Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

mardi 26 février 2013

Le Plan Badajoz vu du Boucau


J'avais juré de ne plus intervenir sur les écrits de l'illuminé du Boucau. Je tiendrai parole en ce qui concerne la corrida proprement dite, tant son retournement de veste me paraît comique, malhonnête et pour tout dire scandaleux. D'autant qu'il ne s’accompagne d'aucun « mea culpa », car après tout, tout le monde peut se tromper ou s’être trompé, et seule a été prise la décision de faire disparaître les textes du blog trop hargneux ou accablants. Bref, ça n'est pas réellement la peine de se battre comme des chiens, car il ne s'agit « que » de corrida, et il
n'est pas le seul à dire, ou à avoir dit, pour être gentil, des âneries.



Là où c’est plus grave, c'est lorsque à ces outrances, après tout humaines, on mêle la politique. Et là, l’illuminé non repenti, y va fort, comme toujours.



On s'étonne qu'un observateur aussi éclairé que lui de la vie politique espagnole n'ait pas compris que si à l'heure actuelle, le PP en remet une couche sur son « aficion », c'est pour créer des pare feu pour le moins bienvenus, et charger le PSOE, qui, c’est vrai, reste illisible sur le sujet.



Le PP est un peu « gêné » aux entournures par la vilaine affaire de corruption, de son ancien trésorier, Luis Barcenas, qui « aurait », fait profiter Rajoy de ses libéralités. Remarquez le conditionnel et les guillemets de « aurait ». Après le Roi, le gendre du Roi, ça commence à faire désordre pour les malheureux soumis à un plan de rigueur sans précédent. Je ne doute pas qu'à l'instar du père du même Rajoy, ce juge qui eut la bonne idée de mettre hors de cause le frère de Franco dans une somptueuse affaire de carambouille à l'huile d'olive, menée par une société dont il était l'un des principaux dirigeants, le fiston saura se sortir avec les honneurs de ce fâcheux contretemps.



Ceci pour dire que multiplier toutes les démagogies autour de la corrida, qui de plus concerne tous les publics, et toutes les sensibilités politiques, ne peut être que bénéfique en ces temps difficiles, pour un parti confronté à une situation économique et sociale sans précédent.



Mais André Viard aime beaucoup mêler à ses pensées taurines des considérations historiques. Il avait déjà été remarquable sur le fameux « devoir de mémoire », ou sur la fosse de « Viznar », tout en cirant consciencieusement les pompes d'Esperanza Aguirre, et de quelques autres notables du PP, et en répandant son venin sur Zapatero et le PSOE. On devine que ceci lui a rapporté quelques introductions dans les médias, qui ont pu lui être profitables dans son job.



Donc, notre BHL taurin, philosophant sur les poncifs, du style, tout n'était pas à jeter dans le franquisme, ce qui au minimum, est un faux problème, nous parle du « plan Badajoz », citant un quidam bienvenu, un « campesino » de là bas : "Pour transformer ces dehesas arides en terres cultivables et pâturages riches qui furent ensuite distribués à une infinité de petits propriétaires, il n'hésita pas à exproprier les grands terratenientes qui les laissaient en jachère... Ça, oui, c'était un projet socialiste...".



Sur le fond, ce projet important, tout à fait respectable et bienvenu également,  dans les années de post guerre, 50 et 60 pour donner une image valorisante du Franquisme, vit la construction de nombreux barrages, pour irriguer les terres arides et l'installation de l’ordre de 5000 colons sur des parcelles de 4 a 5 hectares. On avait adossé également un projet d'électrification et d'industrialisation.



Notre visionnaire omniscient du Boucau, omet ou déforme toutefois certains points qui peuvent avoir leur importance. Le premier étant que c'est la IIème République espagnole, par l'intermédiaire de Indalecio Prieto qui lança la réalisation de ce projet qui était dans les cartons dès le début du XXème siècle sous le nom de « Plan Gasset ». Le premier barrage fut construit durant la IIème République, et on commença le premier canal.



Cependant, lorsqu'il s'agit de mettre en route une réforme agraire, pourtant souhaitée aussi par la Falange de Jose Antonio Primo de Rivera, soit dit en passant, ceci souleva un tollé, chez les « terratenientes » évidemment, mais aussi chez les petits propriétaires, qui craignaient de se voir exproprier, et tout fut fait pour freiner cette réforme.



