Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

lundi 13 septembre 2010

Pour Ludo, Olivier, Marc et Bernard "largo campo"

My dear Ludo, cher Olivier, cher Marc, cher Bernard;




j'imagine par avance votre sourire et que vous allez vous dire que le Chulo, il a pris un coup de pied de barrique. Vous savez que j'use sans en abuser du privilège de me voir chaque année proposée une place de callejon, privilège lié à la proximité familiale d'un membre influent de la municipalité, déjà anciennement nouvelle, de Dax. Il m'en avait averti quelques jours auparavant, et je redoutais qu'il me propose celle de Ponce et Castella car j'aurais dû inventer quelques prétextes peu vraisemblables pour décliner la généreuse proposition. Il eut donc le bon goût de me proposer celle de Morante, Juli et le Cid. Il faut vous dire aussi que j'accepte toujours cette invitation avec pas mal de gêne, mais je me fais violence.



Donc voilà. Avant la corrida, j'ai retrouvé Xavier, l'imprécateur. On a bu une mousse et il m'a présenté « el batacazo », qui a eu des mots plus que bienveillants pour « el Chulo », mots qui me sont allés droit au cœur. Seul point noir, il me vouvoyait, ce qui me ramenait sans ménagement à mon âge avancé.



Au callejon j'étais à coté d'un type charmant, impresario espagnol, probablement très connu, issu d'une grande famille taurine. Il avait cette courtoisie classieuse que savent avoir les espagnols bien nés. Marie Sara est venue le saluer, ils ont discuté un peu, je n'ai pas osé écouter. Le business je pense. Elle est à l'age où les femmes sont splendides, et elle est tout spécialement splendide.



Ensuite, l'éleveur et les banderilleros sont passés à tour de rôle. Ils étaient tous émerveillés par cette plaza, « caliente » et pleine jusqu'aux nuages, et disaient que les matadors étaient également impressionnés. Victoriano del Rio était au début une petite sphère inquiète. « Mucha ilusion » a t'il dit à mon voisin.



Dans le patio, j'ai même pu échanger deux ou trois mots avec Curro Vasquez. Vous imaginez ça? Il a fait semblant de me reconnaître, car j'étais à coté de la personne influente que j'avais embrassée. Ils font tous et toujours ça. En tous cas j'étais sur un nuage. Je l'ai trouvé petit, mais sa tête ne change pas et je me suis souvenu de ce novillero béni des dieux, horriblement châtié lors de son alternative, qui dut par la suite lutter contre son corps qui se souvenait pour parfois, rappeler l'extra terrestre qu'il avait été.



Dans le couloir j'ai trouvé Morante plutôt sombre. J'étais tenté d'y voir un mauvais présage pour la suite. Je lui ai dit connement « suerte maestro », il m'a dit « merci » comme ils le font tous.



Donc j'ai rejoint ma place avec mon paquet de cacahuètes.



Le premier toro était un mulet décasté, qui n'avait pas une passe et ne voulut rien savoir des bonnes dispositions de Morante. Commentaire d'un de la barrera au dessus de moi, « c'est un voyou, il n'a rien voulu faire, c'est comme ça les gitans, des fainéants! ». Il nous inonda tout du long de commentaires très sonores et définitifs, ponctués de gloussements également sonores de sa dame, dont nous nous serions bien passés. Estocade propre, des sifflets stupides. Victoriano était une boule livide.



Je ne vous raconte pas la suite, vous avez certainement lu les commentaires. Les toros étaient bien faits, dans le type, souvent intéressants de comportement. Juli est au sommet de son art cette saison. Il sait tout des toros et les hypnotise. Pas la moindre faute de placement, il sait donner du temps au toro et lui servir exactement ce qui lui convient. Il a été torerazo, même si, sa puissance, sa facilité, son infaillibilité donnent à son toreo un aspect quelque peu mécanique, qui, je l'avoue, ne me va pas au cœur ou à la tête. Toutefois il a une joie de toréer incroyable, mais il tue comme un cochon. Victoriano est venu embrasser mon voisin.



