moins cher là ». « vous y mangez parfois dans ces gargotes ? », « oui répond -elle en riant. J’aime bien, ce n’est pas trop cher et c’est assez bon, dans certaines ». Elle ajoute : « les sacs à dos y mangent souvent ». Les sacs à dos sont de jeunes  vazahas aventureux qui visitent l’ile à coups de taxi brousse voire de stop ou en marchant. J’ai demandé : « ils supportent ? ». Cela la fit rire. « il faut s’habituer, au début c’est difficile pour les vazahas, ils n’ont pas les anticorps ».

Habituellement, j’évite certaines maladresses. Il est clair par exemple que pour un salaire « moyen » malgache de bien moins de 30 euros, fréquenter les restaurants que nous fréquentons est quasiment impensable.

Parfois des filles plutôt délurées s’arrêtent et me disent, « ça va vazaha ? », puis elles ajoutent des commentaires du cru que je ne comprends évidemment pas. Ils font marrer la brune. « Qu’ont t’elles dit ? ». « Que la nuit est belle » ment-elle effrontément dans son grand rire.

« Plus tard, dit -elle, vers minuit, Diego s’anime beaucoup » . En effet Diego a la réputation d’être, disons assez chaude la nuit.

Je lui demande : « Etes-vous mariée ? ». « Non, mais j’ai une fille ». C’est ainsi, qu’une seconde fois, je devais manifester ma maladresse. « Et le papa ? » je dis. Elle rit franchement : « parti, depuis longtemps ». En effet si le malgache mâle a une forte propension à la dispersion séminale, il est fortement aidé dans un pays où les filles ont en moyenne des rapports sexuels toujours non protégés dès 13 ans.


« Je voulais cet enfant » me dit –elle. Elle dit aussi, qu’en général, les filles, qu’il soit désiré ou accidentel, ce qui représente le cas de figure le plus important, conservent toujours le premier enfant. Ce, au moins pour une raison : pour une femme malgache, avoir un ou plusieurs enfants devrait représenter une manière de « garantie » pour les vieux jours, en même temps d’ailleurs qu’une valorisation de la femme, donc, les parents font plus qu’encourager les jeunes mères à garder le premier enfant. Ensuite évidemment, la misère, l’absence d’éducation, les croyances, l’analphabétisme, l’absence d’hygiène, font que le taux de fécondité de la femme malgache est assez vertigineux, supérieur à 5, et que plus de la moitié de la population malgache a moins de 18 ans.

Elle m’explique que le papa n’est pas un « vazaha », mais bien un malgache, et qu’en plus il les aide bien, elle et sa fille.

Je me souviens combien l’air de la nuit était doux. Nous évoquons la surnatalité. En riant, elle fait un signe mimant une piqure dans le haut du bras. « Maintenant dit-elle tout le monde pourrait avoir les enfants qu’il désire ». Il est toujours possible d’obtenir des implants contraceptifs gratuits qui protègent la femme pendant 5 ans.

Elle m’explique que depuis deux ans, les bandes de bandits de Diego sont moins actives. Pour les réduire, il aura fallu faire venir les renforts de Tana et ses « merina » abhorrés. La police locale était très souvent de mèche.

Je fais remarquer que les musulmans sont très nombreux ici. Elle me confirme ce que j’avais déjà remarqué à Majunga : la cohabitation ne pose pas le moindre problème. Même me dit -elle, il y a beaucoup de mariages inter religieux.

Elle est arrivée d’Antsoii il y a plus de 15 ans. Elle a croisé la route de l’Italien « peace and love ». C’est plutôt une jolie histoire de cohabitation, qui ressemble à la ville.

vendredi 12 août 2011

Pour la route!

Voici sa lettre dans son rapport d'activité:

La lettre du Père Pedro

Chers amis, chers bienfaiteurs !

Nous avons vécu une année 2010 très difficile ! Nous avons été témoin de l’incapacité des politiciens à remettre le pays sur les rails de la paix, de la justice et du développement ! Leurs principales préoccupations ont été la chasse aux postes, aux privilèges et aux salaires ! Le bien de la Nation est resté leur dernier souci ! Cela, avec l’indifférence et l’aval implicite de La communauté internationale ! Quel scandale, quelle impuissance, quelle colère et quelle amertume pour le Peuple Malagasy de se voir coupé de toutes les aides internationales sans raison apparente !

