Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

mardi 19 juin 2012

pauvreté et misère


La misère a une odeur, forte, très forte. Déplaisante et aigre. Je ne peux plus m'y tromper,



la misère fait que les nouveaux nés sont déposés parfois dans des poubelles, et parfois font le festin des chiens errants,



la misère fait que parfois, les mères vendent leur enfant,



la misère ce sont ces bébés dans les tunnels de Tana auxquels on fait tendre la main dans les fumées nauséabondes,



la misère ce sont ces meutes qui vous attendent à la sortie de l'hôtel pour mendier, s'accrochant à votre bras,



la misère c'est être misérable dans un pays riche, scandaleusement pillé par les « puissances » riches, humanistes bien sûr, très libérales, méprisantes et cupides,

la misère, c’est que tout le monde s’en fout,

la misère ce sont ces vieux vazahas arrogants qui se trimballent en gros 4X4 ou dans les bars et restaurants qui leur sont réservés au bras de gamines,



la misère c'est lorsque ce sont les pères qui offrent leurs fillettes vierges,



la misère c'est cette élite cupide, vendue, totalement corrompue qui se joue de son peuple,



la misère c'est aller à l'hopital et devoir payer le chirurgien, emmener son matelas et si possible sa nourriture, avoir à payer ses médicaments,



la misère c'est ne pas pouvoir payer ses droits d'incription à la fac, et je connais même des profs de fac qui parfois le font pour certains élèves,



la misère c'est devoir renoncer à ses études parce qu'on ne peut pas se payer le « taxi be » pour aller à la fac, et encore moins un repas par jour,



la misère c'est quand tous les panneaux indicateurs sont volés pour en faire des grils ou des gamelles,



la misère c'est lorsque ces gros porcs qui sûrement font la morale en leur pays viennent par avions, en certains endroits pour s'offrir des enfants très mineurs,



la misère ce sont ces analphabètes, repliés à l'état d'animaux, loin de tout, et dont la seule richesse est de procréer,


la misère c'est de n'avoir pas de toit, mais c'est assez commun en d'autres lieux civilisés,




la misère c'est n'avoir rien à manger,


la misère c'est la perte de la dignité de l'homme.


Très franchement, je n'ai pas vu ça à Cuba.


j'ai vu par contre la censure, l'interdiction des télés satellites, je sais que les cubains ne peuvent pas voyager sauf en mission pour le gouvernement, un système monétaire à deux vitesses pour le moins étrange, un système incroyable de tout état qui prend l'eau, des salairestrès bas, et l'ouverture progressive à l'initiative privée, (magasins, logements pour touristes, taxis, achats de logements, la liste n'est pas exhaustive). J'ai vu un peuple certes pauvre mais encore debout, car éduqué, c'est l'immense différence avec la misère. J’espère seulement que l’enrichissement d’une minorité ne conduira pas au passage de la pauvreté à la misère pour les autres.

samedi 16 juin 2012

Black, Negrita, Linda et Nerón



Nous avons donc sillonné la Habana dans une Ford de 1937. La peinture fraiche jaune parvient de loin à faire oublier la rouille qui ronge la tôle. Je m’installe dans ce que Carina appelle « la place de la belle-mère », dans le coffre arrière. Pas si facile que ça d’y accéder.



 Je ne peux m’empêcher de penser à mon ami architecte, voyant le très imposant  maçon sur un petit engin type mini bulldozer, qui m’avait soufflé à l’oreille : « on dirait un crapaud sur une boîte d’allumettes ». Visitée ainsi, cette ville est surprenante de variété et son charme est certain. Par contre l’air est saturé d’humidité et est assez oppressant. Tous les grands classiques y sont passés. La pluie a désagréablement réapparu. Une grosse pluie grasse et tiédasse. Il a fallu lever la capote, et j’ai dû quitter mon trou. La voiture n’a pas de vitre latérale, nous prenons une bonne douche. Pas moyen d’aller sur le Malecon, les accès sont fermés car la mer est trop grosse.  Le lendemain, ce sera un autre guide qui nous prendra en charge. Chacun semble avoir sa spécialité. Nous avons vu la petite silhouette de Carina s’éloigner. Un geste de la main. Adios Carina ! Prenez soin de Mauricio !


