Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

jeudi 8 novembre 2012

Pio Moa pape du révisionnisme espagnol


Pio Moa, dont on dit qu’il était l’auteur fétiche d’Aznar, termine « los mitos de la guerra civil », par une fulgurante affirmation. Encore faut-il au préalable faire une remarque : ce titre vient évidemment grossièrement en contre du fameux « les mythes de la croisade de Franco » du formidable Southworth, qui lui avait lu tout ce qui avait été écrit sur la Guerre d’Espagne, et possédait une  bibliothèque invraisemblable.  Son œuvre pratiquement se limite à ce « mythe », œuvre de toute une vie d’études et  la narration de Guernica. Autrement dit, à l’inverse de Monsieur Pio Moa, ex activiste gauchiste converti, ce sont les pires, il éplucha tout, et y dédia sa vie entière, jusqu’aux moindres recoins, démontrant en particulier quand les gens parlaient de livres qu’ils n’avaient pas lu, ce qui est encore très fréquent de nos jours. Rien n'est plus simple qu'alimenter une bibliographie, voire même de pomper des citations pour faire penser qu'on a bien lu l'ouvrage.

Donc je vous délivre la pensée de notre fabricant de best seller historiques : «  le thème est entré dans la littérature ET Le cinéma, toujours avec le même mélange d’ignorance et de sectarisme, tandis que diverses associations promeuvent des campagnes de propagande autour de telle ou telle « fosse commune » découverte, autour de tel ou tel cadavre, sans oublier, la référence constante à Garcia Lorca, afin de maintenir ouverte la plaie sous prétexte de « récupérer la mémoire historique »….tout en condamnant à l’oubli, c’est clair, les victimes de l’autre camp, sacrifiées, en définitive, par « l’indignation populaire ».  

Est-ce un hasard, on dirait du Mundotoro et du Dédé dans le texte, lorsque ce dernier malotru  s’insurgeait contre le « devoir de mémoire », à peu près dans les mêmes termes. Mundotoro, cela se comprenait car il appartenait à l’omnipotent Jean Pierre  Domecq, dont les idées gauchistes n’échappaient à personne. Dédé dont la carrière taurine fulgurante doit beaucoup aux prévenances des socialistes landais, je comprends moins bien, quoique nous ayions tous pu commettre des erreurs de jeunesse et de jugement. A moins qu’il s’agisse simplement d’opportunisme ou de « marquetinge » qui lui a plutôt bien réussi, dans le sillage de la richissime et très influente Esperanza Aguirre, comtesse de Murillo et du PP, qui dut récemment se retirer de la Présidence de la Communauté de Madrid, pour de sérieuses raisons de santé, un flirt non moins prononcé avec certains media, et une proximité assez douteuse avec ce que l’extrême droite a de plus présentable, la CEU, refuge doré des membres du PP virés par l’arrivée de Zapatero, et engraissés sous la mère en vue d’un lendemain prometteur, sans parler du flamboyant Ambassadeur de France à Madrid qui utilisa nos deniers pour promouvoir le visionnaire des dunes. Ca je l’ai encore en travers du gosier ! Et je me souviens avec la nausée des commentaires  lorsque l’ouverture de la fosse de Viznar où était censé être enterré Federico Garcia Lorca s’avéra improductive. C’était dit, le sieur ne reculerait devant aucune compromission, pourvu que le vent fût porteur. Il suffit de le lire actuellement, exactement à l’opposé de ce qu’il nous infligeait auparavant, lorsqu’il brandissait un anathème haineux contre les « talibans » et autres « ayatollahs », dans tous les cas « irresponsables » de ne pas voir ce que ce toro moderne avait de bouleversant et brave, mais aussi coupables de critiquer les « figuritas » si « nécessaires » au devenir de la corrida, par le remplissage présumé des arènes. Figuritas qui par ailleurs étaient les seules à savoit tirer un profit optimum de ces fauves impitoyables, si difficiles à toréer.Il semble d'ailleurs qu'il ait procédé à un tri soigneux dans ses textes, une manière de "limpieza" à la façon du héros de ses amis.

En tous cas, il est extrêmement  faux de dire que les victimes des républicains ont été ignorées, et ce, au moins pour deux raisons essentielles :

-         la première étant évidemment que les vainqueurs franquistes les ont recensées jusqu’à la  dernière, quitte d’ailleurs à gonfler la note. La fameuse « Causa » a largement œuvré dans ce sens. Et pour démontrer combien elle était équitable, elle admettait un score de parité, 50 000 de chaque côté. Mais l’histoire progresse toujours, les archives finissent par s’ouvrir ou être exploitées, en particulier par recoupements de différents documents et témoignages, et, en intégrant les victimes de la répression d’après-guerre on arriverait à un rapport de un pour cinq.  Cela a demandé un travail extrêmement minutieux qui, communauté par communauté, n’a pu être mené à bien que largement après la mort de Franco, et même durant la "transition", on ne facilita pas la tâche aux curieux.  Aujourd’hui on estime qu’un décompte exact a été établi dans pratiquement 80 pour 100 des communautés, ce qui autorise des extrapolations plus fines.

