l’irrésistible ascension d’un DJ
Le sémillant Andry Rajoelina est
né en 1975. D’une famille d’origine noble mais chose étonnante à Madagascar
plutôt impécunieuse. On sait en effet que les trois piliers du pouvoir sont
ici, la noblesse, l’église et l’armée. Le père de Rajoelina servit dans l’armée
française. Ceci lui valut de disposer de la double nationalité franco malgache.
Ses parents et sa sœur résidaient en France. Alors lui, il allait se partager
entre la France et Madagascar.
Il fit des études médiocres qui ne l’amenèrent pas pratiquement au-delà du niveau de bac. De plus, multipliant les petits boulots, il fut célèbre en tant que DJ animant les soirées chaudes de la « jet set » malgache et autres, en particulier dans la boite de l’ex Hilton, actuellement Carlton à Tana. On dira que cette image lui colle un peu à la peau.
C’est donc à Paris qu’il
rencontra son épouse Mialy Razakandisa, ravissante par ailleurs, fille de
famille richissime, avec en particulier une belle-mère redoutable en affaires.
Il ne faut pas trop le dire mais madame Rajoelina, par ailleurs très active
dans le « charity business », ne déteste pas passer régulièrement ses
week end à l’Ile Maurice dans sa très select résidence, je dis très select, car
il s’agit d’un machin horriblement cher et très jet set. Tout ceci nous éloigne
un peu de ce peuple martyr. Bon, j’ai entendu de bien vilaines langues suggérer
que le jeune Rajoelina, par ailleurs impécunieux, avait une attirance
particulière pour les riches héritières.
En tous cas ce fut le point de
départ d’une trajectoire hyper rapide, avec la création d’une société Inkjet
dans le domaine de l’affichage publicitaire, société à laquelle allait
s’adosser une société bien plus puissante de Madame Belle Maman, Nicole
Razakandisa, société, la Domapub dont il
devient actionnaire et qu'il rachètera par la suite. Injet/Domapub détient
alors le monopole de l'affichage publicitaire à Antananarivo.
En 2007, il rachète pour 400
millions de MGA (environ 150,000 €), la
radio et chaîne de télévision Ravinala, propriété de l'homme politique Norbert
Ratsirahonana qu'il rebaptise Viva.
Ravalomana vint au pouvoir, j’ai failli
écrire, fut élu. Les élections lui donnaient une minorité – soit moins de 50%
des voix- mais plus que Ratsiraka, mais insuffisante pour l’amener au pouvoir
au premier tour. Il décréta avec quelques militaires et l’Eglise
protestante qu’il était vainqueur. La
Haute Cour Constitutionnelle, toujours prête à aider le plus fort, entérina
cette curiosité. Nous verrons qu’elle fera aussi bien pour Rajoelina .
Car enfin, si on commence à
supposer la fraude électorale, on n’en finit plus, et mieux vaut donner raison
au plus fort, d’autant qu’il faudrait chercher celui qui pouvait acheter le
plus de voix. Bref, ce sont ces régimes qui veulent se donner des airs de
démocraties, avec des institutions héritées de la France, mais totalement
déviées de leur mission. Ça a l’apparence de la démocratie, car le peuple est
censé voter, mais c’est autre chose. Il arriva donc au pouvoir, laissant au
passage une centaine de morts sur le carreau. Ratsiraka préféra se retirer en
France, où il vit un exil doré, certainement avec les économies réalisées durant
ses années de règne. Bref en 2002 Ravalomanana s’est autoproclamé Président de
la République Malgache, avec la bénédiction du Président de la HCC.
Et puis aussi, dans un pays où
l’analphabétisme ne cesse de progresser, pour être supérieur à 50%, je voudrais
qu’on m’explique le sens que peut avoir une démocratie, quand, avec un tee shirt ou un petit billet, on peut faire voter
n’importe qui, de même avec les diatribes des prédicateurs, pasteurs, gourous
et autres imposteurs. Et si cela ne suffisait pas, quelle crédibilité apporter
aux comptages de voix ?