Le commun des mortels des citoyens malagasy ne sait plus à quel Saint se vouer !

Nous avons assisté depuis le début de la crise à l’éclatement de la société malagasy !

Il n’y aura plus jamais l’unité que nous avons connue et vue de nos propres yeux, dans les années tout de suite après l’indépendance. Cette époque où les citoyens avaient une confiance aveugle en leurs dirigeants, les croyant patriotes et sincères et où ils avaient voté unanimement pour le seul candidat de la liste ! Mais ils ont déçu et démontré le contraire ! Ils ont emmené leur pays et leurs citoyens dans un tunnel sans issue ! Combien d’orgueil et d’arrogance de la part de ces illuminés, pour eux-mêmes et leurs familles ! Cette farce et ce théâtre sont dénoncés en plein jour par de nombreux médias du pays ! L’hypocrisie également ! Le président de La Transition, Andry Rajoelina, attaque cette mentalité qui a appauvri la population toute entière ! Lui même a dénoncé qu’il n’y avait pas eu de vraie volonté politique pour changer les choses depuis l’indépendance !

La pauvreté a augmenté encore cette année un peu plus ! La majeure partie de la population qui se trouve en brousse vit au jour le jour et se trouve sans avenir, elle s’habitue malheureusement à la souffrance et à la fatalité !

Nous assistons encore également à une dégringolade du respect du bien commun et même de la nature, par les incessants feux de forêts et les coupes illicites de Bois de Rose et de tant d’autres espèces. Chacun fait ce qu’il veut et sans aucun respect envers la Communauté humaine dont il fait partie !

Les gens pensent de moins en moins que ce qu’ils font peut nuire à ses compatriotes ! C’est chacun pour soi et Dieu pour tous !

Depuis 40 ans que je suis dans ce beau pays, avec cette flore et cette faune exceptionnelle, cette population si accueillante et si pacifique, jamais je n’aurai pensé qu’il devienne violent et hostile à ce point là, surtout dans les grandes agglomérations et les villes ! La misère extrême a frappé et percuté profondément les valeurs ancestrales malagasy et nombreux sont ceux qui sont atteints par cette catastrophe ! Les dirigeants, par égoïsme, indifférence et insouciance, se sont fait complices de cette chute dans l’abîme de la pauvreté !

Tout un Peuple est devenu un laboratoire d’expériences pour les politiciens sans scrupules qui souhaitent s’ériger au rang des héros nationaux à la mode, comme antan, dans la Corée du Nord !

La conséquence de ces expériences infructueuses est que le pays tombe en lambeaux ! Nous avons plus de 100 partis politiques, avec chacun des membres qui arrivent à réunir des supporters se disant eux-mêmes membres du parti, alors qu’en fait, ils ne sont que des curieux ou des gens payés pour venir en nombre et crier des slogans au nom de leur chef !

Un néophyte à Madagascar pourrait croire à ces manifestations en disant qu’elles sont imposantes, convaincantes, mais en fait il n’y a que de la fumée !

Nombreux sont les journalistes étrangers qui croient comprendre cette situation complexe à Madagascar, et pourtant c’est le contraire, ils tombent dans les préjugés tout faits qu’on leur a tendus !

Les journalistes étrangers croient tout savoir sur ce pays et pourtant ici tout est différent de ce qu’ils ont vécu, les cultures de chaque pays étant uniques ! Concernant les journalistes nationaux, il y a une lueur d’espoir puisqu’ils commencent à dénoncer les exactions et les injustices que subit le peuple. Ils osent plus s’exposer pour dire en plein jour toutes les alliances de partis politiques qui sont contre nature et qui se font sur le dos du peuple !
4

Nous vivons dans le monde de l’apparence et du « oui » ! C’est rare que quelqu’un vous dise « non » !

Les touristes croient venir dans un pays de cocagne où tout est beau et où la joie règne, mais ce n’est qu’une façade. Les malagasy ont souvent le sourire, mais c’est une manière pour eux de se protéger et de créer une défense face à l’inconnu qui arrive parfois avec prétention.

En venant ici, des touristes nous ont rapporté qu’ils n’avaient pas imaginé une telle pauvreté dans ce pays. Personne ne les avait avertis.