Le soir, nous mangeons dans un restaurant pratiquement accolé à l’hôtel. C’est propre et calme. Les légumes sont très rares et hors de prix, de même que la viande. Le bœuf est quasiment introuvable et hors de prix, le porc c’est presque pareil. Il faudra faire avec le poulet rôti. La cuisine est ordinaire, les repas sont chers. Ici, on n’épargne rien au touriste, qui paie partout le prix fort. J’essaie de discuter avec le patron du restaurant. «  Pourquoi les légumes sont t’ils si rares à Cuba ? ». Réponse étonnante. « C’est trop difficile pour un cubain de cultiver la terre. Trop pénible aussi, la terre est trop basse ». Tiens, tiens, auraient t’ils aussi des problèmes du type de « ceux qui se lèvent tôt et ceux qui se lèvent tard ? ». Je suppose qu’il doit y avoir des raisons plus sérieuses, mais je n’ai pas la réponse.

Le lendemain, nouveau guide. Un jeune homme, souriant et affable. Willy, il se nomme. Il parle un bon français, mais pas de la qualité de celui de Carina, avec un accent zozotant et traînant. L’espagnol des cubains est ainsi aussi, s’attardant sur les terminales et sans marquer en les distinguant,  « la s » ni « la c » pas plus que les toniques.  Avec lui, nous irons visiter ce matin « la Vigia », la maison d’Hemingway à Cuba. On dit qu’Hemingway connut Cuba en  1932, lors d’un concours de pêche à l’espadon. Il y venait fréquemment ensuite. Bientôt, toutefois, la Guerre d’Espagne devrait le happer et là, je voudrais faire une incise.

Ernesto fut à n’en pas douter un partisan résolu de la République espagnole. On a raconté beaucoup de choses sur sa participation, tout comme sur celle de Malraux, mais sur ce point-là il est inattaquable. Certains de ses collègues lui reprochent un côté dirons-nous spectaculaire, mais aussi d’avoir été le correspondant de guerre le mieux payé de ceux qui foulèrent le sol espagnol. Malgré certaines outrances qui font partie du personnage, sa connaissance des intervenants était profonde, mais également, il fit souvent preuve de courage ou de témérité.  Certains de ses collègues lui reprochent également que par perfectionnisme, ses comptes rendus étaient décalés dans le temps  et qu’il privilégiait la qualité littéraire, au détriment de la nécessaire immédiateté du journalisme. Entendez par là que la réalité ne l’intéressait qu’au filtre de son ressenti et qui plus est littéraire. C’était donc une forme de journalisme très personnelle, mais d’un autre côté,  sur certains points, il fait partie des « journalistes » qui, encore aujourd’hui sont cités ou utilisés avec les précautions d’usage, par les historiens, y compris, sérieux.

Preston raconte que dans son hôtel à Madrid, il ne manquait de rien, ni en alcool, ni en charcutailles, qu’il importait en quantités. S’il pouvait penser raisonnablement mourir en mission de reportage, ce ne serait sûrement ni de soif ni de faim. Et je ne peux non plus m‘empêcher de penser à l’évocation de Saint Exupéry, par ce même Preston,  en haut des marches d’un hôtel, le même, envahi régulièrement par les putes, distribuant fort courtoisement des pomelos à ces dames. On savait vivre à cette époque et les  gâteries habituelles devaient se négocier dans le respect mutuel. La classe quoi !

Bref, l’Ernesto, il n’avait quand même pas ménagé sa peine là-bas, et son engagement n’allait pas exactement dans le sens du tout puissant lobby catholique, et lui, aussi bien que Jay Allen échouèrent dans leur tentative de faire modifier la position des Etats Unis vis-à-vis de Franco. Même Eléonore Roosevelt, qui revient à la mode, ne put rien contre les intérêts électoraux de son mari.





A son retour de la Guerre d’Espagne, il s’installa à la Habana, à l’hôtel « Ambos Mundos ». Cet hotel est encore une spIendeur. Il commença à louer « la Vigia », puis l’acheta en fin d’année 1940. On dit qu’au début il appréciait assez moyennement  cette résidence, à une vingtaine de kilomètres de La Habana, un peu loin donc, de ses débits de boissons préférés et de l’activité de la ville. Son épouse, la quatrième, l’incita à s’y installer vraiment avec elle. Il devait y demeurer jusqu’en 1960, et que dit-on les États Unis lui aient demandé de choisir entre son pays et Cuba.



