Le chagrin, cette blessure de
l’ame, vous envahit et vous réduit à l'impuissance. Le malheur qui peut se
manifester quasi simultanément sous différentes formes, vous anéantit, vous
froisse comme un papier d’emballage détroussé avant de rejoindre la poubelle.
Alors vous n'avez plus ni envie d'écrire, ni de vous insurger, ni de parler,
encore moins de parler de toros. Si vous saviez comme je me fous des états
d’âme du roulis, ou de la fasciste Sra Dª Mercedes Picón y Agüero, Marquesa de Seoane, qui poursuit toujours,
avec sa choucroute sur la tête « los rojos » d'une haine
inexpugnable, elle, la roturière. Et je me marre de voir certains irréductibles
gauchistes, staliniens repentis , ou « connaisseurs » de la
Guerre d'Espagne, honorer ce symbole vivant de la réaction espagnole, du vrai
fascisme, pourtant rare en Espagne, accompagnée de son veau sous la mère. Donc,
au risque de heurter certaines sensibilités autoproclamées détentrices de la
corrida la seule, la seule vraie, la leur, celle des vrais Veragua de la
Marquesa de Seoane, on se marre, je n'aime pas les Prieto. Et je le dis haut et
fort. Et même, vous l'avouerai je, je n'apprécie pas Fandino. Tout comme je me fous
de la stupéfiante reconversion du visionnaire du Boucau. Çà m’arracherait même
un sourire, au cœur de cette année de froides nuits.
Voilà c'est dit. Le froid peu à peu s'évade des os,
sans précaution excessive, parfois avec des craquements, comme s'il étouffait
et avait besoin de l’âme du feu. Mathilde rit en regardant des conneries à la
télé. Comme si les sublimes aubes de Deck peu à peu s’effilochaient, au dessus
des marais landais, peut être ceux d’Orx, près de chez lui, pour laisser place
à un soleil de frileuses mais bienfaisantes espérances. Le soleil de chez nous.
Ce soleil naissant, avec sa lente montée en température, bienfaisante comme la
joue d'une mère. Et puis j'ai aussi les amis du net, le kine nimois que je
trouve un peu triste, maja, ludo, gina, mon « hermanito » de las
Ventas, ma Condesa chérie, mon Xavier, mon cher JLB aussi et Largo Campo, et le
Deck, bien sûr. Tous ont su, parfois par leurs paroles, leurs écrits, leurs
mots si pudiques, ou leurs silences, me
dire que nous n'étions pas seuls, quand
la boue molle et tiédasse de la détresse durcissait autour de nous, pour nous pétrifier.
Car on n'a plus la force de lutter pour casser l'emprise. Merci à vous mes amis
de m'avoir épargné les platitudes, les phrases convenues, ou les « c'est
normal ». Le malheur n'est jamais normal, c'est une saloperie, partout
dans le monde, mais décider de ne plus se battre, nom de Dieu, Mathilde!
Bien sûr, avec mes petits problèmes, je me trouve
maintenant un peu con, même si, jamais plus je ne baisserai la garde. Parce
qu'il ne faut pas le faire. Et les guerres partout. Dans les guerres ce sont les
civils qui trinquent, surtout les enfants. Je hais la guerre, celle qui met ces
terreurs dans les yeux immenses des innocents. Certains sur les blogs ont tout
compris et savent où sont les sympas et les fachos. Moi pas. J'envie leur
naïveté ? Naïveté ou manipulation, ou propagande de pacotille. Non, elle
me désole. Le doute rend les nuits invivables. Les certitudes, même les plus
obscènes aident à dormir du sommeil de l'injuste, le plus fréquent, ou de
l'ivrogne, ou de l'imbécile. Le salaud est celui qui tire les ficelles. Mais
laissez les femmes, les civils, les enfants en paix, bande d'ordures.
Voilà, je me répète. L'Olivier lui, a écrit un livre
immense. Je crois, d’après ce qu’il m’en a dit récemment, que lui même ne le
mesure pas. « La
ferme des fous ». On sentait bien avec « Adios Cartucho », qu’il se passait de
grandes et belles choses chez notre écrivain. Ce titre qui sonnait si fort la
guerre et en rythme sec de « taconeo» disait la couleur de
l’Espagne martyrisée d'alors, avec l’Ebre roulant des flots boueux de sang, devenu, sous une
couverture immonde qui mériterait pour l'illustrateur de réhabiliter le garrot
ou la guillotine, et le titre ordurier, racoleur, visant les 1500 d'un livre
taurin, « Adios Torero », le pire titre possible,
le plus laid, le plus putassier, le moins conforme au livre, dans un graphisme
à dégouter un anorexique de vomir. Pourquoi pas « l'amoureux éconduit ? » trop « Concon ? » . Allons messieurs du
Diable, Olivier méritait mieux, le texte aussi. Mais il vrai aussi qu'un grand
texte finit toujours par renaître des injures au talent des éditeurs, marketing
oblige disent t’ils.
