Donc, Diego Suarez,
connue plutôt par les malgaches aujourd'hui sous le nom de
Antsiranana, se situe à l'extrême pointe Nord de Madagascar,
au fond d'une vaste baie parfaitement protégée. Ce site privilégié,
à l'intersection du Canal du Mozambique et de l'Océan
Indien était jugé d'une importance stratégique extrême,
surtout dans le climat de chamailleries qui avait opposé les anglais
aux français dans ce coin de mer. Les français y avaient construit
un port militaire important, nommé Diego Suarez. Aujourd'hui
on me dit que le port et les réparations de navires de moyen tonnage
subsistent, en grande partie à cause du savoir faire des malgaches
en matière de chaudronnerie, mais aussi car les salaires des
ouvriers sont très bas . Le salaire moyen reste aux alentours
de 30 euros mensuels, et on ne s'embarrasse pas vraiment de charges
sociales.
Les vestiges plus ou
moins bien conservés de cette présence importante sont
omniprésents. L’Hôtel de la
Marine, initialement Hôtel des Mines, que j'ai
déjà évoqué, lourd d'une histoire coloniale opulente et élégante,
dont les ruines sont empreintes d'une nostalgie inexplicable, que
nous n'avions ressentie nulle part aussi fort.
Un kiosque à musique
jouxte la ruine, de la même époque et construit par le même
« mécène » chercheur d'or milliardaire. Lui est
à peu près intact, le kiosque à musique donc, et on imagine ici
les concerts donnés par la musique de la Marine, les femmes en
crinoline voletant doucement au gré de l’alizé.
Aujourd’hui ce canal du
Mozambique est toujours d'une grande importance, mais surtout en
raison d'importantes réserves supposées de pétrole et de gaz
naturel. J'ai évoqué ce sujet, pour ceux que cela intéresserait.
On rappelle tout de même, pour le plaisir en partie car c'est
toujours un étonnement pour moi, que Madagascar, du Nord au
Sud fait pratiquement 1500 km et est vaste comme la France et
le Bénélux réunis. C'est un gros caillou. Jusqu'alors, nous
n'étions jamais allés à Diego, et n'avons toujours pas été
non plus dans le Sud, trop difficile d'accès, encore aujourd'hui, au
moins pour des voyageurs peu aventureux tels que nous et appréciant
un certain confort. En tous cas, à Antsiranana, le kiosque du
fastueux chercheur d'or semble attendre quelque fanfare militaire.
Et ce fabuleux et
généreux chercheur d'or, Alphonse Mortages vaut le détour.
Il est né dans le Sud
Ouest de la France en 1866. On dit qu'il avait un physique hors du commun, en clair c'était quelque chose comme un géant. Je me méfie toutefois un peu, car si cette affirmation provient des malgaches qui ne sont pas particulièrement grands, il faudra ramener l'appréciation à un costaud. Peu attiré par les études, il se fait enrôler comme mousse sur un bateau, car son désir était « d'être marin ». Il sera donc marin, sur des voiliers puis sur les premiers bateaux à vapeur.
L'article traitant des richesses de Madagascar et de leur pillage, dans le libellé Madagascar 2012, sur ce même blog: http://adioschulo.blogspot.fr/2012/08/un-pays-qui-coule-4_30.html
Ouest de la France en 1866. On dit qu'il avait un physique hors du commun, en clair c'était quelque chose comme un géant. Je me méfie toutefois un peu, car si cette affirmation provient des malgaches qui ne sont pas particulièrement grands, il faudra ramener l'appréciation à un costaud. Peu attiré par les études, il se fait enrôler comme mousse sur un bateau, car son désir était « d'être marin ». Il sera donc marin, sur des voiliers puis sur les premiers bateaux à vapeur.
Il connaît pour la
première fois Diego en 1897, alors qu'il est chef de cabine.
Probablement sous le charme de Diego, en 1898 il demande et
obtient son débarquement. Utilisant son expérience de chef de
cabine, il est d'abord gérant d'un établissement de la ville basse
puis s 'installe dans l'avenue principale de Diego, la
rue Colbert.
Probablement, cette vie
ne lui convenait t'elle pas, alors il alla à Nosy Be pour
ravitailler la flotte russe qui y fit escale lors du conflit russo
japonais. Malheureusement, voulant rapatrier son magot à Diego,
il perd sa cargaison dans le naufrage du petit voilier qu'il avait
affrété.
Ruiné, il part dans la
forêt récolter la sève des arbres à caoutchouc. C'est là qu'il
commence à embaucher deux prospecteurs pour rechercher de l'or. Ces
deux prospecteurs trouvent de l'or dans la région d'Ambakirano,
près d'Ambolibe. Remarquons qu'en 2012,
l'exploitation aurifère a été relancée dans cette même région
et semble t'il des israéliens s'intéressent particulièrement à
ces gisements.