« La Vigia » porte bien son nom, est située au sommet d’une colline, au milieu d’une flore luxuriante. Il y a 3 corps d’habitation blancs : une tour donc de trois étages qui surplombe la forêt et  permet de voir la mer à l’horizon,











un bâtiment assez  important où dit-on  on entreposait les provisions et les réserves, sans doute aussi, quelques domestiques y logeaient t’ils,






puis la maison. C’est un parallélépipède de proportions très harmonieuses, intégralement de plain-pied. 






A gauche la chambre, bureau, bibliothèque qui occupe tout le côté. Au centre un grand salon orné d’affiches de corridas et de trophées de chasse. Enfin, à droite une autre chambre. Tout est d’une harmonie et d’un goût parfaits. On imagine bien sûr, l’Ernesto écrivant sur son bureau. Cette maison, finalement très simple, mais d’une élégante sophistication, d’un goût et d’un équilibre  incroyables m’a ému au plus haut point. Effectuant quelques recherches, je m’aperçois que tout le mobilier avait été conçu sur mesure, en bois précieux, par un fameux designer de l’époque. Le résultat est ahurissant, car il est Hemingway. J’aurais aimé y pénétrer, mais c’est interdit et c’est par les grandes baies vitrées qu’on peut voir l’intérieur.




Une longue allée mène à la piscine et au hangar où son bateau  « Pilar » a été entreposé et exposé.












La piscine est vide. Le guide nous dit qu’Ava Gardner s’y est baignée nue. Sacré Ernesto va !









Et là, de petites tombes portant les noms de  « Black, Negrita, Linda et Nerón ». C’étaient ses chiens mais il abritait aussi une vingtaine de chats.










Alors à La Vigia, vous êtes accueillis par une gentille meute de chiens, plutôt intéressés par les gâteries que leur prodiguent les touristes.




Je ne saurais expliquer l’émotion que j’ai ressentie, mais tout ici me semblait en accord avec l’écriture d’Hemingway, la recherche du mot juste, le dépouillement  et aussi comme une force douce et impérieuse, venue du ventre de la terre. Tout y parle mieux de l’Ernesto que les analyses des spécialistes.

Nous avons quitté la Vigia, à regret, pour rejoindre Cojimar, le village de pécheurs qui lui inspira «  le vieil homme et la mer ». Ici encore, le bâtiment le plus luxueux est le bar restaurant où il avait ses habitudes. On dit que l’Ernesto était du genre généreux. Il offrait bien sûr les poissons qu’il péchait, mais aussi mettait facilement la main au portemonnaie.








A Cojimar un petit fortin est censé protéger la petite anse. La mer vient s’y briser.











A côté du fortin, on a construit un petit kiosque assez laid qui abrite une sculpture représentant le héros yankee. On dit que ce sont les villageois qui ont voulu rendre cet hommage au vieux brigand. Le sculpteur ne s’est pas fait payer pour son travail. Ici, la banalité du lieu fait que je n’ai nullement ressenti une émotion semblable à celle que j’ai ressentie à « la Vigia », même si les lieux sont plus en rapport direct avec une œuvre précise que par ailleurs, je vénère. J’aime à penser que c’est dans la beauté puissante et  sereine de « la Vigia » que «  le vieil homme et la mer » est né.



A suivre

jeudi 14 juin 2012

Le coeur au bord des larmes!


A mon âge, je devrais m’en foutre. Ou cela devrait me faire marrer.
Et même dirais-je lorsque dans mes pulsions juvéniles plutôt anar, je me refusais à voter, mettant sur un même pied ce que je détestais et ce que je n’aimais pas vraiment, je ne pense pas que j’aurais applaudi cela.
Et je me demande surtout, quel esprit vénitien, tendance Borgia, peut avoir imaginé une telle merde.
Bien sûr, la Ségolène, elle en a agacé, c’est un euphémisme, plus d’un, depuis sa campagne présidentielle si ratée, moi y compris, bien sûr, elle a autant de charisme qu’un tampon Gex, (vous vous souvenez? un tampon Gex en vaut deux, et il nettoie bien mieux) , bien sûr, son auto proclamation comme future présidente de l’Assemblée Nationale avait quelque chose de pathétique,  et même  vous  avouerai je lorsqu’elle fut ministre de Mitterrand, pour déjeuner tous les jours à portée de son ministère et partageant souvent le repas avec quelques-uns ou unes de ses « employé(e)s », j’ai entendu parler de certain « autoritarisme » pour faire simple, et ne pas tirer sur une ambulance.
Donc voilà, ces dames qui ont eu ou ont le privilège de partager la couche du Roi, lavent leur linge sale au moment le plus lamentablement ringard.
Et je ne peux m’empêcher de penser que le Roi, qui jamais ne devait intervenir dans la campagne, sinon pour dire qu’il avait besoin d’une majorité, soutient l’Ex, comme la seule légitime, alors que sa « compagne » la flingue.
Merde, ne me dites pas qu’ainsi il aura la conscience tranquille, puisque d’un côté il aura soutenu l’Ex, et de l’autre, il l’aura flinguée. Neutralité parfaite.
Voilà, ce  n’est pas une révolte de ma part, c’est une tristesse infinie, celle des espoirs déjà déçus, de la médiocrité et peut être, le cœur au bord des larmes.