Voilà, une nouvelle fois, c’est dit. J’ai connu en
ces temps d’angoisse un psychiatre qui voue sa vie aux adolescents en
souffrance. Il est géant et joue de la guitare rock. Tout en lui exprime
l’attention portée aux autres, la bienveillance sans mièvrerie, le respect, hé
oui, le respect. Tout le personnel de son institution est chaleureux,
respectueux, ouvert, à l’écoute. Avec le psychiatre référent, les entretiens
sont rudes, sans concession. On imagine l’adolescent éperdu, cherchant au fond de
lui le mensonge ou le travestissement salvateurs, pour finalement céder. Par
petits pas que seuls ces grands professionnels savent valoriser. A ceux qui en
ont le goût et la capacité, on demandera beaucoup d’écrit. C’est ici que nous
en venons, enfin à la « Ferme des Fous », ils pensent comme Colbert
le psychanalyste, que l’enfermement en hôpital psychiatrique ne fait
qu’aggraver les choses.
Chassé par la guerre ce psychanalyste part avec une
poignée de malades, assumant le risque d’abandonner à leur triste sort, car les
nazis n’aimaient pas les « fous », ceux dont il pensait que soit ils
ne supporteraient pas le voyage, soit que tout espoir était perdu pour eux. A
l’exception d’une vieille femme et d’un vieil homme pourtant quasi mourants.
Les autres sont certes malades mais jeunes et
potentiellement actifs. Cette troupe de malheureux va trouver refuge dans une
ferme, qui deviendra leur lieu de vie. Le psychanalyste développe l’idée que la
maladie mentale ne peut être vaincue que si le malade mange bien et s’adonne à
des activités, si possible de groupe. Donc le premier sujet d’occupation est
trouver de la nourriture dans les fermes environnantes, mais également remettre
en état la ferme délabrée et même cultiver un potager.
C’est une micro société qui se met en place, plus ou
moins en marge de la société en guerre mais sans étanchéité entre les deux
mondes. Les caractères deviennent plus tranchés lorsque la parole se libère.
C’est une œuvre complexe, qui marque encore une
évolution chez Olivier Deck, dans la recherche d’un sens dans l’art, gagnant au passage une grande profondeur. L’écriture
est celle de toujours de Deck mais peut être plus épurée, incisive, s’autorisant des
violences inhabituelles, avec parfois des moments de grâce descriptive. Car la
nature reste l’âme et l’homme une racine.
Disant cela je pense à Companys, à la même époque
pratiquement, ce grand leader politique catalan, livré à Franco avec Peiro et
Zugazagoitia par Vichy. Companys donc, qui demanda à ôter ses chaussures
blanches pour être fusillé, afin de sentir sous ses pieds, une dernière
fois, sa terre de catalogne.
Il y a toujours chez Deck ce lien sensuel à la
terre, sans qui l’homme ne serait rien.
Moi-même obsédé par la Guerre d’Espagne, je
comprends cette obsession de Deck pour la période de l’occupation, surtout dans
les campagnes. Tandis que les « fous » de la ferme suivent leur
évolution sous l’œil du psychanalyste, au début peut être, plus spectateur
qu’acteur, une petite fille lui donnera l’occasion d’agir vraiment et de se
remettre en accord avec lui-même. Autour, l’occupation est prétexte à toutes
les variations du genre humain. La veulerie, la lâcheté, la saloperie, la bonté
désintéressée aussi.
Et ce qui m’a passionné est que la simple recherche
de ce psychanalyste, ou son simple contact avec ses demandes simples, telles
que disposer de la ferme plus longtemps, se procurer de la nourriture ou des
médicaments, fait littéralement exploser tout le voisinage mettant à nu les
haines, les mesquineries, les lâchetés, les rancœurs enfouies. Alors que le
psychanalyste poursuit son chemin obstiné et solitaire, presque obtus, au moins avant
la rencontre salvatrice avec la fillette, pour se démontrer à lui-même qu’il a
raison dans sa démarche et que c’est la seule chose qui lui importe.
La fillette fera sortir Colbert de l'impasse d'une culpabilisation fondamentale, pas si bien assumée et fera du psychanalyste un homme nouveau. A lire, sans modération!
4 commentaires:
Vu...
Il y en aurait des "choses à dire" sur ce post multidirectionel comme je les affectionne moi-même. Je note que nous nous ressemblons un peu dans ce goût du "Fouzytou-édito" et cette incapacité à avoir des secrets pour qui sait couramment lire les filigranes. Frerot Chulo, salutations mélancoliques.
Comme sur la photo, dans ce texte tout en émotion et amertume, le ciel noir laisse poindre un pâle soleil printanier qu’on espère de plus en plus lumineux. Cela nous vaut de belles images, de belles lignes où la réalité se fond délicatement dans la fiction du roman d’Olivier Deck ; bravo Chulo, tout est prometteur.
Gina
En fait mon Chulo, le secret serait de parvenir à penser: "Finalement tout cela n'est pas si important!", tour en ne devenant ni indifférent, ni cynique.
Mais comment y parvenir lorsque, comme toi, on a la chair à vif de l'écorché hypersensible (ce qui dans mon esprit est un grand compliment!)?
Et puis, on souffre d'autant plus d'être A-normal, dans une société acquise à l'indispensabilité du bonheur libéral.
Combien de temps l'expression du vague à l'âme, de la nostalgie, du mal-vivre, de la colère, de l'indignation que tu manifestes, comme les arts majeurs du cante jondo ou du fado, survivront-ils encore?
Amitiés fraternelles...
Eh, que falto yo por aquí... ya incorporándome al ritmo de la vida diaria, Chulo.
Tiraré de traductor para no perderme ripio de lo que pones acerca de la mítica ganadera doña Mercedes Picón, Veragua puro, jiji, qué cosas, señores, qué cosas.
Bs.
La condesa de Estraza
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