Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

lundi 4 juin 2012

Cuba de la révolution à nos jours


Il faut revenir sur ce coquin de Batista. C’est lui qui en 1938 charge Meyer Lansky, le trésorier du Syndicat national du crime - avec Lucky Luciano, Frank Costello, et Bugsy Siegel- de revitaliser des entreprises « sous contrôle militaire » : deux casinos dont le fameux Nacional et le champ de course. Le résultat ne se fait pas attendre et des célébrités telles que Gary Cooper, Ava Gardner et Franck Sinatra, évidemment, fréquenteront le Nacional avec aussi Errol Flynn plus spécialement amateur, outre du whisky, de très jeunes filles.

En 1940, le malheureux Batista élu Président, met en place une Constitution inspirée de l’américaine et doit accepter en 1944 des élections libres qui le chassent du pouvoir, au profit de Ramon Grau San Martin. Il s’exile aux Etats Unis d’où il préparera un nouveau coup d’Etat. Noel 1946, Lucky Luciano expulsé des Etats Unis fait sa réapparition à Cuba. L’hôtel  Nacional accueille des sommets de la truanderie. Sinatra y chante. A la demande des américains, Luciano finira par être expulsé.

Le système de corruption, de banditisme se poursuit sous Carlos Prio Socarras au pouvoir de 1948 à 1952. Le mécontentement populaire est à son comble. En 1952 Batista profite du support de l’armée pour prendre le pouvoir sans affrontement majeur. La paix sociale est fictive, la pauvreté ne cesse de s’accroître ; le jeu, la prostitution, contrôlés par les gangs américains atteignent des sommets. Batista « offre » Cuba aux américains, qui détiennent 90% des mines de nickel et des exploitations agricoles, 80% des services publics, 50% des chemins de fer et, avec le Royaume Uni, toute l’Industrie pétrolière.

En 1953, première alerte sérieuse, mais le soulèvement dirigé par le jeune avocat, Fidel Castro, fils d’un propriétaire terrien opulent échoue assez lamentablement. Castro échappe à la peine de mort, grâce à l’intervention de l’archevêque de Santiago, et bénéficiera en 1955 de la loi d’amnistie. Il part au Mexique.

Tout va bien pour Batista. Meyer Lansky contrôle des jeux au Montmartre, au Nacional et au Monseigneur. Batista lui, confie le monopole des machines à sous à son beau-frère. En 1956, il pose la première pierre  du Riviera, le casino des casinos avec  Lansky. Lucky Luciano avouera avoir versé des millions de dollars à Fulgencio Batista pour les concessions de jeu, mais aussi au chef de la police, les officiers et les simples agents.




Bref, n’en jetons plus. L’insurrection  débutera le 2 décembre 1956, avec l’expédition dite du Granma, prévoyant un débarquement très limité, (82 hommes sur le petit bateau qui donna le nom à l’expédition). Ce fut un échec et une vingtaine d’hommes en réchappèrent et se réfugièrent dans la Sierra Maestra. Cette poignée d’hommes grossira alimentée par le mécontentement général autour de Batista. En Mai 1958, Batista tente une action d’envergure ( 12 000 hommes) contre ce maquis dirigé par Fidel Castro et Che Guevara, et subit une défaite cuisante. A partir de cet moment, les victoires de la guérilla s’enchaîneront, jusqu’à la fuite de Batista vers Saint Domingue, le 1er janvier 1959. On estime qu’après avoir avec ses proches vidé les caisses, plus de 140 millions de dollars, il partit avec 40 millions de dollars Us, ce qui lui assura une fin de vie paisible en Espagne, à Guadalmina, (province de Malaga), où il mourut le 6 Aout  1973, un peu avant Franco donc.

Ce que je retiendrai surtout, c’est qu’au départ, Fidel Castro, à la différence de son demi-frère Raul, ne se réclamera pas du marxisme voire du communisme. C’est au moment où, d’emblée il voulut nationaliser les ressources vitales du pays, détenues en général par les américains, ainsi que nous l’avons vu, que ses relations se tendirent avec les Etats Unis, dont Cuba dépendait largement, aussi bien pour son approvisionnement en pétrole et les importations alimentaires que pour les exportations vitales de sucre en particulier.