Un peuple si gentil et si visiblement heureux, pourquoi reste t’il si pauvre ? Et pourquoi la pauvreté augmente t’elle d’année en année ? Y a t’il une raison ? Aucune pauvreté ne tombe du ciel, elle est provoquée et voulue par une catégorie de politiciens et par ceux qui détiennent le pouvoir financier et qui se sont accaparés le pouvoir et l’argent pour se servir scandaleusement eux-mêmes !

Ceux qui ont demandé à être élus ont cherché les honneurs, l’argent et le pouvoir ! Le bien être de leur Peuple, le progrès, l’aménagement de la vie publique et du territoire n’étaient pas dans leurs préoccupations, sinon comment expliquer que Madagascar soit dans le peloton des pays les plus pauvres de la Terre avec une population si intelligente et si travailleuse, surtout dans les campagnes ?

Il y a 40 ans, L’Inde, Taiwan, La Corée du Sud étaient dans la même situation que Madagascar, mais aujourd’hui ces pays se sont relevés, ce qui prouve bien que rien n’est impossible quand il y a une vraie volonté politique, économique et sociale.

C’est une réalité ! Rarement un dirigeant a osé dire la vérité à son peuple. On préfère lui caresser le dos, le traiter en enfant, pour mieux l’asservir. Ce sont par la vérité, par la création d’emplois qui est une priorité absolue, par l’école, par la santé, par la discipline et la solidarité, qui étaient si fortes autrefois, que l’on avancera ensemble !

Un peuple qui a faim et dont la jeunesse est vouée au chômage, est imprévisible et peut éclater à tout moment. Les exemples ne sont pas loin, nous les avons à côté au Mozambique, Niger, Tunisie, Algérie.

Le laisser aller ne fait que grandir d’année en année ! Personne n’ose parler haut et fort et interdire le désordre qui s’installe partout comme si c’était la voie normale à suivre !

Plus la réaction tardera à venir, plus le désordre, le sauve qui peut et l’anarchie prendront de la place, et plus ce sera difficile d’y remédier plus tard !

Ce qui est difficile à comprendre c’est qu’à tout moment, de faux leaders peuvent surgir en faisant croire qu’ils ont la solution aux problèmes de Madagascar ! Même des personnes qui ont été longtemps absentes de leur pays et qui vivent aujourd’hui dans un milieu très aisé et loin des problèmes des 80% de malagasy qui vivent au dessous du seuil de pauvreté, pensent être les « sauveurs » de leur Peuple !

Ce qui est encore plus surprenant, c’est que ces faux leaders ont des groupes de gens qui les suivent dans des mouvements qui se désintègrent dans le néant ! Néanmoins, ils peuvent rester présents dans les médias internationaux, avides de scoop.

Les villes sont devenues des lieux de refuge pour des milliers de paysans qui cherchaient un emploi et une solution à leur pauvreté ! En fait, ils n‘ont fait qu’aggraver la situation précaire de la ville qui n’avait aucune infrastructure pour les recevoir !

Ainsi ont surgit des bidonvilles remplis de gens déçus, exclus et vaincus moralement. Cela a engendré les vols pour survivre, l’alcool pour se réfugier dans l’illusion et ensuite sont venus, la drogue, la prostitution, le crime et la débauche ! Il n’y a plus d’interdit, tout est possible, tout peut être fait sans être empêché par un quelconque service d’ordre !

Une grande partie des citoyens sont exaspérés de voir le déni des autorités compétentes de la capitale et des forces de l’ordre, qui laissent les enfants et les adultes s’installer dans la rue sans aucune entrave. Comment est-ce possible que des responsables de la capitale ne pensent pas trouver des gestes dissuasifs et combattre ce fléau qui détruit la dignité humaine ? C’est eux, qui finalement poussent les jeunes à se noyer dans l’alcool et la drogue, car ils n’ont plus d’espoir de voir leur vie s’améliorer.

Il est clair que si on laisse des milliers de familles dans les Taudis au bord notamment des chemins de fer de la ville, les enfants de ces familles deviendront obligatoirement des malfaiteurs. Il n’y a aucune raison, ni prétexte pour exonérer les politiciens d’avoir fait du tort à leur peuple et à leur jeunesse. Il est temps que ces personnes demandent pardon !