jeudi 7 juin 2012

Il sera content Mauricio.......


Le voyage s’était  bien passé. L’arrivée aussi avec des contrôles certes sérieux mais fort bien organisés. Nombreux guichets, files disciplinées. Rien à voir avec le foutoir d’Ivato, l’aéroport de Tana lors de l’arrivée d’un  grand vol, où d’ailleurs ce sont les « vazahas » et les opulents français d’origine malgache résidents en France, les plus sauvages. D’autant que cela ne sert à rien, car ensuite les bagages arrivent au compte-goutte, une heure après, dans le meilleur des cas. A croire que d’aucuns ont conservé de légères tendances colonialistes,  se manifestant par des réflexes  désagréables.

Nous étions attendus à l’arrivée par une jeune femme qui semblait trouver le temps long. Un sourire de convenance, visiblement pressée, la donzelle. Taxi donc, et elle se fait larguer sur la route de l’aéroport à  l’hôtel, pour rejoindre un type. Le chauffeur de taxi ne desserre pas les dents. Ça en général ça m’agace. Donc sur la route je vois deux effigies illuminées de Che et d’un autre barbu et je murmure d’un ton savant à Mathilde : « tiens ce sont Le Che et Fidel Castro ! ». Le chauffeur n’est pas sourd, il rectifie sèchement : « Castro no,  Cienfuegos si !  con El Che», ce qui a le mérite de la clarté, de la concision et de ne pas nécessiter de traduction, tout en levant le doute sur une éventuelle surdité de notre pilote. Cienfuegos était en effet un des grands révolutionnaires qui agirent aux cotés de Castro. Il ne devait plus desserrer les lèvres jusqu’à l’hôtel, le pilote. Nous avons dû descendre les valises nous-mêmes. Pas de pourboire donc ! D’un autre côté, miracle ici de la sur éducation  il est fort peu probable qu’à Ivato, (Tana) un taxi, de ceux qui achètent une bouteille d’eau minérale d’essence après chaque course vous reprenne sur ce genre d’erreur. Il est vrai qu’eux, les malgaches, sont artisans ultra-libéraux et suprêmement free-lance !

Le lendemain matin rendez-vous avec l’organisatrice de notre séjour à La Havane. C’est une formule que nous n’aimons pas, préférant en général nous fier à notre instinct, mais nous voulions voir La Habana, Cojimar, la maison d’Hemingway, une fabrique de cigares, le Malecon et renifler la ville,  le tout en trois jours. Donc rendez-vous avec l’organisatrice en chef. Nous lui reprécisons ce que nous avons prévu de faire. Elle a le physique aimable des espionnes tortionnaires du KGB dans les films du genre, de troisième catégorie, qui vous déchirent la carotide de leurs dents, voire j’en tremble toujours, les parties plus intimes. Et gracieuse donc! Je lui précise que lors d’une visite en voiture,  nous aimerions voir les quartiers déshérités de La Habana. Elle me renvoie sèchement dans mes buts : « il n’y a pas de pauvreté à Cuba ! ». Merde ça commence  bien ! Pour la partie La Habana, ce serait Carina qui s’occuperait de nous. Adios Señora !