Et figurez-vous que notre DJ fut
élu maire de Tana en 2007, soit à 33
ans, pas mal non ? Comme ça, sur son charisme, sa valeur
entrepreneuriale, avec sa radio, sa
société d’affichage, mais aussi belle maman. Bref, dans ce pays de cocagne pour
le fric, rien n’est impossible et notre Handry arracha la mairie de Tana, qui
est un tremplin quasi obligatoire pour
un merina. Ravalomanana avait prévu d’y placer un homme à lui, mais il fut
battu. Connaissant Madagascar, on devine que tout ceci ne fut pas simple, ni
gratuit, ni d’un côté ni de l’autre. Pour l’occasion il monta un parti
politique, le TGV, « Tanora
malaGasy Vonona » (traduction :
« Jeunes Malgaches prêts »),
qui se déclarait franchement en opposition à Ravalomanana . Ce n’est pas
non plus gratuit !
Ceci dit, la même année,
Ravalomanana était réélu sans discussion possible à la Présidence de la
République. Le moins qu’on puisse dire est qu’il ne fit rien pour favoriser le
travail de Rajoelina à Tana, coupant les subsides de l’Etat, tandis que la Jirama
elle, coupait fréquemment l’électricité pour une histoire d’ardoise laissée par
les précédentes mairies, et contestant son monopole des panneaux d’affichage.
De plus de fréquents conflits les opposaient avec la chaîne Viva. Tout ceci
tourna en eau de boudin, avec l’histoire entre autres des coréens de Daewoo et
Ait Force 2 en 2009, Rajoelina ayant pris la tête de l’insurrection politique.
Il s’en suivit des émeutes sérieuses, et Ravalomanana dut négocier son exil non
sans avoir fait tirer une dernière fois sur la foule, faisant une trentaine de mort, à cette occasion.
Il avait prévu de donner les cles de Madagascar à une Junte militaire, qui elle
remit le pouvoir pour la transition à Rajoelina. A 35 ans donc.
Depuis, durant 3 ans, d’une part
Ravalomanana fait tout pour revenir, entretenant sur place une opposition très
active depuis son exil en Afrique du Sud, la Haute Autorité de Transition que
Préside Rajoelina, avec l’aval de la Haute Cour Constitutionnelle, Haute
Autorité qui regroupe une collection de « ministres » de toutes
tendances jusqu’à assez récemment les partisans du Président déchu, ,n’est pas parvenue
à organiser des élections, est régulièrement menacée de se voir couper les
vivres, ce qui fait le bonheur des généreux chinois qui visent le Pétrole et
les métaux, mais également doit composer avec les américains très pro
Ravalomanana.
Il n’est pas exclu que Rajoelina
n’ait pas la moindre compétence pour un tel poste, et les « investisseurs »
s’en donnent à cœur joie, consolidant un neo colonialisme étouffant pour le
peuple. Au début l’Elysée par la voix de Nicolas Sarkozy a fait remarquer que
Rajoelina avait pris le pouvoir par un coup de force ce à quoi les malgaches
répondent qu’il a été validé par la Haute Cour et que Ravalomanana avait fait
de même. Ceci dit aussi, les attaques de Ravalomanana contre la francophonie,
faisaient craindre pour les intérêts français encore puissants là-bas, et
agaçaient souverainement les français. Donc depuis, comme toujours, une attitude
très France Afrique a été observée. D'un côté une certaine forme de « reconnaissance »
de Rajoelina, même si elle est mesurée et assujettie à un certain nombre de
concessions, en particulier pétrolières mais pas seulement, en plus en contre
chant, on susurre qu’une sortie possible serait le "ni ni", c’est à dire ni
Rajoelina ni Ravalomanana, aux prochaines élections, lequel Ravalomanana est totalement opposé à cette éventualité et, depuis son exil doré vient de se
faire incroyablement réélire Vice-Président de l’Eglise FJKM. Pas mal pour un homme condamné
par la justice de son pays à la prison à vie par contumace.