Dans ce monde de la globalisation, toutes les injustices se savent ! Si elles ne sont pas contestées dans leur pays, elles le seront ailleurs, car les frontières n’existent plus. La justice doit être la même pour tous !
5

Antananarivo, la Capitale, est aujourd’hui étranglée et saturée ! On perd un temps fou pour faire seulement quelques kilomètres à cause des embouteillages qui sont là à chaque heure ! Combien de gaspillage en gas-oil ou en essence !

Comment est-il possible que depuis 50 ans les responsables de la ville n’aient pas prévu et pensé construire de nouvelles routes pour désengorger le trafic urbain, chaque année plus important, et aussi des trottoirs pour les piétons ! Ils ont les statistiques en main avec le nombre de nouvelles voitures qui entrent dans le pays chaque année, pourquoi n’ont-ils pas prévu de créer de nouveaux axes ou de routes pour ces milliers de véhicules ! Les conducteurs commencent à perdre patience et à devenir agressifs au volant.

Cela est difficile de comprendre comment ces dirigeants ont pu être si aveugles et si insouciants de l’avenir de leur ville et de leur capitale ! On ne sait plus qui sera capable de mettre un peu d’ordre à Antananarivo, soit pour fluidifier la circulation, soit pour trouver des solutions aux commerçants qui occupent les trottoirs et même les rues les plus utilisées, en construisant des nouveaux marchés !

La ville est asphyxiée aux yeux de tout le monde, même aux yeux de la Communauté Internationale, ainsi que d’experts, en tout genre, bien rémunérés !

Incroyable mais vrai ! Voila où nous en sommes aujourd’hui ! Pour travailler dans une telle ambiance, il faut une foi d’acier et une patiente à toute épreuve ! Il faut donner l’envie et être tout le temps avec les gens pour leur expliquer les raisons de cette catastrophe, qui n’était pas inévitable s’il y avait eu un minimum de patriotisme et de bon sens ! Il faut aussi expliquer aux enfants, en primaire, au Collège, au Lycée et même à l’Université, que le progrès, la propreté, la discipline, le respect du bien commun, et la direction des affaires d’état sont possibles !

Il faut donner l’exemple et faire ce que l’on dit !

Les gens ne suivent que les exemples concrets ! Basta les belles promesses, les belles paroles, les beaux discours, c’est le moment de l’action et du travail concret ! Basta les bons souhaits, il faut construire immédiatement de milliers de nouveaux logements, de nouvelles routes, arrêter de préparer des dossiers pendant des années, il faut aller plus vite ! Les gens sont fatigués d’attendre ! Les pauvres savent bien qui les respecte, qui les aime et qui les aide vraiment ! Ils ont un don spécial pour capter les ondes positives des personnes qui les approchent et les aiment vraiment ! Quand vous faites ce que vous dites et que vous êtes un homme vrai, les pauvres vous suivent et ils sont prêts à faire des efforts ! La confiance est la base de tout travail et de tout succès ! Mais cela est une lutte de tous les jours ! Un combat sans fin !

Il faut penser impérativement inclure les 80% de citoyens défavorisés dans tous les plans de développement qui vont se faire dans l’avenir.

Le Référendum du 17 novembre 2010 a démontré la soif du Peuple malagasy d’aller aux urnes et de résoudre la crise politique par les élections ! Plus de 53 % des citoyens sont allés voter ! La Communauté Internationale est resté muette !

Pourtant le 28 novembre 2010, des élections présidentielles ont eu lieu en Côte d’Ivoire et la Communauté Internationale a fortement réagit, ne voulant pas reconnaître leur échec ! En Egypte, le dimanche 5 décembre, ont eu lieu les élections parlementaires, et seulement 27% des électeurs sont allés voter ! Aucune réaction et rien à ajouter de la part de la Communauté Internationale ! Comprend qui peut ou qui veut ! Qui ou quel diplomate a cité les termes « inclusif » et « consensuel » pour résoudre la crise politique malgache ? Dans n’importe quelle démocratie, il n’existera jamais d’unanimité pour un parti ayant accédé au pouvoir, mais celui qui a le plus de vote dirigera le gouvernement, c’est le cas pour Madagascar comme pour tous les autres pays du monde.

Pour le cas de Madagascar, nous voulons bien croire que le Patriotisme, et surtout de la jeune génération de politiciens, finira par triompher, mais il faudra encore faire beaucoup d’efforts.

