Pour ceux que cela intéresse cet article fait suite à « le
révisionnisme espagnol (1) », que l’on peut trouver à http://adioschulo.blogspot.fr/search/label/saints%20et%20maudits
Il est tout à fait évident que
Vatican II, ainsi que les ouvertures prodiguées par JEAN XXXIII et PAULVI, marquaient de façon
très nette, une certaine distanciation de l’Eglise par rapport à la mythologie
de la « croisade de Franco »,
mais également du régime lui-même. L’Eglise commençait à s’interroger sur le bien-fondé
de son soutien à la dite « croisade »,
et les religieux, autres que la hiérarchie, surtout les jeunes, adoptaient des
postures contraires à celles de vieux hiérarques, souvent eux-mêmes membres
actifs du pestilentiel « national-catholicisme »,
qui naquit dès l’été 1936.
Ce point mérite un développement
particulier. En 1967, afin d’améliorer les relations entre les différentes
couches du clergé, la hiérarchie avait autorisé la tenue de synodes religieux
pour que s’expriment le mécontentement
et les pétitions pour des réformes urgentes. Le pas le plus audacieux vers la
restauration de l’unité et l’harmonie dans l’Eglise fut franchi en 1971, quand
se réunit à Madrid une très grande
assemblée de prélats et de représentants de toutes les sections du clergé
séculier et une petite partie du clergé régulier.
Ainsi sur 15449 religieux
consultés, ceux de moins de 30 ans optaient à 47,2 pour cent pour le
socialisme, alors que les plus de 64 ans représentaient 3,9 pour cent. Ni le
communisme ni l’anarchie ne faisaient recette, les mouvements ouvriers
recueillaient 15,3 pour cent de la catégorie <30 ans, et 9,7 des plus de 64
ans. La monarchie elle recueillait 3,6 pour cent des < 30 ans et 51,2 pour
cent des plus de 64 ans,
Le problème de l’Eglise espagnole
était une claire divergence d’opinion entre le clergé séculier jeune et les
anciens. De plus, restaient encore en tête de la hiérarchie des religieux plus
que compromise dans le « national-catholicisme ».
Même si aucune réforme ne fut adoptée, on plaida pour la séparation de l’Eglise
et de l’Etat, l’expression de pleins droits civils et d’un système
politique de « libre représentation ».
Mais de façon encore plus significative, il y eut une proposition de
désapprobation du rôle de l’Eglise dans la « croisade »
de 1936 à 1939 qui recueillit la majorité des votes, mais pas les deux tiers
nécessaires pour figurer dans le compte rendu final. Cette proposition se
terminait ainsi : « Nous
devons reconnaître ceci humblement et demander pardon pour le fait que nous
n’avons pas agi au moment opportun comme de véritables « ministres de
réconciliation » au milieu de notre peuple divisé par une guerre entre
frères ».
Mais aussi, cette Eglise voulait
contester l’exorbitant privilège accordé à Franco, aux beaux jours du « national-catholicisme » de
procéder à la nomination des évêques.
Monseigneur Taracon symbolisait
cette nouvelle posture de l’Eglise, même si, en fait, il ne revient jamais réellement,
sur la légitimité de l’insurrection franquiste. Il fut conspué lors des obsèques
de Carrero Blanco, que l’ETA avait assassiné, en 1973 aux cris de « Tarancon, al paredon », ce
qui signifie : « Tarancon, au poteau d’exécution ».
On convient en effet que l’Eglise
eut un rôle important dans le processus de transition, au grand dam du « bunker ». Cette même Eglise
qui avait fourni, à partir de 1933 la masse des militants de la CEDA, se
sentant menacés à la fois par les réformes de la seconde République voulant
laïciser l’Etat et dans de modestes propriétés agraires, que l’on pensait
menacées par la réforme agraire. Ces petits propriétaires catholiques du centre
de l’Espagne, devraient fournir les rangs des troupes franquistes
métropolitaines. Indépendamment évidement des troupes des intégristes
carlistes, les fameux « requetés ».
Dans ce contexte, et sachant
aussi que Tarancon avait beaucoup œuvré
en sa faveur, le fameux « indulto »
de la Transition peut se comprendre et favorisa, comme conséquence collatérale,
la thèse de la responsabilité partagée
mais également, de façon plus perverse, celle d’une manière de parité dans le
nombre de victimes de la Guerre Civile, qui étayait le discours des historiens
hagiographes de Franco, occultant tout à fait les victimes
principalement dans les années post 1939 jusqu’à 1945, dans la phase de
répression la plus active et favorisée par
la guerre, qui vit un
déchaînement invraisemblable et finalement, incompréhensible, de violence et de
« règlements » de comptes.