-          la seconde raison est que les sympathisants de la République regrettent les inutiles massacres de curés qui portèrent un tort énorme à la République ainsi que le massacre de Paracuellos et autres « paseos » ou « checas ». D’ailleurs, les différents gouvernements de la guerre, républicains, s’entend, tentèrent  d’endiguer cette violence imbécile et nuisible, car très contreproductive vis-à-vis des si puissants lobbies catholiques de l’étranger. Ils y parvinrent plus ou moins pour les meurtres des ecclésiastiques qui eurent lieu en très grande majorité pendant les 6 premiers mois de la guerre.  Et il est évident, qu’avec les lois de « responsabilidades »  franquistes qui permettaient de poursuivre quiconque était soupçonné de sympathie pour la République, et ce, entendons nous bien, car les derniers fusillés et garrotés du franquisme le furent dans les années 70, donc, ce quiconque, qui  s’opposait soit concrètement soit par simple passivité au « glorieux mouvement », risquait très gros, on voit mal pendant les 40 ans pratiquement du règne franquiste qui pourrait revendiquer un parent « rojo » victime de la répression franquiste. C’est en tous cas cette parité que soutient  notre activiste gauchiste repenti, à l’heure où cela ne fait même plus débat. J’ai beau lire des ouvrages d’historiens franquistes, je n’y vois jamais le moindre repentir, mais plutôt une négation obstinée de faits maintenant totalement avérés, et toujours en les minimisant voire en les justifiant.

Mais en fait, les plus de 500 pages de « Los mitos de la guerra civil », dont celui que je possède est la 36ème édition, veulent démontrer que  « Toutefois, Franco ne pensait pas s’être rebellé contre une république démocratique, mais plutôt contre un péril révolutionnaire extrême. Avait-il raison ?  Si les faits exposés dans cette investigation sont corrects, ce dont je suis sûr,  il est certain qu’il avait raison». C’est sa conclusion.

Et ici, on se retrouve au cœur du raisonnement des « révisionnistes » espagnols : à savoir, ce sont les républicains espagnols,  les socialistes, anarchistes  franc maçons et communistes espagnols qui ont initié la guerre en 1934 lors de la grève révolutionnaire, qui  par ailleurs  avait  lamentablement échoué en particulier à Madrid, fief pourtant du « pseudo révolutionnaire » Largo Caballero, et à Barcelone où la CNT était si puissante. Seuls les mineurs des Asturies luttèrent et furent matés par un certain Franco et ses troupes marocaines, en particulier. Mais surtout, pour ces "historiens" rien dans la société espagnole ne justifiait un tel déferlement. L'Espagne était dans un  mode légèrement perfectible mais plutôt idéal: Roi, Armée, Eglise, Possédants de tous ordres. Même d'ailleurs les plus modestes possédants en particulier agricoles, à condition qu'ils vénèrent l'Eglise, dont Franco tira, aussi, sa force.

Si on suit ce raisonnement, on peut aussi dire, que ce mouvement insurrectionnel avait pour origine la reprise en main par la droite en 1933 du pays, suite à des élections, par ailleurs perdues par les républicains, en grande partie à cause de l’attitude stupide de Largo Caballero, droite qui s’ingénia à essayer de revenir sur toutes les tentatives de réformes structurelles des républicains entre 1931 et 1933.

Mais aussi bien sûr qu’il y avait eu dans cette  première période les émeutes anarchistes, en particulier celle de « Casas Viejas » qui firent vaciller le fragile équilibre maintenu autour de Azana, mais aussi la tentative de « pronunciamento » de Sanjurjo, que pour leur malheur, les républicains réprimèrent avec une facilité extrême. Pour leur malheur car, durant le premier semestre de 1936, quand tout Madrid bruissait des préparatifs de la révolte des généraux, encadrée par Mola, il y eut des socialistes en particulier, qui semble-t-il pensaient que ce serait une nouvelle « sanjurjada » et qu’elle serait réduite facilement, et qu’enfin le régime socialiste en sortirait renforcé.

Bref, suivant ce raisonnement jusqu’au bout, ce dont se garde bien notre plumitif, c’est lorsque les républicains arrivèrent au pouvoir en 1931 et instaurèrent la Seconde République, qu’ils déclenchèrent la Guerre d’Espagne de Monsieur Pio Moa. Ce qui par ailleurs signifie bien qu’il y eut un choc frontal entre deux Espagnes : une qui voulait un changement radical, l’autre qui s’arcboutait sur ses privilèges.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai lu, un peu rapidement en appréciant encore le souci de probité et de bonnes pertinentes remarques historiques ou générales. J'acquiesce : plein de gens parlent de ce qu'ils n'ont pas lu comme s'il était déshonorant d'ignorer un bouquin parmi la pléthore qui sort. Ils rappellent ceux qui prennent la parole en public pour faire du bruit et affirmer leur existence.
Savez-vous que tout souci d'historien mis à part, il y a d'excellents fort divertissants best-sellers historiques, pas forcément « mélange d’ignorance et de sectarisme », me semble-t-il.
Je recommande aux passionnés d'histoire, moins sérieux que Chulo « La Trilogie Berlinoise" de Philip Ker, un Anglais. (Poche ou Point)
Gina





Maja Lola a dit…

Toujours passionnant Chulo.
La manipulation des chiffres est le risque (incontournable) de tous les conflits, sans compter les preuves détruites ....
La façon simpliste et personnelle de résumer cette guerre par le fameux "historien" me semble déjà douteuse.
De plus, qu'un ex agent du GRAPO effectue un revirement à 360° pose déjà question.