Nous ne pouvons pas passer non plus sous silence toutes les tracasseries administratives auxquelles nous sommes confrontés et tout spécialement pour régulariser nos terrains, c’est toujours le parcours du combattant, un vrai calvaire. On ne comprend pas comment un fonctionnaire puisse faire venir un ouvrier ou un paysan des dizaines de fois, venant de loin, pour régler un dossier, sachant que l’on perd souvent toute une journée pour le déplacement en centre ville !

Nous espérons que les nouvelles autorités, qui sortiront des urnes en 2011, prendront conscience de tous ces problèmes de pauvreté et feront tout leur possible pour mettre plus de justice, plus de vitesse et plus de simplicité pour régler les dossiers et plus de bon sens dans le fonctionnement de tous les lieux
6

administratifs et créer des emplois pour relancer le développement ! C’est tout un peuple qui trouvera ainsi un nouveau souffle, une nouvelle confiance dans ces autorités, et une nouvelle joie de vivre.

Pas étonnant, face à l’apathie des dirigeants, que nous n’ayons pas pu améliorer notre quotidien et avancer vers plus de solidarité et d’égalité ! L’abîme entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser davantage ! Jusqu’à quand ? Avant que ce ne soit trop tard, ensemble, réagissons tout de suite !

Les riches qui se retranchent derrière leurs murs et leurs barbelés feraient mieux d’investir dans les emplois que dans la protection de leurs biens.

A l’Association Akamasoa, avec des milliers de jeunes et de personnes, nous faisons quotidiennement des efforts pour ne pas sombrer dans le pessimisme et dans l’indifférence ! Preuve que rien n’est impossible quand il y a la foi, la détermination et l’Amour !

Nous lançons un cri au secours des populations, car ainsi est la situation dans laquelle nous vivons. Nous avons voulu sans complaisance, ni agression, témoigner de la réalité que nous côtoyons tous les jours au milieu de la vie des gens les plus modestes, qui ont aussi un droit sacré à une vie meilleure appuyée par toutes les lois et conventions internationales. Si j’ose dire tout cela, c’est par amour pour ce grand peuple malagasy qui a encore dans ses entrailles la force de resurgir et de faire revivre les valeurs de ses ancêtres que sont le partage, la solidarité, le fihavanana, socle et fondement de leur existence qui m’ont séduit dès mon arrivée dans cette belle île.

Voici notre rapport d’activité et ce que nous avons réalisé courant 2010 !

Père Pedro OPEKA

mercredi 10 août 2011

un dimanche matin sur la colline du Père Pedro 2

Voilà, en fait au sol, une fois le gymnase plein, cela faisait une croix, avec des allées devant, derrière et sur les cotés. Cela ne devait rien au hasard.










Il y avait des invités : un père slovène comme le Père Pedro, un autre dont on apprendra qu'il s'occupait d'une léproserie, l'autre qui récupérait les « aliénés » dira t'on. On imagine mal ce que cela peut être ici. Je les ai vus en conciliabule dans le « presbytère ».







La musique était en place depuis un moment. ( me cago! la photo est encore de Mathilde). Curieux assemblage de percussions, de cordes, de cuivres, un violon et un accordéon. Tous des hommes ici. Mon épouse, Mathilde et Mamy avaient pris place sur un banc, au pied de l'estrade. Surplombant l'orchestre un groupe de femmes de rouge vêtues, quelques enfants aussi, dont une toute petite fille vêtue d'une fausse peau de je ne sais quoi. La musique a démarré puis les chants des femmes en rouge. Parmi elles, une voix, puissante, un peu gutturale comme ces chants du Pacifique, ou comme chantent aussi les malgaches lorsqu'ils retournent leurs morts, magnifiquement juste aussi. J'en ai eu les larmes aux yeux et la chair de poule, car je ne voyais pas dans le groupe qui chantait aussi, seulement, sa voix, comme un cri harmonieux quoique strident, qui m'avait envahi.



Je m'étais installé dans le tendido Sud, pour prendre de la hauteur, au milieu d'une foule assise qui, sans un regard, s'était écartée sur mon passage. Vous le dirai je aussi, saisi par une odeur jusqu'alors inconnue, ou juste pressentie dans certains quartiers que nous avions traversés : âcre et forte. Pas de sueur non plus, comme une odeur d'un vieux sac de jute ampli de paille rance. Je n'ai pas de mot, en fait. Depuis je tourne cette phrase dans ma tête, de peur de la dire et qu'elle soit mal interprétée, mais oui, voilà, la misère a une odeur qu'on ne peut pas confondre avec le Numèro 5, même aspergé sur du pas net. Elle s'est gravée dans ma mémoire. Devant moi, une femme donne le sein à son bébé.