Donc revenons à notre
Alphonse Mortages et ses orpailleurs retenus par deux vazahas
vindicatifs. Notre vaillant aventurier régla le problème semble
t'il avec l'aide d'une Winchester. Ceci lui permit de
délimiter un territoire de 30 km de long sur 6 de large, toujours
non loin d 'Ambolibe. L'exploitation à
grande échelle commence en 1906 lorsqu'il découvre le « mamelon
miraculeux » dont il extraira du quartz aurifère plus de
80 kgs d'or en deux jours.
Il s'en suit une période
glorieuse, avec en particulier la descente triomphale de la rue
Colbert, en chaise à porteur, entre ses charges d'or. C'est à
son initiative donc, qu'est construit l’Hôtel dit des
Mines, et sur le terrain jouxtant l’hôtel, le fameux
kiosque à musique. Malheureusement, l'homme n'était pas un fin
gestionnaire et des revers de fortune le conduisirent à céder son
hôtel à la Marine Française, d'où la nouvelle appellation d’Hôtel
de la Marine, lui même par la suite cédé à la Marine
Malgache, pour tomber en ruines définitives.
Bien avant ce flamboyant
vazaha, un autre vazaha natif d'Auch s'était
illustré : il s'agit du robuste et par ailleurs très ingénieux
sieur Laborde. Né à Auch au début du XIXèm e siècle, en 1805.
Bien que l'ayant précédé,
sa trajectoire fait penser à celle de Mortages : l'appel
du large, dans le cas de Jean Laborde les comptoirs des Indes.
Un début de vie aventureux, un naufrage sur les cotes malgaches.
L'homme, peu instruit, est un ferronnier forgeron très adroit. Pour
payer son sauvetage, il réalise un lot de fusils que son bienfaiteur
avait promis à la reine, et se fait ainsi remarquer.
Sur cette lancée, il
créa une industrie de l'acier à Mantasoa, non loin de
Tananarivo, arme la reine, mais aussi fait construire le
fameux palais surplombant Tana,
Il sut se rendre
indispensable aux yeux de la reine Ranavolana Première, et ce
au propre comme au figuré. Jean Laborde
la côtoie, c'est déjà pour l'époque une femme mure, elle est née en 1788, mais semble
t'il dotée d'un robuste appétit sexuel. Notre gersois devient
« aussi » l'amant de Madame. Il évoque souvent
la « corvée royale ». Elle avait tout de même pratiquement 20 ans de plus que lui.
Jean Laborde fut
un industriel compétent voire génial, il créa donc de toutes
pièces une industrie métallurgique et chimique et se distingua
aussi comme un bâtisseur talentueux. Mais dès 1835, la terrible
reine interdit aux malgaches de pratiquer le christianisme et chasse
en 1936 les missionnaires. En clair, les européens sont plutôt
persécutés et Laborde lui s'en sort, car, on l'a vu,
indispensable à tous points de vue à la reine.
Celle ci peut se
comporter de façon sanguinaire. A tel point, qu'en 1857 Laborde
monte un complot contre elle, en accord avec un fils de la reine. Le
complot déjoué, la vie de Laborde fut épargnée, et plus
tard il put revenir à Madagascar pour y mourir.
Aujourd'hui encore, n'importe quel malgache, érudit
ou homme de la rue le plus banal, sait vous parler de Jean
Laborde.
Mais à part ces
précurseurs comment les français étaient t'ils arrivés en masse à
Diego Suarez ? La colonisation française assez intense
n'avait pas fait totalement oublier la perte de l'Alsace et de
la Lorraine en 1871, mais elle compensa au moins
partiellement, l'humiliation. Les grandes puissances coloniales,
France, Angleterre, Allemagne se partagent en particulier
l'Afrique, mais ceci ne va pas sans crispations sérieuses :
Fachoda entre la France et la Grande Bretagne,
les crises marocaines de Tanger et d'Agadir entre la
France et l'Allemagne.
A suivreL'article traitant des richesses de Madagascar et de leur pillage, dans le libellé Madagascar 2012, sur ce même blog: http://adioschulo.blogspot.fr/2012/08/un-pays-qui-coule-4_30.html
3 commentaires:
Décidément, le sud-ouest a fourni bien des aventuriers ...
Je ne connaissais pas ce Jean Laborde mais un drôle de destin que le sien.
Je me suis souvent posé la question sur le nom Diego Suarez. Voilà donc l'occasion de me "culturationner" ...
Merci Chulo pour ces textes intéressants.
Est-ce que le kiosque à musique s'anime parfois ?
Moi aussi, j'apprends beaucoup de choses. Et merci pour la carte qui facilite bien l'évasion. Merci. je m'en vais regarder la latitude ( en prenant une loupe).
Gina
Ainsi, cette île située en pleine zone subtropicale peut se visiter pendant son hiver, sans qu'on en souffre. A se réserver pour des vacances car vous nous la rendez familière !
Gina
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