Olivier Deck vient de me
faire parvenir un exemplaire de son nouveau livre chez le diabolique
Vauvert. En fait, je pense qu'il ne m'en voudra pas de révéler
qu'il m'avait fait lire ce texte il y a quelques mois, voire années,
et que je l'avais beaucoup aimé.
Il s'agit d'un format
pratiquement impossible à éditer en solo, selon les canons actuels
de l'édition: il fait seulement 80 pages petit format et marges
conséquentes, trop long pour une nouvelle, trop
court pour un roman.
C'est un beau texte, d'un
seul jet, sans coupure de chapitre, un drame rapide. Jamais la
tension ne retombe. Pourtant c'est toujours cette écriture sereine,
sensuelle et riche, si caractéristique de l'auteur abouti qu'il est.
Nous sommes donc à la
fin de la bataille de l'Ebre. Franco avait voulu couper Valence de
Barcelone,
fort de ses succès en Aragon, après la bataille horrible de Teruel. Les républicains avaient réussi à reconstituer une armée en ayant recours à la conscription des dernières classes disponibles. Ils avaient contre-attaqué, dans une manœuvre d'une grande audace, qui avait imposé de faire traverser l'Ebre à toute une armée.
fort de ses succès en Aragon, après la bataille horrible de Teruel. Les républicains avaient réussi à reconstituer une armée en ayant recours à la conscription des dernières classes disponibles. Ils avaient contre-attaqué, dans une manœuvre d'une grande audace, qui avait imposé de faire traverser l'Ebre à toute une armée.
Comme toujours, les républicains qui n'avaient connu que des défaites
tragiques, exception faite de Madrid, avaient avancé avec succès. Cette
armée savait avancer mais pas garder ses positions : trop peu
d'officiers compétents, de sous officiers, de logisticiens, bref
tout ce qui fait la force d'une armée. Très vite Franco avait
réagi, fort d'une supériorité accablante de l’artillerie, des
blindés, et surtout de son aviation. Les armes n'arrivaient plus aux
républicains.
Negrin, le Président du
Gouvernement pensait qu'il fallait toujours résister et se battre et
que bientôt un conflit salvateur éclaterait qui sauverait la
République. Mais tous les politiques républicains savaient bien que la cause était entendue, et ce, depuis la chute des provinces du
Nord en 1937 donc.
Dans ce contexte de
misère, de faim, de défaites les désertions se multipliaient car
bien souvent, on n'avait le choix qu'entre être écrasés sous les
bombes et les blindés ou tenter de fuir.
On peut supposer que les
héros de « Adieu, Torero » faisaient partie de
ces malheureux. Comme beaucoup, il ignoraient comment ils
avaient vraiment atterri ici : l'un apprenti torero que la guerre a
empêché d'aller au bout de ses rêves, l’autre qui est parti via
les Brigades par fanfaronnade pour plaire à sa belle. Bien loin, en tous cas d'un idéal antifasciste.
Deux destins improbables,
deux esprits simples unis pour quelques heures par la guerre.
L'occasion pour Olivier Deck d'aborder, avec ses manières, toujours
tolérantes et qui jamais n'imposent, les thèmes de la guerre, de
l'écriture, du destin aussi.
J'en ai déjà parlé, et
lui et moi en avons aussi discuté, chez Olivier Deck, l'homme manque
de clarté et de résolution. Il se laisse emporter par des passions
qui peuvent le rendre admirable ou veule ou même très con. Mais
d'une certaine façon il subit son destin. La femme est un point
fixe, une amarre. Elle est en général forte, a besoin de savoir
pourquoi elle fait les choses et régit la vie des hommes. Ainsi ses
« héros » sont-ils fragiles, ballottés par
une vie qui les dépasse. Eux font les choses sans vraiment savoir
pourquoi.
Il faut lire ce splendide
petit livre inclassable, le relire aussi pour non seulement la beauté
de l'écriture mais aussi cette sensation que nous avons de nous
enrichir, au gré des mots et d’être emportés, mine de rien, ai je
envie d'écrire, dans un monde qui nous absorbe totalement, celui d'Olivier Deck.
3 commentaires:
il est important d'avoir des "premiers lecteurs" et tes retours judicieux sur la musique d'un texte, sont précieux !
On le lira, bien sûr.
Passionnant ce commentaire. Deck est semblable à lui-même si je comprends bien, et le commentateur ne manque pas de clarté non plus.
Bravo.
Gina
Un petit livre a couper le souffle ! "La guerre a fait de toi un salaud" : une phrase qui m'a fait beaucoup réfléchir . A lire ! Félicitations à l'auteur !!
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