L 'orchestre avait pris une belle assurance, le son s'était arrondi, tout en conservant une disharmonie particulière mais toujours musicale, et cette voix, que les autres voix ne parvenaient pas à couvrir ! Je m'attendais à quelque chose de très « Gospel », en fait c'était de Madagascar, du Pacifique et de la colline d'ici, « AKAMASOA » , « les bons amis ». Sûrement très malgache, comme une âme ensevelie et opprimée qu'on libérerait pour un moment, un instant de grâce, avec une gaîté naïve et grave, comme au bord des larmes. Ils sont entrés en procession par la grande entrée Est du gymnase . Le Père fermait la marche, souriant aux enfants qui venaient à lui. Dans cette odeur de musc et ce son d'un autre monde, j'ai pensé au Madiran que nous allions chercher avec mon père chez un vieux monsieur, sur les hauts de Maubourguet, il y a si longtemps, lorsque le Madiran était le Madiran, rugueux, terriblement tannique, âpre et brûlait avant de libérer ses arômes de terre, de roches, de galets du gave, de cèpes, de violette et de feuilles mortes, ses vieux ceps tordus hors d'âge, mais historiques, et ses barriques qui, lorsque la bonde était ôtée soufflaient des nuages rugissants de senteurs violentes, comme une lampe magique. Allez savoir pourquoi ! (pardon Bernard Largocampo pour cette digression œnologique iconoclaste et incompétente).



Je ne conterai pas le détail de la liturgie à laquelle je n'entends rien. J'ai le souvenir de chants et de danses constants et la présence écrasante du Père Pedro. Un vrai « show man ». Je sais qu'il a parlé longuement en malgache. D'une voix de galets roulés par le gave. Je n'ai vraiment rien compris, mais les trois ou quatre mille assistants alternaient gravité et rires d'enfants en joyeuses cascades. Toujours, il va au contact, un peu comme s'il en éprouvait un besoin impérieux. Puis à un moment il promené le Livre dans tout le stade, en musique évidement. J'ai pensé à Charlton Heston dans les Dix Commandements ». Le Père Pedro est grand, massif, avec des épaules de déménageur et des mains de travailleur de force. Mamy m'a dit qu'il parlait un malgache quasi parfait, avec une infime pointe d'accent. Habituellement, ça le fait marrer les vasaha qui parlent le malgache. Il paraît que c'est plutôt difficile.



Puis toujours en musique et, lui chantant avec la foule, le Père Pedro est parti une nouvelle fois dans le stade cueillir des enfants, des vieilles, des femmes et une petite albinos. Ils se tenaient tous par la main, la petite albinos juste derrière lui. Et il a à nouveau parlé en français. Je compris alors pourquoi les vazaha étaient recensés à l'entrée. Il parle un excellent français, un excellent espagnol car il a commencé son œuvre en Argentine et m'a t'on dit un très bon anglais et allemand, plus certainement quelques langues de l'EST. Il a dit que Dieu, aimait les pauvres et les démunis, les enfants, les femmes dans la misère, les veuves et les vieilles. Il nous a dit qu'il savait que nous les étrangers du Nord, nous avions aussi nos problèmes mais qu'il y en avait aussi à Madagascar . Il a dit que la seule mission de la politique et des politiques devrait uniquement être de penser à cette misère et de la soulager. Il a dit que les politiques devaient abandonner leur vanité, leur suffisance, leurs compromissions avec les pouvoirs d'argent, et qu'ici, à Madagascar, il aimerait les voir en dehors des périodes électorales. Puis il a remercié le Prince Albert de Monaco qui selon lui a fait un mariage modeste et pense toujours à AKAMASOA. En effet Monaco est un des principaux donateurs, et Albert les visite souvent. Il lui a souhaité tout le bonheur du monde et a invité la foule à prier pour lui et sa femme. En toute franchise, même si j'avais su, je ne pense pas que je l'aurais fait. En revanche il a avoiné la cour d'Angleterre et ses fastes et son absence de générosité. Bon ! Il a aussi parlé de la petite albinos, affirmant qu'il n'osait pas dire ici le sort qui aurait pu lui être réservé. J'ai ma petite idée depuis que Mamy m'a confirmé qu'effectivement, pour le jumeaux par exemple, dans certaines contrées du Sud, on les plaçait à la sortie d'un enclos à zébus qu'on lâchait, et que s'il en restait un en vie, on le gardait. Jamais les deux. Ah, les interdits et les « fady » de Madagascar !