Entre le personnel de l’hôtel, totalement indifférent et traînant des pieds, surtout le matin pour le petit déjeuner, incompréhensiblement situé au premier étage, ce qui implique d’incessants aller-retour  du serveur, entre le premier et le rez de chaussée, qui plus est par l’ascenseur, incroyablement lent, et la sévère organisatrice, nous nous disions que tout cela n’augurait rien de bon. « C’est peut-être  parce que nous sommes fatigués du voyage » dit mon épouse, pour désamorcer la mauvaise humeur qu’elle sent enfler en moi.

J’essayais de me calmer sur le balcon, observant non loin de là, les forts et le phare, début du Malecon. Ce Malecon, je voulais à tout prix le voir, les photos de Marc Delon, si fortes qu’il avait publiées dans son blog étaient restées gravées dans mon esprit.

Puis Carina est arrivée. Un tout petit bout de femme de 32 ans, nous dira-t-elle plus tard, rien à voir avec les sculpturales métisses géantes tout en fesses et en seins qui forgent l’image qui n’a rien de subliminale de la cubaine. Carina est bien plus petite que Mathilde et doit mesurer entre 1m50 et 1m55. Je ne lui ai pas demandé. Elle a la peau très claire, pratiquement diaphane, une belle peau de femme auburn.  Elle est ravissante. Pas une beauté mais un charme certain. De plus, elle parle un français quasiment parfait. Après une visite de la ville parfaite, nous avons déjeuné ensemble.

Nous nous étonnons de la qualité de son français : non, elle n’est pas venue en France, elle l’a étudié ici à Cuba à l’université, pendant 5 ans. Son frère lui est médecin. Il part souvent en mission en Amérique du Sud ou en Afrique. Lorsqu’il est à Cuba, il gagne 40 CuCs par mois.

"Nous avons beaucoup de médecins, dit-elle et des bons". Le tourisme médical est très pratiqué, que ce soit en cardiologie, en chirurgie des yeux, également pour les traitements du cancer.  « les soins médicaux sont bien gratuits ici ? », « oui dit t’elle. Le seul problème est qu’avec la crise, Cuba a du mal à approvisionner les médicaments. Ainsi, en général les médicaments distribués seront des génériques, et quelques  fois, lorsqu’ils ne suffisent pas, ce peut être compliqué ».

Peu à peu, elle se détend. Elle relance souvent la conversation. « C’est plus facile parce que vous parlez espagnol, me dit-elle ». Je saisis mal le sens de sa phrase. Elle ne me semble pas du genre à flagorner. « Nous sommes étonnés lui dis-je de voir très peu de policiers ». Elle sourit. «  Vous savez dit-elle ce n’est pas la peine, ce restaurant, comme presque tous, appartient à l’Etat ». « Alors dis-je ? ». Elle n’en dira pas plus. La vérité est qu’on voit bien moins de police qu’en France, et  tout semble très calme. L’impression de sécurité est totale.

Elle nous confirme que comme beaucoup de cubains, elle est logée gratuitement, avec son fils et ses parents, car il lui est difficile d’obtenir un logement pour elle et son fils, , et qu’ils ont droit à des tickets d’alimentation. Pas en nombre suffisant pour couvrir tous les besoins d’un mois, mais ça aide.

« Les gens sont pauvres ici, dit-elle, mais lorsqu’on est pratiquement nourris, éduqués, soignés, logés, ce n’est pas la misère n’est-ce pas ? ». « Comment font t’ils avec ces salaires dis-je ». « Ils se débrouillent », dit -elle en riant. « Les cubains ont appris à se débrouiller, et puis, avec Raul, ça évolue ». Il est vrai que depuis 1 an, de plus en plus de monopoles de l’Etat sont ouverts à la libre entreprise. On peut ouvrir des magasins, faire le taxi, acheter un appartement ou une maison. Il est vrai que le parc immobilier est dans un état plus que préoccupant, personne n’ayant les moyens, État ou occupants de l’entretenir. Restera à trouver un équilibre. Peut-être seront t’ils tentés par le modèle chinois.

Tout en connaissant la réponse, mon épouse lui demande : « pourquoi n’avez-vous pas fait professeur ? ». « C’est vrai dit-elle, la paye est fixe, mais je préfère faire ce que je fais. Je voyage avec mes clients dit-elle ». Elle regarde souvent Mathilde. Elle lui dit qu’elle est née à Madagascar et qu’elle a été adoptée. « J’ai un fils dit-elle, il a 9 ans et s’appelle Mauricio ». Je repense au salaire de son frère, 40 CuCs, « même pas le prix de bonnes chaussures »  avait-elle dit.