Je reproduis ici un article paru
sur Sobika pour info :
Test grandeur nature
Les élections pour le renouvellement des membres du bureau au sein de
l’Eglise réformée Fjkm n’auront pas été une promenade de santé pour les deux
candidats à leur propre succession, à savoir les Présidents et Vice-président
sortants, respectivement Lala Rasendrahasina et Marc Ravalomanana. S’il est
vrai que, dans d’autres domaines, notamment celui politique, plus les résultats
des scrutins sont serrés, plus les consultations peuvent être qualifiés de
démocratiques, le fait se prête à des interprétations beaucoup plus
inquiétantes non seulement pour les vainqueurs mais aussi et surtout pour
l’organisation concernée, en particulier dans les circonstances actuelles. Car
sans aller jusqu’à dire qu’il fallait s’attendre à un plébiscite, force est de
constater que les résultats réalisés par les deux candidats suscités n’ont pas
été à la mesure des intenses actions de lobbying en leur faveur qui ont précédé
les opérations de vote.
Ceci, sans parler des autres arguments plus que percutants - pour
ne pas dire sonnantes et trébuchantes
- qui, on le devine, auraient pu
accompagner les propagandes. Dans tous les cas, au vu de ces victoires dans un
mouchoir de poche, le moins qu’on puisse dire est que, dans des conditions «
normales », les deux favoris auraient sûrement été proprement terrassés par
leurs adversaires aux moyens beaucoup plus modestes..
Au-delà, pour beaucoup, ces scores presque de parité des élections à la
tête de la Fjkm, bien même qu’ils soient plus ou moins tronqués, ne peuvent que
refléter la division en son sein et sans qu’il soit besoin de le souligner, il
est clair qu’elle puise ses origines, en grande partie, dans la crise qui
affecte le pays actuellement. Pour moitié en effet, ce vote sanction signifie
un désaveu à l’égard de ceux qui ne se sont pas privés de mélanger le spirituel
avec la chose politique, voire d’instrumentaliser le premier au profit de la
seconde. Pour moitié, il s’agit d’un désaccord manifesté à l’égard de ceux qui
se sont révélés être à l’opposé de ce qu’ils étaient censés être, c’est-à-dire
des directeurs de conscience.
Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne particulièrement Marc
Ravalomanana, beaucoup estiment que, si ces élections s’étaient tenues au
suffrage universel direct, elles auraient pu servir de test grandeur nature
pour sa popularité actuelle, du moins au niveau de la communauté protestante.
Et si déjà, sur ce qu’on aurait pu considérer comme étant son « terrain de
prédilection », il apparaît que l’homme avait tout le mal du monde à obtenir
une confortable majorité, qu’en sera-t-il dans la prochaine course à la
magistrature suprême du pays auquel il compte s’aligner et où l’électorat sera
beaucoup plus large, pour englober notamment
- et pour ne citer qu’eux - les
croyants de la très puissante Eglise catholique que l’ex-Président, nul ne
l’ignore, n’avait absolument pas en odeur de sainteté tout au long de son quinquennat
et demi ?
En attendant, vu de l’extérieur,
la corruption s’amplifie de façon dramatique, la misère aussi, avec l’insécurité.
Et le pays coule, sans véritable gouvernement, à la merci de toutes les spéculations ! A tel point que je connais des gens très modèrés qui pensent que pour sortir de ce marasme il faudrait une junte militaire "probe" qui organiserait les élections! C'est dire si ça va mal!
A suivre : les enjeux de Madagascar
1 commentaire:
Toujours enchantée et intéressée par ta documentation, ton analyse et ton clair exposé Chulo. Tu démontes (et démontres) le système avec une précision de vrai reporter où transparaît toujours ton amour pour ce pays.
La misère la plus cruelle côtoyant le glamour, l'opulence et la corruption d'une jet set cynique et méprisante.
Si cette dernière prête à sourire et quolibets dans nos pays nantis, on en mesure toute la noirceur et l'injustice dans ce pays où est martyrisée sa population la plus démunie !
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