Ils ont fait aussi la quête, et je compris pourquoi une armée de bâtons prolongés par un filet en forme de nasse étaient stockés au bord de l'estrade. On m'en a évidemment mis un devant le nez. Je n'avais pas d'argent sur moi. Nous le laissons au coffre de l’hôtel avec les passeports et les billets d'avion. C'est mon épouse qui en avait sur elle, pour payer le gas oil si besoin et le restaurant. J'ai eu très honte, me demandant ce que les assistants pouvaient donner. Toujours en musique et danse qui accompagna la sortie des religieux, par où ils étaient entrés. La musique et les chants ne voulaient pas cesser. Au bas de l'estrade, une vieille s'est mise à danser, suivie par une jeune femme bien ivre, et quelques autres.



Nous nous sommes retrouvés en bas, sonnés et abasourdis, avec le souvenir de moments d'émotion intense qui nous avaient emmenés au bord des larmes.





A suivre

PS: je tiens à remercier ce virtuose de Marc Delon d'avoir sauvé les photos de la petite albinos et de la femme à l'enfant. J'ai des petites videos de Mathilde mais je ne sais toujours pas comment les intégrer! Me cago!

vendredi 5 août 2011

Un dimanche matin sur la colline du Père Pedro (1)

Nous étions arrivés un vendredi, après une nuit dans l'avion. Nous avions tenté Air Austral, départ le jeudi de Bordeaux via Toulouse et la Réunion pour arriver le vendredi vers midi à Tana. Nous avons été sensibles aux attentions du personnel de bord et à un voyage bien plus confortable qu'avec Air France, une présence constante des hôtesses et stewards, des repas nombreux et corrects, et nullement la sensation d'être transportés comme du bétail, le tout à un tarif plus qu'avantageux par rapport à notre ex-fleuron national qui abuse vraiment de sa situation de monopole.



Passage au contrôle de police, un charmant jeune homme « uniformisé » nous demande un « billet ». Vlan 5000 arriary, soit à peu près 2 euros. Il était content. J'en reparlerai.



Mamy et L nous attendent. Le même rire, la même joie réciproque, plus contenue chez l'austère L, pourtant au bord des larmes. Mamy a changé de 4X4, c'est maintenant un gros Hyundai. En tous cas, celui là marche et n'a que 200 000 kilomètres. Une affaire en or qu'il nous explique en détails. Je n'y comprends rien. La logique malgache et plus singulièrement encore celle de Mamy fait d'infinis méandres, se perd, a des résurgences inattendues. Bref, il se comprend, et me semble t'il, l'aurait pratiquement troqué contre deux épaves, mais sous toutes réserves, je ne suis pas certain d'avoir tout saisi.



Le dimanche, nous nous sommes levés tôt, en direction, vers 7h30, de la colline du Père Pedro, pour l'Office. Une promesse que nous nous étions faite. La route est raide et pavée pour atteindre le haut du village. Ils cheminent en groupes, de ce pas lent et compté des malgaches, pauvres parmi les pauvres, ici , comme sans but ou plus exactement une manière d'indifférence qui émeut. Ils montent vers le stade, fantômes sans rire, certains endimanchés. Nous ne serons pas en retard, mais ici, encore, c'est un mot qui n'a pas grand sens. Le gros 4X4 avale doucement et facilement la pente. Mamy économise toujours sa mécanique.



