La prise de position de l'OCT via son Président, a provoqué chez moi une réaction de dégoût égale à celle qu'avait provoquée ma lecture de l'immonde « Temps de Franco » de Michel del Castillo. Et ce n'est pas peu dire, quoique faisant trop d'honneur à l'un et à l'autre.
Que L'OCT s'engage ainsi aux côtés du PP en pré campagne électorale espagnole, est son problème, bien qu'il engagerait, en toute rigueur ainsi, les aficionados français, que prétendument il représente, et que donc, il est sensé avoir consultés. Mais que dans la foulée il prenne une position, c'est de l'OCT dont je parle, plus que contestable sur le devoir de mémoire espagnol aussi me paraît, toujours au nom des aficionados français détestable et franchement condamnable. En tous cas, de mon point de vue, faisant cela, il prend un risque considérable vis à vis de ceux qu'il considère très abusivement comme sa chair à canon et dont il prétend détenir une légitimité qui du coup, est encore plus qu'usurpée, si cela était possible. Mais à l'évidence, nous sommes dans un mouvement purement sectaire, de senoritos « made in france».
Je vais tenter de m'en expliquer. Ceci permettra également de clarifier mon opinion, ou plutôt, mon sentiment, vis à vis de ma chère Maja Lola, ce qui, en définitive, est infiniment plus important à mes yeux, pour une question de Qis comparés. La comparaison étant très à l'avantage de Maja Lola. J'annonce par avance que ce sera un peu long, mais je ne vois pas comment le sujet pourrait se prêter à simplification, ou être traité par voie seulement et haineusement polémique, façon OCT, en une phrase irresponsable ou « insensée », pour le coup, de son incontinent et aujourd'hui triomphant Président.
Avant toutes choses il me paraît important de s'affranchir de certains stéréotypes appliqués à l'Espagne. Par exemple, les foules qui rejoignirent Franco, ne sont pas toutes constituées de fascistes ou de crétins. Il en fut beaucoup qui furent effrayées par les velléités réformatrices de Azana et de la seconde République. Ce ventre mou étant manipulé par les pouvoirs institutionnels, l'Église et l'Armée. Or Azana n'avait les moyens ni financiers ni humains de parvenir à ses fins. Les républicains, au sens large, et encore moins le PSOE, n'étaient ni unis, ni même cohérents, et les communistes ne constituaient nullement un péril, pas plus d'ailleurs que les maçons.
C'est bien le scandaleux pacte de non intervention, imposé par les Anglo saxons qui a d'une certaine façon « contraint » les républicains à se tourner vers les Russes pour obtenir, à prix exorbitant d' or, c' est le cas de le dire, des armes. Franco a obtenu, lui, de façon immédiate l'aide des fascistes Allemands et Italiens, qu'il remboursa jusqu'en 1965, ce qui lui permit, alors que la République était totalement désorganisée et divisée sur la marche à suivre, de procéder au déploiement des troupes marocaines, (légion et troupes marocaines) qui jouèrent un rôle si brutal et déterminant lors de la marche sur Madrid, pendant que Mola, faisait le « travail » au Nord, avec ses « requetes », prêts depuis belles lunes à en découdre, et parfaitement bien entrainés avec l'aide « discrète » de Mussolini.
Dès le mois d'Aout 1936, l'Église s'était déterminée en faveur de la rébellion, l'assimilant à une « Croisade » et ne cessa plus d'appuyer le Mouvement. Notons, que dès sa fondation dans les années 30, la Phalange de Jose Antonio Primo de Rivera employait couramment dans son organe de presse FE comme « Falange Espanola » le terme « croisade » et justifiait l'emploi de la force « légitime ». La phalange était authentiquement fasciste et le revendiquait, bien que son orientation catholique intégriste était quelque peu antinomique.
On avait auparavant « inventé » un complot communiste, sur la base de 3 documents secrets qui firent référence pour l'Église elle même, et auquel, le trop souvent maladroit et peu perspicace Madariaga, se laissa prendre. Or Southworth démontra avec brio dans son « Mythe de la Croisade de Franco », qu'il s'agissait de faux, ce que plus personne ne discute actuellement. De plus, à cette époque, le credo des communistes était de faire alliance avec les « bourgeois » républicains de gauche, afin de s 'implanter. On peut penser qu'il s'agissait d'une stratégie du « Cheval de Troie », inspirée de celle employée lors du front populaire de Blum, mais surtout, ce fut de fait sur les communistes que reposa la lourde tâche de constituer une armée de la République.
La stratégie de « Gagner la guerre pour faire la Révolution » s'opposait à celle, qui s'avéra désastreuse des anarchistes, de « faire la Révolution pour gagner la Guerre », et devait conduire aux événements tout aussi désastreux de Barcelone, mi 1937, qui vit des affrontements entre républicains, provoqua la chute de Largo Caballero, et la stratégie de résistance à l'extrême défendue par Negrin, totalement dépendant des communistes, à l'intérieur comme à l'extérieur, pour durer, et avec les risques d'embrasement généralisé tenter d'obtenir une médiation en particulier des français et des anglo saxons. Mais, avec la chute du Nord de l'Espagne, et ses ressources minières, excitant en particulier l'intérêt de Hitler, pour sécuriser son effort guerrier, s'ajoutant au fait que le territoire des rebelles regroupait la quasi totalité des ressources agricoles du pays, la messe était dite déjà, quant à l'issue de la Guerre.
