Suite à la parution de l’article
précédent, aux commentaires de Gina
et Maja Lola, et à trois contacts
hélas « off » concernant ce
texte, je voulais répondre en commentaires mais à la réflexion, je pense que le
sujet mérite un développement autre.
En gros, on me fait remarquer que
le décompte scrupuleux des victimes est assez inutile car, qu’ils soient, 35000
ou 40000, voire 200 000, par exemple, cela ne change rien à l’affaire. D'autant qu'en plus, par exemple lorsque la France réprima la révolte des malgaches, en 1947, elle laissa sur le carreau pas loin de 70 000 victimes et inaugura une façon de se débarasser les "sorciers" qui prétendaient protéger les malheureux des balles, en les précipitant vivants des avions sur les villages.
Certes, j’entends fort bien cet argument, d’autant qu’on a fait bien mieux
depuis que pendant la Guerre d’Espagne et après.
Mais je voudrais dire que cette
Guerre d’Espagne, à laquelle je voue une passion surement excessive, me parle
beaucoup de thèmes qui sont d’actualité : ces gauches qui seront toujours
condamnées à l’impuissance, par leurs divisions, ces droites qui savent
toujours se mobiliser autour d’un « chef ».
Ou encore, la difficulté pour la gauche d’être un parti de pouvoir, alors que
celui-ci fait partie intégrante de la culture de droite pour laquelle il est un
dû.
Certes, en Espagne, en 36, la
République restait quelque chose de fragile, un colosse aux pieds d’argile, qui
s’effondrerait, victime certes de Franco
mais aussi de ses divisions, de ses contresens révolutionnaires, de son
immaturité, mais aussi de son manque de « chef
de guerre » ; chefs de guerre que n’étaient ni Manuel Azana, ni Indalecio Prieto, ni Largo
Caballero, ni Companys, ni Aguirre, ni Giral, ni Casares Quirogas
ni, encore moins Besteiros. Le seul
qui aurait eu cette dimension étant probablement Negrin, arrivé trop tard, alors qu’avec la chute du Nord de
l’Espagne, la messe était dite. Sans oublier les anarchistes, dans leurs
différentes déclinaisons, qui voulurent faire la révolution pour gagner la
guerre et furent à l’origine des émeutes de Barcelone, en 1937, qui causèrent
la perte de Largo Caballero, avec la
chute Malaga, tout en approfondissant
la rancœur entre les communistes et certaines tendances de la gauche.
Ces communistes ou sympathisants
qui avaient fait un énorme travail de reconstruction d’une armée républicaine
inexistante, avaient su organiser la défense de Madrid, mais hélas, par la
suite, les défaites se succédant, étaient entrés en conflit ouvert avec
certaines composantes de la gauche, exportant, en particulier les ignobles purges anti
trotskistes ou plus généralement staliniennes,
dont la victime la plus célèbre fut Nin,
le leader du POUM, disparu corps et
âme, après avoir été torturé.
Ceci je l’écris à contre cœur,
car j’aurais aimé ne voir que de la noblesse et de l’héroïsme désintéressés
dans les agissements des républicains de tous crins. Mais c’est vrai aussi que
cette République fut trahie, condamnée, isolée par le non interventionnisme cher
aux anglais, alors qu’Italiens et Allemands agissaient en toute impunité. C’est
vrai que la malheureux Blum avait
envoyé dans le sillage des mercenaires, par ailleurs hors de prix de Malraux,
des avions dépassés techniquement et surtout désarmés.
L’aide de Hitler fut quasi immédiate avant la fin du mois de Juillet, et
spécifiquement envoyée au seul Franco,
qui par là même, consolidait sa position de leader. Les italiens allaient
suivre immédiatement.
Cette aide permit surtout de
commencer à injecter des troupes cantonnées au Maroc, par voie aérienne, Tercio et Regulares, troupes disciplinées, impitoyables,
bien armées et entrainées, dont la seule vue faisait se disperser les milices
républicaines, désarmées, non encadrées et suprêmement désorganisées pour ne
pas dire bordéliques.
Au Nord, dans la Navarre carliste, Mola avait pris le pouvoir à
Pampelune, sans difficulté, et disposait de la milice armée des Requetes, que la République avait laissée
se développer avec l’aide en particulier des italiens. Cette milice était
nombreuse, très performante et valait les troupes marocaines.
Cette montée du Sud vers Madrid,
en particulier par les troupes de Yague,
fut d’une violence inouïe, face à des milices inexistantes, sans commandement
et désarmées avec la terrible prise de Badajoz
et le massacre dans les arènes, et ce dès la mi-aout. Badajoz payait deux choses : le fait d’avoir été le théâtre de
collectivisations de terres pendant le premier semestre 1936, mais aussi de
permettre de contrôler l’accès au Portugal, tout en permettant de faire par
l’Ouest de Madrid, la jonction entre les armées de Mola et celles de Franco.