Franco, lui, ne risquait pas ce genre d'opposition, de là à écrire comme le fait notre plumitif intempestif qu'il « n'hésita pas à exproprier les grands terratenientes qui les laissaient en jachère... Ça, oui, c'était un projet socialiste.. », c'est tout de même très exagéré, puisque en fait, il s'est agi d'un donnant-donnant plutôt "équilibré", puisque sur 100 pour cent des terres irriguées et rendues cultivables, 60 pour cent restèrent la propriété des possédants initiaux, échangeant donc 100 pour cent de terres incultes contre 60 pour cent de terres irriguées.



Les chiffres très exacts sont les suivants : «  95000 hectares transformés en terres irriguées, dont 44000 donnèrent lieu à expropriation, et 34000 de ces 44000 furent distribués à 4763 colons.... ». Toujours dans les conditions citées précédemment.



Il ne me vient même pas à l'idée de critiquer ce type d'accord, mais avouons qu'en termes d’expropriation, il y a pire.



Le plus marrant reste à venir : « Si dans son apparente naïveté le propos peut surprendre, voire choquer, il n'en exprime pas moins une opinion largement répandue dans de nombreuses couches de la société espagnole, que l'on a bien sûr le droit de taxer de révisionnistes. Mais le fait est là : pour ceux - issus des classes populaires et non de la bourgeoisie -, qui bénéficièrent de ce vaste programme, Franco fut plus socialiste que Zapatero ou Rubalcaba ne le seront jamais ».



Concernant Zapatero et Rubalcaba, je laisse Monsieur Viard à son appréciation, mais traiter Franco de « socialiste » va le faire se retourner dans sa tombe, voire se réfugier au sommet de la croix du Valle de los Caidos. et c'est même une attaque tout à fait déloyale. Pourquoi pas communiste ou franc maçon! Je signalerai seulement que les fascistes se nommaient «  national-socialistes ». Pas plus que je ne reviendrai sur les prétentions « sociales » et « révolutionnaires » de la Falange initiale, pourtant très fasciste, celle de « l'ausente », Jose Antonio Primo de Rivera, très critique dans les débuts du franquisme sur l’absence de politique sociale voire de non séparation de l’Église et de l’État.



Enfin, l’allusion faite au « révisionnisme » espagnol, évidemment, est également inappropriée. Mais c'est une habitude de confondre certains termes lorsqu'on parle de l'Espagne, « révisionnisme » en fait partie, tout comme « libéralisme ».



Le « révisionnisme », dont le "pape" est Pio Moa, fait référence à une interprétation de l'Histoire de la Guerre Civile Espagnole, qui voudrait que celle ci ait débuté à l'automne 1934 lors des émeutes ouvrières des Asturies. C'est une façon, une nouvelle fois de s'exonérer d'une responsabilité des militaires, celle de s'être rebellés contre un pouvoir démocratiquement installé. J'en parlerai probablement plus en détails. Ceci a à voir, certes, avec une nostalgie du franquisme, voire dans certains cas du fascisme, et en tous cas rien à voir avec le fait de respecter l'Histoire dans sa complexité, qui est l'antithèse exacte du « révisionnisme ».



Tout ça finalement pour nous expliquer combien il est nécessaire de se convaincre que tout n’est pas blanc ou noir. Après tout, Hitler avait aussi construit plein d’autoroutes.







samedi 9 février 2013

Lettre à Mon Lolo.


Mon cher Lolo,

 

Tu m’excuseras de te tutoyer ou de t’interpeler ainsi, mais il se trouve que je suis ce qu’il est convenu de nommer un homme de gauche, conviction que nous devrions partager, ainsi que, d’après ses dires, nous partageons aussi un ami commun. Deux raisons donc qui devraient favoriser la confraternité.

Cet ami est quelqu’un que j’aime beaucoup, qui eut une façon d’être présent lors de mes moments difficiles, voilà près de 30 ans,  qu’il est difficile d’oublier. J’ajouterai que nous le surnommions  finement « Adolf » à cause de ses idées de gauche, évidemment. Alors qu’il était de ce qu’ils nomment aujourd’hui  « la droite décomplexée ». Nous étions jeunes et avions le goût des outrances.

Bref, ceci ne nous rajeunit pas.