« Vous voyagez beaucoup ? » nous demande-t-elle. « Oui, avons-nous répondu en détaillant nos voyages. Nous le faisons par goût, mais aussi pour que Mathilde voie d’autres horizons et qu’elle ait l’esprit plus ouvert ». Carina me regarda avec gravité. « Pourquoi ? Vous pensez que nous sommes des idiots parce que nous ne voyageons pas ? ».  Je n’ai pas trop su que répondre.

Elle nous avoue que par-dessus tout, elle aimerait voir Barcelone. Pour Gaudi, mais aussi parce que cette ville la fait rêver.  Plus que Rome ou Paris. Barcelone.

Nous avons évoqué le tourisme, insistant sur la chance que ce pourrait être pour Cuba. «Et puis ai-je ajouté, on, me dit que les grandes plages, ça n’a rien en envier à l’Ile Maurice, par exemple ». « C’est beau l’Ile Maurice ? Où est-ce ?». Nous lui expliquons. Elle réfléchit fortement puis son visage s’illumine : « Il sera content Mauricio, de savoir qu’une île porte le même nom que lui ! », dit-elle.



A suivre

lundi 4 juin 2012

Cuba de la révolution à nos jours


Il faut revenir sur ce coquin de Batista. C’est lui qui en 1938 charge Meyer Lansky, le trésorier du Syndicat national du crime - avec Lucky Luciano, Frank Costello, et Bugsy Siegel- de revitaliser des entreprises « sous contrôle militaire » : deux casinos dont le fameux Nacional et le champ de course. Le résultat ne se fait pas attendre et des célébrités telles que Gary Cooper, Ava Gardner et Franck Sinatra, évidemment, fréquenteront le Nacional avec aussi Errol Flynn plus spécialement amateur, outre du whisky, de très jeunes filles.

En 1940, le malheureux Batista élu Président, met en place une Constitution inspirée de l’américaine et doit accepter en 1944 des élections libres qui le chassent du pouvoir, au profit de Ramon Grau San Martin. Il s’exile aux Etats Unis d’où il préparera un nouveau coup d’Etat. Noel 1946, Lucky Luciano expulsé des Etats Unis fait sa réapparition à Cuba. L’hôtel  Nacional accueille des sommets de la truanderie. Sinatra y chante. A la demande des américains, Luciano finira par être expulsé.

Le système de corruption, de banditisme se poursuit sous Carlos Prio Socarras au pouvoir de 1948 à 1952. Le mécontentement populaire est à son comble. En 1952 Batista profite du support de l’armée pour prendre le pouvoir sans affrontement majeur. La paix sociale est fictive, la pauvreté ne cesse de s’accroître ; le jeu, la prostitution, contrôlés par les gangs américains atteignent des sommets. Batista « offre » Cuba aux américains, qui détiennent 90% des mines de nickel et des exploitations agricoles, 80% des services publics, 50% des chemins de fer et, avec le Royaume Uni, toute l’Industrie pétrolière.

En 1953, première alerte sérieuse, mais le soulèvement dirigé par le jeune avocat, Fidel Castro, fils d’un propriétaire terrien opulent échoue assez lamentablement. Castro échappe à la peine de mort, grâce à l’intervention de l’archevêque de Santiago, et bénéficiera en 1955 de la loi d’amnistie. Il part au Mexique.

Tout va bien pour Batista. Meyer Lansky contrôle des jeux au Montmartre, au Nacional et au Monseigneur. Batista lui, confie le monopole des machines à sous à son beau-frère. En 1956, il pose la première pierre  du Riviera, le casino des casinos avec  Lansky. Lucky Luciano avouera avoir versé des millions de dollars à Fulgencio Batista pour les concessions de jeu, mais aussi au chef de la police, les officiers et les simples agents.