Et l’un des « secrets » de la durée de Franco, est que, par ailleurs,
totalement dénué de culture ou d’esprit critique, obsédé par sa propre
sauvegarde, qui se substituait à toute idéologie, si on excepte sa haine
antimaçonnique ou anticommuniste, que par ailleurs il confondait de façon
parfaitement infantile, il ne considéra jamais que la guerre fût terminée. Il portait de façon extrêmement efficace la
conviction absurde du clivage entre les
bons et les mauvais espagnols.
Efficace, pourquoi ? Elle
servait des intérêts parfois contradictoires, dans son camp, et lui qui ne
doutait jamais de la fragilité de l’homme devant certains arguments sonnants
et trébuchants sut parfaitement assurer
sa propre survie. Ainsi, le sens de ses différents gouvernements fut de ménager chacun en son moment l’un des
trois piliers du franquisme, à savoir : la phalange, l’église ou l’armée
toujours omniprésente.
Ce clivage forcené entre les « bons » et les « mauvais » espagnols était
simplement une conséquence de la certitude pour Franco que la guerre
continuait.
La fin du règne de Franco, pour
simplifier à partir de 1970 fut à bien des égards pathétique. On fusillait
encore ou envoyait au « garrot
vil » histoire de signifier que rien ne changeait. Même si de plus en
plus les oppositions prenaient corps que ce soit dans les universités ou les
usines, et ce malgré les « syndicats
verticaux » phalangistes.
Les générations se suivaient et
les fils de ceux qui avaient connu la guerre n’avaient pas toujours les mêmes
certitudes. Bientôt les « petits
fils » allaient prendre la succession avec d’autres interrogations et
certainement d’autres exigences de vérité.
A la mort de Franco, les
universitaires, historiens et sociologues
allaient pouvoir entreprendre un travail de fond, sous forme de d’études
monographiques, au niveau de chaque
Communidad. Il fallut tout de même attendre d’une part que la plupart des
archives espagnoles puissent être accédées, au moins ce qui en restait, quand
elles n’avaient pas été systématiquement détruites lors de la Transition ou après.
L’ouverture de certaines archivés,
surtout les russes après la chute du mur de Berlin, mais aussi les allemandes
permirent également de faire des progrès considérables dans la compréhension de
cette Guerre.
On dut se résoudre à admettre que
les chiffres du franquisme, voire même ses narrations de l’Histoire et ses
mythes étaient basés sur des mensonges d’Etat qui pourtant ont la peau dure.
A suivre
7 commentaires:
Chulo nous revient .... comme hirondelles au printemps !
Bien sûr que Franco de manière très primaire joua sur les "bons" et les "mauvais" espagnols via sa croisade (ou plutôt ce qu'il qualifiait de tel).
La phalange et l'armée lui étant, de fait, acquises, il ne pouvait jouer (si l'on peut dire) que sur la terreur et la menace anti-cléricale des débordements de la guerre civile.
Vatican II fut donc la bouffée d'air et le déclencheur de libération de cette imposture.
Mais Monseñor Tarancon n'était pas un homme de "posture" comme tu l'écris. Il prônait d'ailleurs une distanciation de l'Eglise d'avec le politique car, pensait-il, la foi est un lien universel entre les siens et non pas un moyen de diviser par des idéologies politiques. Il ne faut d'ailleurs pas oublier qu'il joua un rôle de conciliateur dans la transition entre le franquisme et l'arrivée de Juan Carlos et la démocratie.
La conclusion de ton post sur l'allusion à l'ouverture des archives soviétiques est fort intéressante car le débat s'ouvre ainsi bien au delà du rôle de l'église pendant et après la guerre civile. Rôle, somme toute, assez "anecdotique" eu égard à ce qu'elles révèlent sur des réalités bien plus lourdes et étonnantes ...)
Par exemple, sur l'intervention soviétique, belle opération pour Staline qui profita de tout l'or espagnol déposé à Moscou comme salaire de l'intervention soviétique en Espagne qui fut très modeste en hommes (3 000 seulement dont 200 tombés au front) alors que les B.I. payèrent le plus lourd tribut humain sur le front.
L'interventionnisme du Kremlin qui n'hésita pas à faire assassiner le secrétaire général du POUM de Negrin ...
Tu as raison, les archives lèvent le voile et éclairent sur les mensonges d'Etat et sur des mythes qui ont eu la vie dure sur des livres d'histoire.
Chère Maja,
pour une fois, je crain de n'être pas d'accord avec ton commentaire.