Je comprends par ailleurs que tu sois submergé par des problèmes infiniment plus sérieux que ceux que j’aimerais te soumettre. Pas facile mon Lolo, de devoir composer avec la dictature du pognon, certains jours j’ai envie de parler d’un nouveau fascisme : conquête par la force de l’argent du monde, protection des conquêtes par les armes, (mines, puits de pétrole, banques etc.), inféodation des gouvernants à une pensée unique au nom de la « real politique », peu propice à l’imagination, mépris de l’homme qui travaille pour un patron, qui de fait, doit accepter une forme de soumission à une logique financière implacable et, au passage, exacerbation de conflits de « classes ». Putain, Lolo, ça ne me rajeunit pas non plus !

Et encore moins facile, alors que ce système a besoin pour survivre et étendre son emprise d’être suprêmement anxiogène, de semer la crainte du lendemain et la misère, maintenant certains pays dans une misère noire, c’est le cas de le dire,  pour mieux les piller, on fait tout, pour que sur ce substrat d’angoisse et d’incertitude, fleurissent tous les extrémismes, et plus particulièrement le religieux. C’est sûr que le pauvre type qui craint pour son emploi ne va pas trop la ramener, et lorsqu’il l’a perdu, sa tentation peut être grande de se tourner vers d’autres paradis.

Et, bien sûr, nous savons tous, au moins dans notre Europe, ce que cela peut donner, lorsque la religion se mêle de soigner le monde. C’est une guerre pourrie qui n’en finit pas, qui s’étend en tâche d’huile, qui pourrait bientôt être à nos portes. Et ce pourrait bien être la nouvelle guerre mondiale. A tel point qu’on se demande tout de même si c’était bien judicieux d’aller filer une rouste à Saddam et de le pendre en « direct live », sans parler de l’Afghanistan, de la Lybie, avec lynchage en « direct live » de Kadhafi, de la Syrie, peut être bien de la Tunisie, et maintenant le Mali. Qui le prochain ?

 Je remarquerai seulement que la victoire a toujours été à court terme, avant un enlisement que les nouvelles aspirations démocratiques ne parviennent pas à éviter. Simplement, parce que la démocratie est un modèle de société sophistiqué, qui certainement ne se décrète pas,  qui s’est toujours implanté dans la douleur et souvent le sang, en mettant parfois des siècles à se stabiliser. Je n’ai jamais pensé qu’un claquement des doigts de BHL, ou les coups de mentons virils de nos dirigeants, puissent suffire à imposer notre modèle de démocratie, par ailleurs, fondamentalement laïque. Cherchez l’erreur, dans ces pays où la laïcité est un mirage !

Tu me diras, d’un autre côté, on n’a rien trouvé de mieux qu’une bonne guerre pour relancer l’économie. On rase tout et on recommence ! Ca repose du chômage, des problèmes bancaires, des « stock-options » des déficits, de ces mecs qui refusent les vertueux et inévitables plans sociaux, des syndicats qui reprennent du bec, de la Marine dont les idées seraient partagées par 37% des français, des débats pestilentiels à l’Assemblée.

Bon, ce n’est pas ce dont je voulais t’entretenir. Tu l’ignores sûrement, mais  je nourris une vraie passion pour l’Ile Rouge, tu sais Madagascar. Je n’oublie pas non plus mon Lolo, que lorsqu’ils se sont révoltés en 1947, nos vaillantes troupes coloniales ont  tout de même fait près de 70 000 morts, enfin, compte tenu des imprécisions du recensement, 40 000 qui ne prêtent pas à discussion, et peut être bien 70 000, ça fait quand même, 40 000 autant que les victimes de la terreur « roja » en Espagne et bien moins que le score de Franco, mais quand même, en quelques mois ce n’est pas mal. D’ailleurs, jamais à court d’imagination, nous avions inauguré le largué par avion des sorciers vivants sur les villages, ceux-là mêmes qui disaient aux malheureux qu’ils pouvaient s’avancer ainsi désarmés devant les fusils et mitrailleuses. Ces sauvages, qui disposaient en tout de 300 fusils, avaient bien besoin d’une bonne leçon !

Tu vois, à La Réunion, un type plutôt lucide m’a dit qu’ils seraient dans le même état que Madagascar si la France les avait abandonnés. Ce n’est pas je te l’accorde la même population ni le même pays. Mais voilà, je n’ai pas aimé lorsque Mamy m’a montré le train de Moramanga, celui où on mitraillait les gens enfermés dans un wagon. Ca me gêne toujours un peu. Même si ça s’est passé vers  1947.