Tout le monde se souvient de l’épisode ridicule de l’expédition de la baie des cochons, montée par la CIA avec des exilés cubains entrainés et armés par leur soins qui finalement jeta Cuba dans les bras des russes qui en profitèrent pour installer des lance-missiles qui provoquèrent une crise gravissime.

Ce qui m’intéressait  plus, c’était de voir comment pouvait fonctionner cette société, où par exemple le logement est un droit et gratuit, où l’enseignement y compris supérieur est   gratuit, ce qui classe cuba parmi les pays les plus alphabétisés au monde, où la santé est droit, gratuit aussi, et où les citoyens reçoivent des tickets de rationnement mensuels couvrant à peu près la moitié des besoins alimentaires.

Ici, l’Etat possède pratiquement tout, les hôtels, les taxis, les commerces, les terres, et lorsque comme à Varadero, des investisseurs étrangers implantent des complexes hôteliers, Melia par exemple, un panneau vous annonce glorieusement, « Tout ce qui se récolte ici, est pour le peuple ». On nous a assurés que l’Etat détenait 51 pour cent de l’hôtel Melia en question.

A La Havane, les maisons coloniales sont religieusement restaurées, et transformées en hôtel ou en musée. Mais il vrai aussi que les logements où s’entassent souvent les familles ne sont pas entretenus correctement, faute de moyens, et se dégradent.

Les salaires sont très bas, par exemple un médecin gagnera de l’ordre de 40 CUCs soit à peu près 30 euros, qui est un salaire comparable à un salaire malgache.

J’avais envie de voir comment cela pouvait fonctionner ou dysfonctionner et aussi quelles solutions avait amenées la venue au pouvoir de Raul, le demi-frère de Fidel. Actuellement l’Ile dépend du tourisme, plus de 3 millions de touristes attendus cette année. On sait aussi que le tourisme est un facteur accélérateur de mutation sociale, car il atténue les effets de la censure ou du discours unique en important d’autres modèles sociaux, et d’autres comportements.

On me dit que Raul Castro est très conscient du problème, ainsi on peut maintenant ouvrir des commerces privés, dans sa propre maison, ou faire de la location chez l’habitant pour les touristes,  il commence  à y avoir des taxis privés. L’Etat perçoit évidemment des taxes sur ces activités.

Et je pensais aussi que lorsque Castro s’était coupé des russes et de la pereztroika, au nom du refus de l’ouverture aux marchés, il avait peut-être bien raté un virage historique.

Enfin, Castro avait réalisé en fait ce que n’avaient pas pu faire les anarchistes espagnols, lorsqu’au lendemain du 18 Juillet 1936, ils déclenchèrent leur révolution, avec distribution des terres, contrôle des industries etc. On s’est beaucoup moqué des anarchistes espagnols et de leur modèle social égalitaire où tout le monde devait se trimbaler en « mono » ou bleu de travail. Ils étaient aussi obsédés par l’alphabétisation, et dans certains secteurs ou villages avaient supprimé la monnaie.

Les situations des deux pays sont évidemment très différentes car les anarchistes espagnols voulaient faire la révolution pour gagner la guerre, alors que les cubains de Castro avaient gagné la guerre avant d’installer leur révolution ou leur modèle social.

A suivre

5 commentaires:

Maja Lola a dit…

Donc, nous en étions restés à la libération par les bardudos de l'île, b...l de l'amérique et entre les mains de la mafia.

Même s'ils faisaint partie du paysage de la mafia, il n'empêche que l'on se prend à rêver en imaginant les Cooper, Sinatra et autres Ava Gardner séjournant en ces lieux ...

Pour revenir à ton analyse, es-tu sûr que ce soit Castro qui se soit coupé des russes au moment de la pérestroïka ? Les russes avaient plutôt d'autres chats à fouetter et d'autres défis à relever que de continuer à "injecter" (à fonds perdus) dans cette île dont le seul combat (après la révolution) était la désignation permanente et unique des U.S. comme seuls responsables de leur malheur, via leur embargo. De plus, la guerre froide était déjà terminée et la "fraternité" des russes commençait à donner des signes de défaillance.