Un banderillo est venu me piquer sa première cigarette. Jode il a dit, que torero! Son premier toro était un carreton, sans grande transmission ni caste, mais le petit géant a été parfait de bout en bout. Son second était bien plus intéressant et il l'a littéralement envoûté. On se serait cru en tentadero. Inimaginable. Il l'a massacré à l'épée avec entre autres une épée « traversante » qu'il eut l'habileté de faire oublier par une mete y saca. Ceci aurait pu le priver d'oreille mais la pétition était plus que majoritaire.



Victoriano est venu, maintenant, boule rouge de bonheur, commenter à mon voisin combien Juli était un type intelligent d'avoir renvoyé son second toro à la pique pour montrer qu'il était brave. J'adore ces détails. C'est vrai que Juli sait grandir ses toros. U n banderillero m'a piqué une cigarette, mon voisin aussi, un autre des cacahuètes, il devait avoir fini sa journée. En contrepartie, il m'a proposé de l'eau. J'ai des principes, j'ai décliné.



Cid a touché son premier, le meilleur. Il n'a pas vraiment pu montrer sa main gauche, mais il a toréé en souriant, posé, dominateur. Il a très bien tué. El Boni s'est fait poursuivre et a posé une banderille merdeuse. Boni a triomphé « de matador » en 1980 je crois à las Ventas. Ses yeux rient et il a une belle gueule de mec. Il est venu et a demandé: comment as tu trouvé ma pose de banderilles? Mon voisin a dit: « un rejon ». Moi : un « medio violin », Il s'est marré. Je lui ai dit: la prochaine fois, tire les, avec un fusil. « Anda Fandi! » a dit mon voisin. El Boni a une gueule incroyable, des yeux qui rient. Mon voisin l'avait félicité pour son costume, gris perle et vert. Il a dit j'en ai fait faire un autre marron. Les toreros, lorsqu'ils en ont les moyens se disent dans leurs costumes. C'était bien de revoir el Cid avec le sourire et plutôt inspiré. Moi, je craignais d'être en panne de cigarettes. La boule Victoriano s'épanouissait, dans maintenant une paisible modestie. J'ai dit à Boni, il est gaucher Cid? Il m'a répondu, sans vouloir aller plus loin, « gaucher et autres choses ». L'air était doux comme un baiser. A son second, et j'étais dans l'axe exact, Cid a donné une estocade monumentale qui valait largement l 'oreille.



Quand le second de Morante est sorti, le Boni était là, près de nous. Un colorado bien fait rapide qui est allé se fracasser la corne sur un burladero. La voix de l'aficion, au dessus de moi a dit « le salaud il l'a fait exprès ». « Quel salaud a dit la dame ». Victoriano est venu voir mon voisin, et a dit que « c'était probablement le plus brave ». Il n'y avait eu aucune volonté de lui faire taper les planches, simplement, le toro voulait en découdre.



Le sobrero était « un tio ». « Ouff » a fait le Boni. La voix de l'aficion, « il va pas vouloir le voir », « c'est pas un toro pour lui ». Et Morante a commencé son festival de lidiador. Boni a dit. « il se le colle trop », car ici, on était dans une autre dimension. Que vous dire? Une estocade comme un trait de lumière. Deux oreilles pour lui dire aussi que ce toro, il l'avait honoré et que les autres n'allaient pas partir sans lui, à hombros, alors qu'il avait fait le plus compliqué.. Torerazo!



Il régnait une atmosphère de joie, de bonheur. Mais, mes amis, je voudrais ajouter combien tout fut parfait, une brega de luxe, sans un coup de cape superflu, un ordre absolu en piste, un calme et une efficacité incroyables.



Je suis reparti sans cacahuètes, ni cigarettes, avec aussi le beau souvenir de la gueule de Boni et son rire.