Tu n’es sûrement pas dupe mon Lolo, et tu dois finir par savoir que le pillage des ressources formidables de la belle ile rouge déplacent et motivent un grand nombre d’opérateurs comme on dit. Il y aurait même des hydrocarbures y compris dans les vastes zones maritimes contrôlées par les français. Je ne vais pas revenir là-dessus pour ne pas lasser, mais j’ai un peu écrit sur le sujet. http://adioschulo.blogspot.fr/search/label/madagascar%202012.

J’ai vu qu’à priori tu avais réussi à ce que le sémillant DJ Rajoelina ne se présente pas aux élections de cette année, ce qui devrait convaincre le poulain des States, Ravalomanana de ne pas y aller. Et figure toi que les chinois très actifs sur les ressources minières de l’Ile les conseillent pour que les élections soient démocratiques. On se marre bien mon Lolo, par moment. Ils leur ont même offert des ordinateurs.

Bon tu connais peut être pas bien, mais tu vas retrouver les mêmes vieux requins pour se partager les prébendes liées aux concessions minières, le bois de rose, les huiles essentielles, le riz et j’en oublie . Je sais aussi que depuis leurs ambassades flambant neuves les chinois et les américains font tout pour nous emmerder, avec nos Colas Bouyghes, Bolloré, Total etc, et qu’ils ont les moyens de leurs ambitions, si j’ose dire.

Ce que je sais mon Lolo, c’est que ce peuple que j’aime, ce peuple qui souffre mille morts, apprécierait tout de même un mot au moins de compassion, dont nous sommes, par ta voix, si prolixes en d’autres lieux.

La francophonie, reste ici fort vivace. Pour combien de temps ?

Allez mon Lolo, va mettre ton œil d’homme de gauche, le gauche ou le droit, dans ce foutoir, parle d’une voix ferme et claire, en respectant ces malgaches si attachants et si souvent fatalistes et dignes. Essaie donc de monter quelques projets significatifs, sur la base d’un véritable gagnant gagnant, et non en enrichissant quelques éléphants politiques corrompus et en ruinant un peu plus le peuple. En étant juste et vertueux, mais oui mon Lolo, je sais c'est un peu concon et gnangnan, la France pourrait aussi y trouver son compte. Tu n’imagines pas comme ils te seront reconnaissants, les malgaches.

Je ne doute pas que tu te foutes royalement de ce que je viens d’écrire, mais ça m’a fait du bien de l’avoir fait.

Pour le reste comme on dit, je vous prie etc, etc, etc !

jeudi 7 février 2013

Une fille de Diego


 
Diego est une belle ville, pour Madagascar. Avec des avenues droites et nettes, et une propreté assez surprenante. Elle exhibe des vestiges d’une présence coloniale militaire française très importante, qu’on devine avoir été assez fastueuse.

 
 
Des ruines aussi comme cet hôtel d’antan, livré aux ronces. Ce fut le plus bel hôtel de Diego. Mathilde a voulu en visiter les ruines. C’est un exercice qu’elle a toujours affectionné. Par les ouvertures on voit la mer et son bleu argenté froissé comme un papier d’aluminium par les alizées. On nous avait dit, Diego c’est magnifique mais, surtout, en Juillet et Aout, c’est la période venteuse. Et le vent est omniprésent, et d’une certaine façon, il ferait aussi chaud qu’à Majunga, sans la fraicheur de l’Alysée. Jamais, pendant notre séjour, il n’a par exemple soulevé le sable ou été agressif. C’était une bonne brise permanente.

Le soir, la ville sort doucement de sa torpeur, mais sans jamais grouiller comme les autres villes malgaches. Pas ou très peu de mendiants ou de quémandeurs. Les « vazahas » n’ont pas l’arrogance qu’ils montrent en d’autres lieux. Il en est même de nombreux, d’âge disons mur qui se promènent avec des femmes malgaches d’âge en rapport.

Nous fréquentions le soir un restaurant italien sur la grande avenue. Le patron, la cinquantaine un peu désuète style soixante huitard attardé genre "peace and love", queue de cheval poivre et sel,  est Italien. Il est arrivé à Diego il y a 20 ans pour faire de la plongée, il n’est jamais reparti. Dans son établissement les serveuses sont souriantes et détendues. Il les traite visiblement avec beaucoup de considération affectueuse. Sur la carte, il présente tout son personnel, avec chacun et chacune un mot aimable. Sa plus grande fierté est que certaines sont là depuis plus de 15 ans.