Bref, n’en jetons plus. L’insurrection  débutera le 2 décembre 1956, avec l’expédition dite du Granma, prévoyant un débarquement très limité, (82 hommes sur le petit bateau qui donna le nom à l’expédition). Ce fut un échec et une vingtaine d’hommes en réchappèrent et se réfugièrent dans la Sierra Maestra. Cette poignée d’hommes grossira alimentée par le mécontentement général autour de Batista. En Mai 1958, Batista tente une action d’envergure ( 12 000 hommes) contre ce maquis dirigé par Fidel Castro et Che Guevara, et subit une défaite cuisante. A partir de cet moment, les victoires de la guérilla s’enchaîneront, jusqu’à la fuite de Batista vers Saint Domingue, le 1er janvier 1959. On estime qu’après avoir avec ses proches vidé les caisses, plus de 140 millions de dollars, il partit avec 40 millions de dollars Us, ce qui lui assura une fin de vie paisible en Espagne, à Guadalmina, (province de Malaga), où il mourut le 6 Aout  1973, un peu avant Franco donc.

Ce que je retiendrai surtout, c’est qu’au départ, Fidel Castro, à la différence de son demi-frère Raul, ne se réclamera pas du marxisme voire du communisme. C’est au moment où, d’emblée il voulut nationaliser les ressources vitales du pays, détenues en général par les américains, ainsi que nous l’avons vu, que ses relations se tendirent avec les Etats Unis, dont Cuba dépendait largement, aussi bien pour son approvisionnement en pétrole et les importations alimentaires que pour les exportations vitales de sucre en particulier.

Tout le monde se souvient de l’épisode ridicule de l’expédition de la baie des cochons, montée par la CIA avec des exilés cubains entrainés et armés par leur soins qui finalement jeta Cuba dans les bras des russes qui en profitèrent pour installer des lance-missiles qui provoquèrent une crise gravissime.

Ce qui m’intéressait  plus, c’était de voir comment pouvait fonctionner cette société, où par exemple le logement est un droit et gratuit, où l’enseignement y compris supérieur est   gratuit, ce qui classe cuba parmi les pays les plus alphabétisés au monde, où la santé est droit, gratuit aussi, et où les citoyens reçoivent des tickets de rationnement mensuels couvrant à peu près la moitié des besoins alimentaires.

Ici, l’Etat possède pratiquement tout, les hôtels, les taxis, les commerces, les terres, et lorsque comme à Varadero, des investisseurs étrangers implantent des complexes hôteliers, Melia par exemple, un panneau vous annonce glorieusement, « Tout ce qui se récolte ici, est pour le peuple ». On nous a assurés que l’Etat détenait 51 pour cent de l’hôtel Melia en question.

A La Havane, les maisons coloniales sont religieusement restaurées, et transformées en hôtel ou en musée. Mais il vrai aussi que les logements où s’entassent souvent les familles ne sont pas entretenus correctement, faute de moyens, et se dégradent.

Les salaires sont très bas, par exemple un médecin gagnera de l’ordre de 40 CUCs soit à peu près 30 euros, qui est un salaire comparable à un salaire malgache.

J’avais envie de voir comment cela pouvait fonctionner ou dysfonctionner et aussi quelles solutions avait amenées la venue au pouvoir de Raul, le demi-frère de Fidel. Actuellement l’Ile dépend du tourisme, plus de 3 millions de touristes attendus cette année. On sait aussi que le tourisme est un facteur accélérateur de mutation sociale, car il atténue les effets de la censure ou du discours unique en important d’autres modèles sociaux, et d’autres comportements.

On me dit que Raul Castro est très conscient du problème, ainsi on peut maintenant ouvrir des commerces privés, dans sa propre maison, ou faire de la location chez l’habitant pour les touristes,  il commence  à y avoir des taxis privés. L’Etat perçoit évidemment des taxes sur ces activités.

Et je pensais aussi que lorsque Castro s’était coupé des russes et de la pereztroika, au nom du refus de l’ouverture aux marchés, il avait peut-être bien raté un virage historique.

Enfin, Castro avait réalisé en fait ce que n’avaient pas pu faire les anarchistes espagnols, lorsqu’au lendemain du 18 Juillet 1936, ils déclenchèrent leur révolution, avec distribution des terres, contrôle des industries etc. On s’est beaucoup moqué des anarchistes espagnols et de leur modèle social égalitaire où tout le monde devait se trimbaler en « mono » ou bleu de travail. Ils étaient aussi obsédés par l’alphabétisation, et dans certains secteurs ou villages avaient supprimé la monnaie.

Les situations des deux pays sont évidemment très différentes car les anarchistes espagnols voulaient faire la révolution pour gagner la guerre, alors que les cubains de Castro avaient gagné la guerre avant d’installer leur révolution ou leur modèle social.

A suivre