Yague
répondant à un journaliste avait affirmé que oui, on avait fusillé en masse,
car on n’allait tout de même pas laisser derrière soi 4000 « rojos ». Les nombreux journalistes dont Neves et Allen, et surtout le photographe français Brut, passés par Badajoz ayant produit des articles
et photos extraordinaires furent discrédités, surtout Neves
qui était portugais, alors que le Portugal dès le début apportait un soutien
sans condition à Franco, facilitant
en particulier les livraisons d’armes.
Pourquoi cette digression
apparente ? Et bien tout simplement parce qu’on touche au cœur du
problème. Les britanniques qui ne voulaient pas fâcher Hitler, préféraient Franco
à la République. Les lobbies catholiques s’étaient rapidement rangés aux cotés
des franquistes, informés ou manipulés par la hiérarchie espagnole. Et on
entrait dans ce qui allait devenir une façon d’être du franquisme : le
déni. Badajoz serait une invention, Guernica aurait été incendiée par les « rojos » et de Durango on ne parlait même pas.
Il est curieux de constater que
la très bien-pensante Croix Rouge était présente pour les massacres rouges de Paracuellos, mais n’avait pas jugé bon d’être
à Badajoz, ni à Guernica, ni à Durango ni
même dans toutes ces villes décimées lors de la marche des troupes marocaines
vers Madrid. Il est vrai que dès le
départ les rebelles surent contrôler l’information dans leurs lignes, y compris
par le meurtre ou la terreur, alors que la République, forte de son soutien par
nombre d’intellectuels facilitait plutôt, au moins au début, l’accès aux informations.
En tous cas, pour définitivement
en venir au thème de cet article, il est curieux de constater combien Franco
avait compris l’importance des chiffres, quitte à les manipuler, par l’intermédiaire
de la Causa et son fameux score de
parité, car en Espagne les vainqueurs écriraient l’histoire, leur histoire, pendant pratiquement 40 ans.
Le déni a également très
longtemps été la règle, relayé par les medias, et la totalité de la classe politique
et religieuse.
Il me semble que l’on doive
considérer ce décompte morbide et masochiste, d’une certaine façon, comme la façon,
ou une façon, précisément de démonter un système basé sur le mensonge
institutionnalisé, mais aussi in fine d’essayer de comprendre comment un homme
aussi terne, aussi dénué de tout charisme, que Franco ait pu rester au pouvoir pendant près de 40 ans. On peut
tenter l’explication qu’en fait, il servait une partie de la population
précise, qu’il favorisait et gratifiait en permanence. Ainsi, il gratifiait une moitié bien-pensante de l’Espagne
tout en réduisant au silence le plus douloureux, l’autre moitié.
Pour Franco, la guerre ne s’achèverait qu’avec sa mort.
5 commentaires:
Chulo, je pense comme vous que le Nombre en dit long même si l’imagination a du mal à suivre et se perd vite dans les zéros, que ce soit pour compter des euros ou pour compter des cadavres. Ce n’est plus le langage mathématique qui compte mais le sentiment qu’il provoque dans la monstruosité.
Quant aux leçons à tirer de l’histoire, aux vérités, elles ne sont guère scientifiques me semble-t-il. Les Gauches comme les Droites cherchent par tous les moyens à ratisser large et à user de promesses, de mensonges en se cherchant des appuis, soit la force militaire, la terreur - on connaît -, ou tout simplement les médias.
Les chefs, à droite comme à gauche, prisonniers de leur narcissisme ou de leur mégalomanie ne peuvent dissimuler leur rivalité.
Gina
Ach... un presque beau portrait : si seulement elle avait regardé l'objectif, arrêté de sourire et que tu la convertisse en N et B...
oui je sais. te connaissant je prends presque celà pour un compliment.
tu aurais pu ajouter banale, surexposée.
pour le reste les malgaches détournent presque toujours les yeux devant des vazahas, et justement ce regard en biais est assez juste, en même temps comme décomplexé, et ce rire est une de leurs marques.
c'est parce que cette photo me semble bien parler des femmes malgaches que je l'aime bien.
pour le reste c'est une photo totalement brute de fonderie et la couleur et le grain de la peau me semblent mériter la couleur.
j'attends que mathilde qui est déjà experte me montre comment trafiquer les photos.
Pourquoi arrêter de sourire Marc ?
Moi je trouve ce sourire spontané et lumineux .... un peu de fraîcheur dont notre société conventionnelle et coincée aurait parfois besoin !
Parce que souriant ainsi elle montre qu'elle tient compte de celui qui la "braque", il n'y a donc plus de vérité.
Ta fille, comme tous les photographes ne trafique pas ses photos elle développe ses fichiers.
Enregistrer un commentaire