Il me dit qu’ainsi il voulait rendre à ce pays tout le bonheur qu’il lui procurait.

J’avais quelques problèmes de bronchite récoltée à Tana et j’étais sorti sur la terrasse donnant sur la grande rue. En face, attablés le long d’une palissade des clients d’un restaurant ambulant chichement éclairé mangent en silence.

Une des serveuses est venue me rejoindre. Assez petite, avec des cheveux de jais, joliment ondulés et mi longs. Elle est  petite, un peu rondouillarde, contrairement aux femmes d’ici, sa peau est aussi plus noire que celle des gens d’ici. Ayant lu la présentation du personnel, je comprends qu’il s’agit de la serveuse de confiance, la plus ancienne aussi.

Désignant la tablée le long de la palissade, de l’autre côté de l’avenue,  elle me dit en riant : « c’est moins cher là ». « vous y mangez parfois dans ces gargotes ? », « oui répond -elle en riant. J’aime bien, ce n’est pas trop cher et c’est assez bon, dans certaines ». Elle ajoute : « les sacs à dos y mangent souvent ». Les sacs à dos sont de jeunes  vazahas aventureux qui visitent l’ile à coups de taxi brousse voire de stop ou en marchant. J’ai demandé : « ils supportent ? ». Cela la fit rire. « il faut s’habituer, au début c’est difficile pour les vazahas, ils n’ont pas les anticorps ».

Habituellement, j’évite certaines maladresses. Il est clair par exemple que pour un salaire « moyen » malgache de bien moins de 30 euros, fréquenter les restaurants que nous fréquentons est quasiment impensable.

Parfois des filles plutôt délurées s’arrêtent et me disent, « ça va vazaha ? », puis elles ajoutent des commentaires du cru que je ne comprends évidemment pas. Ils font marrer la brune. « Qu’ont t’elles dit ? ». « Que la nuit est belle » ment-elle effrontément dans son grand rire.

« Plus tard, dit -elle, vers minuit, Diego s’anime beaucoup » . En effet Diego a la réputation d’être, disons assez chaude la nuit.

Je lui demande : « Etes-vous mariée ? ». « Non, mais j’ai une fille ». C’est ainsi, qu’une seconde fois, je devais manifester ma maladresse. « Et le papa ? » je dis. Elle rit franchement : « parti, depuis longtemps ». En effet si le malgache mâle a une forte propension à la dispersion séminale, il est fortement aidé dans un pays où les filles ont en moyenne des rapports sexuels toujours non protégés dès 13 ans.


« Je voulais cet enfant » me dit –elle. Elle dit aussi, qu’en général, les filles, qu’il soit désiré ou accidentel, ce qui représente le cas de figure le plus important, conservent toujours le premier enfant. Ce, au moins pour une raison : pour une femme malgache, avoir un ou plusieurs enfants devrait représenter une manière de « garantie » pour les vieux jours, en même temps d’ailleurs qu’une valorisation de la femme, donc, les parents font plus qu’encourager les jeunes mères à garder le premier enfant. Ensuite évidemment, la misère, l’absence d’éducation, les croyances, l’analphabétisme, l’absence d’hygiène, font que le taux de fécondité de la femme malgache est assez vertigineux, supérieur à 5, et que plus de la moitié de la population malgache a moins de 18 ans.

Elle m’explique que le papa n’est pas un « vazaha », mais bien un malgache, et qu’en plus il les aide bien, elle et sa fille.

Je me souviens combien l’air de la nuit était doux. Nous évoquons la surnatalité. En riant, elle fait un signe mimant une piqure dans le haut du bras. « Maintenant dit-elle tout le monde pourrait avoir les enfants qu’il désire ». Il est toujours possible d’obtenir des implants contraceptifs gratuits qui protègent la femme pendant 5 ans.

Elle m’explique que depuis deux ans, les bandes de bandits de Diego sont moins actives. Pour les réduire, il aura fallu faire venir les renforts de Tana et ses « merina » abhorrés. La police locale était très souvent de mèche.

Je fais remarquer que les musulmans sont très nombreux ici. Elle me confirme ce que j’avais déjà remarqué à Majunga : la cohabitation ne pose pas le moindre problème. Même me dit -elle, il y a beaucoup de mariages inter religieux.