Mon but était seulement, et aussi pour justifier certaines variations de l'histoire, de souligner combien Vatican II, avant d'être anéanti par l'Opus Dei et les papes Jean Paul II et Benoit a embarassé Franco. Il ne faut pas oublier que le pouvoir économique était entre les mains de l'Opus et que par ailleurs se livrait une guerre sans merci entre ces Opusdeistes et les jésuites. Aujourd'hui, après avoir rendu de nombreux services, règlement d'Ambrosino et de Solidarnosc, on les dit omnipotents au Vatican.
De là à dire que l’Église eut un rôle « somme toute, assez anecdotique » pendant et après la guerre me paraît tout simplement faux. Elle a au contraire largement contribué à légitimer Franco et a joué un rôle détestable lors de la répression et après. J'ajouterai même qu'elle eut un rôle extrêmement important par son opposition obstinée à la République.
Concernant l'or de l'Espagne, « mis à l'abri » en Russie, plusieurs choses : Staline fut le seul des grandes puissances qui accepta d'aider la République, si on excepte l'aide généreuse mais très modeste du Mexique. Par contre l'Angleterre la France et les USA acceptaient tout à fait de voir Hitler et Mussolini bafouer la non intervention, en fournissant dès fin Juillet des avions à Franco puis des armes et des hommes.
Là où tu as raison, l'aide en homme de la Russie fut numériquement faible, à peu près comparable quoique inférieure à celle de la légion Condor, faible donc mais de qualité car les commissaires militaires aidèrent énormément à la création d'une armée républicaine. Mais l'or servit surtout et essentiellement à financer les achats d'armes. De ce point de vue les plus sophistiquées telles qu'avions et chars furent d'excellente qualité et ne furent pas pour peu dans l'épopée de Madrid.
Cette aide, avec d'ailleurs les Brigades Internationales n'arrivèrent ou ne furent opérationnelles que début Novembre. Je suis de ceux qui pensent qu'hélas, la messe était déjà dite pratiquement.
Toutes les études recentes sur les armes de la Guerre Civile, démontrent que les deux camps dépensèrent à peu près la même quantité d'argent, avec un avantage en nombre d'armes pour les franquistes beaucoup plus lié au fait que pas mal d'armes russes n'arrivèrent jamais à destination. Seule différence aussi, la participation de l'Italie via la CTV , la fameuse « cuando te vas » culmina à 70 000 hommes et ne fut jamais inférieure à 40 000 hommes.
Les armes nazies allemandes et fascistes italiennes furent payées à crédit par Franco alors qu' en plus les allemands se payèrent largement sur la bête après la chute du Nord et des provinces basques. L'Espagne continua à payer les allemands jusque dans les années 60 alors que Mussolini avait accepter de gommer une partie de la dette.
Enfin, il est vrai que Staline avait exporté en Espagne ses purges antitroskistes, et par contre, je ne vois pas ce que Negrin a à voir avec le Poum. Sans doute voulais tu parler de Nin. Mais il s'agit aussi d'un des points les plus délicats, je veux parler du rôle des anarchistes.
Eh Pepone et Don Camillo, vous n'allez pas vous chamailler à cause des curés et des gauchos ? Vous savez bien qu'on a chacun sa lecture de l'Histoire. Et que les terroristes des pays frappés sont les combattants de la liberté des pays frappeurs...
Vive Poutou qui se fait chier depuis huit mois à être candidat !
Chulo, tu as raison lorsque tu me "retoques" sur ce que j'ai nommé le "rôle anecdotique de l'église". Mais mon affirmation était celle de l'Eglise dans son rôle le plus proche des croyants, c'est à dire de la foi. Pas l'Opus Dei dans son omnipotence avec les dérives qui ont suivi, l'anéantissement dont tu parles.
Pour le POUM, c'est effectivement d'Andrés Nin qu'il s'agissait.
Qué tal, amigos, por aquí "meando" que diría un castizo en visita rutinaria, con más frecuencia de la que podéis imaginar, y en viendo las fotos con la que ilustra el Chulo salgo de aquí pitando no sea que me vaya a pasar algo.
Maja, Bs.
La condesa de Estraza
hola condesa de mi alma,
una vez mas no pesco nada a tu comentario, pero vaya, quizas maja me aclarara!
ya habras notado que "su guerra" me esta obsesionando.
un beso guapa, y una vez mas te digo que aqui es tu casa.
pd: estoy preparando algo sobre josefina carabias y su azana. muy interesante!
Chulo, la passion vous emporte vers de belles pages d'Histoire. Quant à la vérité ! Heureusement qu Maja Lola veille. On voudrait tant qu'elle coïncide avec nos opinions que je la crois impossible à atteindre !
Gina
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