Le tourisme est bien une première ouverture au marché mais tellement insuffisante. Ce qu'il a apporté, en plus de devises dynamisantes, c'est la possibilité d'échanges avec la population, notamment les JEUNES.
Je me souviens avec quel plaisir ils discutaient et proposaient leur adresse mail pour établir des "respirations" extérieures ... chance que n'avaient pas eu leurs parents qui devaient se contenter des immenses panneaux vantant les mérites de la Revolucion ou stigmatisant le yankee affameur, ou encore la lecture de leur mythique Granma...
Internet a été pour eux un formidable outil d'ouverture. Peut-être le détonateur pour une prise de conscience du pouvoir de la nécessité de cette ouverture.

Si l'on fait le bilan, seuls l'éducation et la santé, comme tu le soulignes, sont à mettre aux actifs.
L'état providence a agi là où la nécessité politique le requerrait : l'éducation des masses permettant une cohérence idéologique indispensable.
Même si le système reste à louer, il ne faut pas passer sous silence que tous les dossiers des jeunes qui souhaitent accéder à l'enseignement supérieur sont filtrés au peigne fin ... leur imprégnation de la doctrine et/ou leur appartenance à des classes de dignitaires étant décisives ...

Mais tu as raison de souligner ces réussites du régime castriste. C'est ce qui me toucha aussi lors de mon voyage. Il faudrait à présent que cette éducation et cette force de la jeunesse puissent se mettre au service d'une dynamique qui, sans tomber dans un libéralisme effréné (impossible !!!) permette de vivre de manière autre que d'un rationnement aux produits de l'état. Indispensable aussi une aide à la reconstruction de leurs superbes bâtiments qui tombent en ruine et dont ils pourraient bénéficier dans de meilleures conditions.

Dans cette crise mondiale qui terrasse tout le monde, quel(s) pays pourraient relever le défi en leur apportant de l'aide ?

En tout cas, si un programme de coopération se met en place .... je suis candidate !

el Chulo a dit…

Maja, quoiqu'on en puisse dire, le système éducatif fonctionne encore, gratuit et ouvert.

Il me semble qu'il y assez à dire sur ce régime sans lui faire ce faux procès.

Tu as absolument raison de dire que Cuba devenait une charge lourde pour Cuba, mais me semble t'il, Castro s'est opposé tant qu'il en a eu la force à l'économie de marché, ce que ne fait pas son frère.

Marc Delon a dit…

Non, le logement n'est pas un droit gratuit, on loue à l'état, après s'être mis en disponibilité pendant deux ans pour construire soi-même son HLM.

L'école et la santé à mettre aux actifs ? Double discours à ce sujet à mon humble avis... je n'ai jamais vu autant d'estropieds dans une ville ( si, à Marrakech en 1983 )

et lorsque m'étant perdu dans la Havane je suis tombé sur des confrères dans un cabinet, ils ont été très chaleureux jusqu'à ce que je leur demande de visiter leurs installations : cela n'a pas été possible et comme ils étaient par ailleurs très gentils et gênés, j'en ai conclu qu'ils auraient eu honte de l'indigence de leur plateau technique.

La guide qui nous avait vanté le système éducatif, un soir que je lui ai signalé avoir laissé des cahiers dans le bus pour les enfants, m'a remercié comme si je laissais des lingots d'or et m'a finalement confié que dans l'école de sa fille, ils n'avaient rien pour travailler...

Dans ce contexte, avoir vu passer trois fois en quinze jours le cortège des Mercedes berlines et coupées du gouvernement, m'a été assez choquant : le communisme c'est pour les autres, comme d'hab !

Enfin, pour avoir fait la connaissance d'un couple de cubain installés à Nîmes, et après les avoir entendus parler de leur condition là-bas, je n'ai plus aucune illusion sur la "grandeur humaniste" du discours officiel...

el Chulo a dit…

comme quoi, tu vois, tout dépend de ce qu'on voit et te dit.

maintenant si tu demandes à des exilés de te parler du régime c'est sûr que tu vas avoir aussi un son de cloche qui ira dans ton sens.

je ne défends pas ce régime et ne le connaisd pas assez bien.

l'idée de ces articles était "pauvreté et misère".

Anonyme a dit…

Le texte est aussi intéressant que les commentaires.
C'est bien en rencontrant des gens, en parlant leur langue, en vivant chez eux quand on peut - donc en ne restant pas dans un hôtel - qu'on se fait une idée assez objective d'un pays.Mais il faudrait s'offrir le luxe d'y retourner souvent.

Gina