Elle est arrivée d’Antsoii il y a plus de 15 ans. Elle a croisé la route de l’Italien « peace and love ». C’est plutôt une jolie histoire de cohabitation, qui ressemble à la ville.

dimanche 3 février 2013

L'Histoire vue par un non Historien.


Je suis en immersion, depuis des années dans des bouquins traitant de la Guerre d’Espagne. Cet exercice incite à la modestie, dans la mesure où nul ne peut prétendre faire le tour de la question, et encore moins avoir lu les plus de 15 000 livres, et ce n’est pas fini, qui lui sont consacrés. J’alimente pratiquement sans cesse ma bibliothèque, toujours à la recherche d’une rareté. Parfois ma patience est récompensée et permet de belles découvertes, parfois, la déception est au rendez-vous. En tous cas les sites de livres usagés espagnols me connaissent bien, et réciproquement. Je me freine tout de même, car cela finit par être assez onéreux.

Même à l’heure actuelle, cette Guerre peut encore apparaître comme la mère des conflits modernes, tant tous les thèmes y sont présents : l’Eglise, l’Armée, une démocratie immature qui ne sait pas se défendre, les relations de l’extrême droite avec le fascisme et le nazisme, des convulsions révolutionnaires suicidaires, une classe possédante, Eglise incluse, farouchement hégémonique et hostile à toute évolution, une gauche désorganisée, dont les diverses composantes ont pu être en opposition y compris armée , et réduite à l’impuissance et à son autodestruction, l’hypocrisie du non interventionnisme, la lâcheté de certains pays, un communisme, insignifiant  en Espagne jusqu’en 1934, encore pratiquement négligeable quantitativement en 1936 mais très manœuvrier, qui sut s’imposer lorsqu’il fallut transformer les milices ouvrières révolutionnaires en armée fin 1936 et qui dès 1937 commença à importer les purges staliniennes, en particulier, anti trotskistes.

Or, paradoxalement, de vrais trotskistes, il  n’y en avait pratiquement pas en Espagne. Nin qui fut assassiné par la police secrète stalinienne avait été proche de Trotski, mais s’était brouillé avec lui. Cela n’empêcha pas les staliniens, le français André Marty en tête, de considérer le POUM de Nin, qui on le répète, entretenait de mauvaises relations avec Trotski, comme à la fois « fasciste » et « trotskiste », ce qui est tout de même, assez surprenant.

La rébellion du 17 Juillet 1936, commencée au Maroc, avait fini par drainer dans ses rangs le très cauteleux Franco, déjà prince de cette habileté prudente, qui lui assurerait pratiquement 40 ans de règne. Sa participation était essentielle pour la réussite de l’entreprise, car il y avait au Maroc des troupes indigènes, « los regulares », et cette force armée, bâtie par Mylan Astray et le jeune Franco, sur le modèle de la Légion Etrangère française, le fameux « Tercio ». Cela représentait de l’ordre de 30 000 hommes extrêmement aguerris, extrêmement disciplinés, bien armés et que la longue campagne du Maroc avait forgés dans la cruauté, et qui de plus, n’auraient aucun scrupule à tuer des espagnols.  Au Nord, dans la Navarre, Mola pouvait compter sur les « Requetes » carlistes, immédiatement pratiquement aussi nombreux, bien entrainés en milices armées par les italiens, qui devraient se distinguer comme des troupes d’élite, au même titre que les troupes du Maroc.

La droite dans son ensemble n’était pas si unie. Son ciment était certainement le nationalisme et le catholicisme, la détestation de la République en tous cas sous sa forme démocratique et parlementaire, mais aussi, en dehors des grands propriétaires terriens, les petits propriétaires, très souvent catholiques et se sentant menacés par les confiscations de terres. Mais on pouvait compter dans ses rangs les radicaux, les Cedistes de Gil Robles, les monarchistes de Calvo Sotelo, les carlistes de Fal Conde, les falangistes de Primo de Rivera qui allaient, tout comme les communistes croître exponentiellement au long de la guerre puis ensuite, malgré la perte de leur chef  fusillé.

