Mon
cher Marcos,
tu
me permettras de répondre ainsi à tes deux dernières publications.
En effet tout ceci méritait mieux qu'un commentaire.
Tout
d'abord, la chose vraiment importante pour moi est ton bonheur
retrouvé et te lisant avec joie, je pense à ce cher Georges de
Sète, « Je m'suis fait tout petit devant une poupée……….. »
etc. Gloire donc à elle d'avoir apaisé l'éternel grincheux,
atrabilaire, que parfois, moi même, dans mon immense bonté et
tolérance avais du mal à encaisser. Vivez heureux c'est la seule
chose qui compte, avec comme seuls espoirs des lendemains.
Pour
le reste, ton post sur cette décono-conférence, mais que ne dit
t'on pas comme conneries en matière de corrida ? Les psy
lorsqu'ils sont parfois compétents, peuvent être, je le sais, des
recours irremplaçables, ou des fossoyeurs forcément innocents dans le cas contraire.
Métier difficile que de toréer l’âme.
Ils
devraient savoir pourtant, et est ce un hasard, que ceux qui à 99
pour cent des cas parlent le plus lamentablement de leur métier sont
les toreros eux même. Tomas a le mérite d'être un sphinx. Il est
vrai aussi, que nombre de toreros ont le psyché d'une moule, je
parle du mollusque bivalve. Tomas on ne sait pas. Quoique sous
influence de ma Condesa j'aie un préjugé favorable. Mais bon !
Je
pense comme toi que Tomas est torero, comme tous ceux qui vont se
mettre un chiffon à la main devant un toro. Si on peut assez
aisément expliquer le désir d'être torero par une culture, une
imprégnation, mais aussi le désir d'une gloire rapide, ils
admettent tous, les postulants, que la chose est tout de même
risquée. Ensuite, comme pour les voitures, c'est une question de
statistiques, plus la dangerosité du bétail, et la certitude que
virgencita vous protège.
Ce
qui est plus complexe est modéliser le talent ou le génie.
J'attends qu'un psy m'explique Picasso, ou le mec qui traverse les
chutes du Niagara sur un fil.
L'émotion
de Tomas, de mon point de vue provenait de ses propres lacunes ou de
son obstination à toréer tous les toros de la même façon. Ayant
revu quelques faenas historiques sur mon PC, il est vrai qu'alors,
son placement défiait toutes les lois et à force de volonté, il
arrivait à s'imposer aux toros. Lesquels disent certains perfides ?
Il ne faut pas entrer dans ce jeu.
Chaque
fois qu'il se faisait prendre c'était une faute technique dira t'on,
ou une obstination, ou une absence d'humilité. Et bien sûr, il
restait sur le fil du couteau, non de la corne, avec un courage
proche de la folie, avec un apparent détachement. Il paya durement
cette folie, remplissant les arènes. Nous étions quelques uns à
nous dire, « il s'est fait prendre, mais le taureau l'avait
averti, et il n'a pas varié son comportement ».
Certain aficionado de mes amis chers, parlait « d'un
incontestable sens de la cadence, unique chez lui, mais d'un manque
de ressources techniques ». Ici l'émotion provenait d'une
impression réelle de mise danger et d'une certaine fragilité.
Et
un jour, à Aguascalientes, Tomas a laissé son sang sur la piste.
Trois ans déjà. Il serait mort en d'autres temps. C'est du sang
mexicain qui lui a été perfusé. Alors on imagine l'émotion de
cette réapparition, je parle de Tomas, avec le souvenir de la corne
qui le tue..Le symbole aussi. Ici je renaîtrai.
Bien.
J'ai encore le souvenir du bellâtre Ostos, dont la seule qualité
était une vaillance à toute épreuve, ce qui n'a pas empêché Jean
Cau, en le suivant une temporada d'écrire « les oreilles est
la queue » qui, de mon point de vue est l'ouvrage majeur
parlant de tauromachie.
Ostos
fut terriblement châtié, là où les toreros risquent la mort. Je
ne parle pas de Yiyo et son cœur coupé en deux.Je l'ai vu ensuite,
beaucoup moins bravache et ne pouvant empêcher les pas de recul. Lui
qui montait sur les toros.
Et
l'inimaginable Curro Vasquez, novillero béni des Dieux, que
nous suivions partout avec mon père. Il avait tout, la sobriété,
l'empaque, une suprême élégance. Il fut terriblement
châtié, voulut continuer avec des fortunes diverses, mais souvent
l'esprit cédait au corps.
C'est
que le corps se souvient.
A
Aguascalientes, j'ose le dire Tomas n'a pas été Tomas. Devant son
premier, un peu encasté, il se fit avertir, le toro lui passant sous
le bras. Les toros un peu encastés n'aiment pas le
pico et voient de suite le trou, « el hueco ».
Le
second était une borrega décornée, c'est à dire armé comme un
veau de lait, d'une candeur totale devant lequel, encore Tomas se
comporta en "pegapases tout en pico".
Je
sais qu'il ne faut pas dire cela, à l'heure où tant d'empresas
y compris françaises rêvent de l’enrôler pour la corrida du
siècle.
Alors
au lieu de dire que « le corps se souvient » on
entonnera les « trompettes de la renommée », et
surtout, bises à Pauline.
7 commentaires:
Complètement d'accord!!!!
Chulo tu es grand !
j'adore ce genre d'article assez irremplaçable car pas seulement la graine d'une humeur d'actualité mais le fruit d'une lente digestion d'une vie d'aficion. Des considérations que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître.
Pardon pour la métaphore potagère...
Je m'occupe de ta bise...!
Sur le plan du style je suis plus partagé, capable d'apprécier les deux occurrences :
le : à chaque toro sa Lidia, et j'ai adoré les "recherches" d'un Rincon pour réduire un toro compliqué.
Et j'aime beaucoup aussi la posture inflexible de Tomas : pas à moi de le comprendre, à lui d'être réduit en passant par ma logique qui à en pâtir. Si c'est pas torero, ça...
Pas très bien compris la fin.
quitte à en pâtir...
au mépris du châtiment à venir, quoi...
Bravo Chulo pour les qualités de ce commentaire riche d'érudition, de réflexion, de mesure et de clarté...et il faudrait ajouter de délicatesse.
bien dit, bien ecrit et tellement vrai...
un tomasiste mélancolique
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