Ici le Pere Pedro accueille les plus pauvres des pauvres, il les sort des poubelles, de la rue ou d'on ne sait où, tant ce pourrait être inimaginable pour nous, les accueille avec leur violence, souvent leur alcoolisme, des misérables, des vieilles, des femmes seules chargées d'enfants, des hommes en rupture de société, des veuves, des orphelins. Il règne ainsi à Madagascar sur près de 70 000 personnes, auxquelles il essaie de redonner un but, qu'il loge, en particulier, ici à Tana, dans les jolies maisons de cette ville nette et policée. Il leur donne un travail, leur donne à manger, scolarise les enfants et n'est pas peu fier des bons résultats au bac et de ces universitaires avocats, gestionnaires, professeurs, instituteurs, médecins, dentistes issus aussi du village, qui sont revenus ici, comme pour s'acquitter d'une dette et aider au pilotage de ce lourd navire, qui doit soigner, nourrir, éduquer, produire, vendre, gérer et surtout trouver des fonds, pour accueillir à la porte le maximum de miséreux et au moins réconforter ceux qu'on ne peut pas accueillir. Nous avions déjà constaté le respect peut être aussi, la crainte qu'inspirait à ses sujets cet homme de granit au regard d'enfant. Les politiques le redoutent aussi pour la « puissance » électorale qu'il pourrait représenter et les mots terribles de ses jugements sans appel. On imagine aussi la rigueur qu'il faut imposer lorsque l'alcoolisme, le vol, la violence, le viol, l'absence absolue de repères sont toujours présents ou menaçants, pour redonner à ces miséreux parmi les plus miséreux, une dignité d'être humain.




L'office se tient dans un grand gymnase attenant au terrain de football. Mamy a garé le 4X4 sur le parking « visiteurs » les autres viennent à pieds et peuvent parcourir des kilomètres. Aussitôt un jeune homme plutôt distingué est venu noter notre nombre, notre pays d'origine. Donc, un malgache, deux « vazahas français » pure laine, et leur fille une malgacho-  « vazaha », comme l'appelle L, de bientôt 13 ans. C'est noté.




Dans le gymnase qui se remplit peu à peu, un autel sur une estrade. Les gens prennent place au sol sur des nattes, des enfants et des femmes, vêtus de vêtements de différentes couleurs et dans un assortiment précis. Dans les gradins, on s'installe sans hâte. Aucune cohue ni cri, juste une tranquille pulsation de la foule, comme un cœur qui bat. Des « assistants » sévères, silencieux, précis et fermes sillonnent les rangs du bas pour installer les enfants dans un ordre mystérieux et rigoureux. Ça ne bronche pas. Aucune hâte, mais un ballet bien réglé et silencieux, un peu froid pour qui connaît la propension à la légèreté rieuse, c'est un euphémisme, ou plutôt, bordélique, des malgaches.




Je déambule, appareil en mains. Pas du tout l’impression d'un hall de gare. Quelque chose de contenu. Sur un coin de la grande estrade, l'homme de granit confesse des jeunes filles. D'ailleurs le mâle est plutôt rare ici. Mamy me dira qu'il est occupé à des œuvres beaucoup plus prosaïques, comme se saouler. Elles s'agenouillent, il leur pose la main sur la tête puis les écoute. Ce n'est pas long, je me souviens alors qu'enfant lors de la préparation à la première communion, je devais inventer des vols de sucre ou des détournements de la pièce destinée à la quête pour quelques sucreries dans l'épicerie voisine de l'église et ouverte à cette heure. Le confesseur sentait horriblement mauvais de la bouche, ça oui je m'en souviens. C'était m'a t'on dit un ancien aumônier militaire, peut être bien de la Légion, mais je n'en suis pas sûr, pas commode, mais cela ne justifiait pas son haleine de fennec. Il me filait un paquet de dix Ave je crois, ou autres choses. Il m'est arrivé de bâcler les prières rédemptrices, mais après tout, je n'étais pas certain d'être coupable, au moins de ce dont je ne me sentais pas coupable. Où il est, le Père Pedro, lui, ne peut pas sentir leur bouche, ni elles d'ailleurs, la sienne. Il reçoit leur parole, lui simplement assis sur une chaise, elles agenouillées une à une à coté, il les écoute, puis leur parle. Elles se relèvent tête basse, puis une autre arrive, toujours tête basse. Je me souviens alors que Mamy m'avait dit, déjà en 2007 que Mathilde était une européenne parce qu'elle se tenait droite et faisait face. Un peu plus tard, le Père me dira de ne pas gêner l'Office avec mes photos et en restant dans les allées. Il m'avait repéré. Je me suis senti honteux comme un enfant.



Je suis étonné de cette confession en plein stade, qui se remplit toujours. Je vais sur les tendidos ouest, derrière l'autel. Le jour levant met une tache d'or au fond du stade.





(à suivre)