Mais à la différence des forces de gauche, cette droite dominée par les militaires savait parfaitement que la victoire pourtant si problématique ne serait possible que via une union et surtout un commandement unique. Chose qui se réalisa fin Septembre 1936, en deux phases se suivant à une semaine de distance : Franco chef de toutes les armées et Franco Caudillo de l’Espagne et donc chef du gouvernement insurgé. Ceci ne fut pas réalisé dans l’enthousiasme, en particulier du côté de Queipo de Llano et de Cabanellas, le monarchiste Kindelain, pensant lui, qu’il s’agirait d’une phase très transitoire avant de rendre l’Espagne au Roi. Queipo résumait assez bien la situation en disant que ce ne pouvait pas être Mola, car les rebelles auraient  perdu la guerre, ni lui-même considéré comme un « républicain », ni Cabanellas, notoirement franc maçon. Franco lui, dès Juillet 1936 avait reçu la garantie de recevoir des armes de Hitler, à condition expresse qu’il en soit lui seul le bénéficiaire, ce qui valait un adoubement, et Mussolini allait suivre dans la foulée.

Ainsi les troupes du Maroc purent être rapatriées sur le sol espagnol et se charger de la féroce marche sur Madrid qui fut stoppée par la miraculeuse résistance de la capitale.

Jusque-là, ces troupes du Sud, pendant que Mola et ses « requetes » était bloqué au Nord de Madrid mais avait pris Irun et s’apprêtait à terminer la conquête du Nord, ne rencontraient que milices désarmées, ou mal armées, sans encadrement, et souvent terrorisées à la seule vue des « Maures ».

Les anarchistes s’étaient lancés au lendemain même de l’insurrection dans une révolution véritable, qui, je ne sais pour quelle raison a toujours été minimisée. Ils avaient sauvé Barcelone de Goded et ses troupes, mais aussi, en grande partie Madrid. Ils partirent donc à l’assaut de l’Aragon, depuis Barcelone, pour reconquérir Zaragoza et implanter des « colonies » sur les terres reconquises.

D‘emblée ils furent en opposition frontale avec les communistes qui eux, selon les vœux de Komintern étaient favorables à une stratégie d’accord avec les partis bourgeois, et pensaient avant tout à gagner la Guerre avant d’implanter un régime qui leur serait favorable, probablement.

Cette furie révolutionnaire, associée à un véritable massacre de religieux et destruction d’édifices religieux eut plusieurs conséquences néfastes : la première d’effrayer les puissances européennes et américaine qui voyaient en particulier les anglais, leurs intérêts investis en péril, la seconde, fut de mobiliser la majorité des catholiques du monde entier contre les républicains espagnols, à quelques notables exceptions en France telles que Maritain, Mauriac et bien sûr Bernanos.

La complexité de la situation, la spécificité espagnole du conflit, la destruction volontaire de nombre d’archives, la chape de plomb qui pesait sur les historiens pendant toute la période du règne de Franco, entre autres raisons ont fait qu’il fallut attendre la toute fin du XXème siècle et le tout début du XXIème, pour voir enfin émerger une Histoire plus équilibrée et surtout mieux documentée.

Ceci pour dire aussi que je suis en permanence saisi par la responsabilité des Historiens, véritables ou charlatans, par exemple pour un lecteur plein de bonne volonté qui se ferait une idée de cette terrible guerre soit au travers d’un ouvrage de Pio Moa ou de De la Cierva, soit d’un de Preston ou de Reig Tapia.

Sans parler de l’énorme production « romanesque ».

L’abondance des sources secondaires constituée par les innombrables études générales ou monographiques, biographies, autobiographies, entraînent fatalement le lecteur intéressé à se plonger de plus en plus dans le sujet, ce qui, par conséquent l’écarte de certains lieux communs véhiculés d’ailleurs par les tenants des deux camps.

Il  incombe aux Historiens de reconstituer l’histoire, scientifiquement. Or je suis surpris de constater souvent un abus des citations, finalement en nombre restreint qui suffiraient à tout expliquer. Sorties de leurs contextes, et ignorant une époque où des deux côtés la violence verbale était la règle, elles permettraient d’accréditer à elles seules une thèse. De même on voit apparaître en fin de livre des bibliographies monstrueuses, alors que paradoxalement, les apports originaux sont extrêmement rares et souvent les auteurs s’en tiennent à des événements mille fois ressassés.

De ce point de vue, le passage au XXIème siècle a vu l’émergence de nouveaux historiens profitant de l’ouverture de certaines archives, surtout russes, qui  permettent de mieux comprendre les rôles des uns et des autres, mais aussi de construire la Mémoire de cette guerre, Mémoire qui fut si maltraitée et surtout systématiquement falsifiée  par les quarante ans de franquisme.