6 commentaires:

Marc Delon a dit…

Marais Saria "esplendido" ? Euh... bon... blonde en tout cas...

Et tu ne feras jamais des photos pour ton blog ? Un jour que t'es dans le callejon par exemple...

Ludovic Pautier a dit…

merci my chulo. c'est encore mieux que d'y avoir été. ceci dit, j'ai visionné la faena du rabo...euh, c'est dacquoizote en diable ! mais quelle laideur événementielle. ah oui, le double, le triple, le quadruple toque. bon, peut-être mais c'est même pas la première dimension. moi,je dis.
ni au coeur, ni à la tête, dis-tu. oui, c'est ça aussi.
je t'embrasse.

ludo

Bernard a dit…

Chulo ami,

Ton texte dit si bien, y compris dans son ton mesuré et presque retenu, combien tu as été heureux!... Et grand merci de m'avoir fait récipiendaire de ce bonheur - un peu comme un brindis... Alors, pour une fois - et foin des "imprécateurs", je ne ferai pas la fine bouche a priori sur le "toro de Dax" - pour ne pas entacher ton bonheur... Oui, vraiment, je suis simplement heureux que tu ais été heureux (même sans nous!)...

Prends soin de toi - Bernard "largo campo"

PS: dis donc Marc, Chulo - dans son grand âge - a bien le droit de trouver Marie Sara a son goût!...

Anonyme a dit…

Senor Txulo,
C'est en mai 1987 ! que nous "apparaissait" nocturnement,par intermittence,en pénitence!,en souffrance et en Majesté,LE TORO de VIC dans le Somosierra-Express..WHAAOUHH !
C'est ce 12 sept 2010,Chez Vous,que la grace d'une lidia parfaite vous a beaucoup touché,de meme que "l'apparition de Marie au couloir"...que du Boni!
Quand à votre propre ré-aparicion,c'est elle.. qui m'a touché
Que viva MORANTE......Juli,Cid y Victoriano !
Abrazissimo de peio.

Xavier KLEIN a dit…

Cher Chulo,
Comme je te l’ai confié après la corrida, à nos âges avancés, il faut prendre son plaisir où il se trouve et se satisfaire de toute opportunité.
Et surtout faire fi des «peine à jouir», ceux qui se refusent à l’érection et encore plus à l’éjaculation au motif que la dame avait une poil rebelle ici, une ride là, ou qu’un petit pet charmant est venu égayer l’étreinte.
Ce préambule érotico-taurin étant posé, pourquoi discuter les émois de ton œil de poète devant les charmes de la Blonde des Costières, tout est affaire d’instantanéité, d’une lumière qui fuse, d’une mèche qui volette.
Certes sur la table de dissection d’un critique taurin, il y aurait beaucoup à redire, surtout à ces toritos trop bonasses et collaborateurs, qui ne correspondent en rien à l’idée qu’on peut entretenir de toros de COMBAT. Mais peu importe, il s’agissait dimanche de la garden-party de l’Elysée, pas d’une croupionnade, de la guerre en dentelles, pas de la tranchée des baïonnettes.
Ou l’on s’y trouve et l’on goûte son plaisir, ou l’on ne s’y rend pas.
Dans le style la journée était parfaite.
Tu as tout dit, de l’alegria et de la maîtrise absolue d’un Juli au summum de sa technique (mis à part les julipies à son second) et surtout de Morante et de l’accession au sublime, surtout dans cette ultime série de naturelles de face telles qu’on en voit plus. Et que dire de l’estocade al encuentro! C’est surtout cela qui m’a transporté.
Du reste, de l’hémorragie pavillonnaire ou queutière, des vueltas à des bestioles d’une noblesse imbécilissime et monopiquées, pourquoi s’émouvoir? On savait que ce serait au programme. L’excès, pour autant, devait-il nous faire oublier l’essentiel des moments de grâce.
J’étais heureux pour toi dans mon balconcillo…

Marc Delon a dit…

et moi, de débattre de son sens esthétique j'ai pas le droit ?