Au mois de Novembre 1936, toujours, l'attaque sur Madrid fut un fiasco quasi « miraculeux » des rebelles, en grande partie grâce à l'arrivée toute récente des armes russes performantes (fin Octobre 1936), chars et avions, à l'impact psychologique de l'engagement des « Brigades Internationales », mais surtout au fait que les Républicains avaient pu avoir tous les détails des plans de l'attaque des insurgés. Tellement miraculeux d'ailleurs, que le gouvernement s'était au préalable, évadé à Valence, laissant la défense de Madrid, aux mains des communistes ou des ex jeunesses du PSOE ralliées au communisme, des anarchistes et de Miaja.
L'insurrection des généraux rebelles contre la République était devenue une Guerre, dont l'issue échappait de fait aux espagnols eux mêmes, puisqu'elle dépendait pour l'un et l'autre camp de ces soutiens étrangers, aux seuls profits, in fine, du camp franquiste, de la phalange et du clergé, ce dernier, bien décidé, contre sa bénédiction inespérée, à en tirer les avantages maximum, ce qui fut le cas. Ainsi naquit cet étrange régime dictatorial parfaitement défini par « national -catholicisme », dominé par la branche ultra du catholicisme via le très florissant Opus Dei, né en 1928, ce qui pourrait avoir son importance.
Définition, qui de fait, aurait tendance à le différencier d'un fascisme traditionnel, par essence athée. Cette particularité est largement exploitée par les historiens « révisionnistes », dans l'inutile et interminable débat visant à savoir si le régime franquiste était ou non fasciste. Ou fascisant ou « fascistoide », ou autoritaire, ou même paternaliste, mais oui, tout le monde étant de fait plutôt d'accord sur l'appellation de dictature. Certains allant même jusqu'à affirmer qu'il « s'était joué » de Hitler, ce que démentent toutes les études sérieuses, y compris de Payne, pourtant rallié à la cause « révisionniste » précitée de Pio Moa, auteur de chevet dit t'on de l'estimable Aznar, idole de l'OCT, via son déviant et très inconséquent Président.
Voilà donc, Franco a gagné « sa » Guerre, « sa Croisade ». Immédiatement, le Vatican le salue comme un sauveur du catholicisme. Dans la foulée, profitant de la confusion de la seconde Guerre Mondiale, il apure, torture, garrote, emprisonne, spolie, envoie dans des camps de travail ou de rééducation, « promène », gélifiant l'Espagne dans une gangue de haine vindicative pour les vainqueurs, de silence terrorisé pour les vaincus. On est loin d'en avoir fini avec le décompte de ces victimes oubliées. C'est qu'il faut extirper, après avoir fait inutilement durer la guerre, le venin « maçon, anarchiste et communiste » de la Nation. Nul mieux que le très modéré Javier Tusell n'a décrit les mécanismes intimes de « la dictatura de Franco », et j'en conseille la lecture à l'omniscient Président de l'OCT. Il poursuit sa stratégie de rouleau compresseur, lent et implacable, conforme à son désir d'être plus intéressé par les « âmes » que par les « territoires », la seconde Guerre Mondiale lui assurant une totale impunité.
Cette lenteur, quasi pathologique, pure « gallega » pendant la Guerre d'Espagne, exaspérait souvent aussi bien les italiens que les allemands, pour des raisons différentes. Ce fut donc tout aussi méthodiquement, jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, qu'il poursuivit son œuvre rédemptrice. L'ignoble loi des Responsabilités lui permettant, sans limitation de temps, de poursuivre ceux qui s'étaient compromis avec la République et de les envoyer au garrot vil ou devant un peloton d'exécution, jusques et y compris à la fin calamiteuse de son « règne », dominée par le « bunker », autour de son gendre et de sa femme.
Agonisant, dévasté, après avoir été très diminué, depuis des années par la maladie de Parkinson, le dernier 1e Octobre qu'il présida, il trouva la force de vomir sa haine des maçons, anarchistes et communistes. Derrière lui, Carmen Polo riait de toutes ses grandes dents. L'attendait une mort terrible quand son corps littéralement implosa en de multiples hémorragies, et qu'on tenta de façon inhumaine de le maintenir, au moins jusqu'au renouvellement des Cortes. C'est Nuneca, sa fille, et probablement, avec sa mère, la seule personne qu'il aima, autre que lui, dès qu'il eût la certitude d'être investi d'une mission divine, qui imposa qu'on cesse les opérations, transfusions etc....... « C'est dur de mourir » dit t'il, lui qui avait envoyé tant de monde à la mort. Il y avait du sang jusque sur les murs de sa chambre.
L'Eglise espagnole avait demandé dès la fin de la Guerre Civile, que de nombreux ecclésiastiques, victimes du camp républicain, soient béatifiés. Le Pape Pie XII, compte tenu des chutes de Hitler et de Mussolini, et du ressentiment des alliés vis à vis de l'attitude de l'Espagne durant la seconde guerre mondiale, avait préféré ne pas s 'engager sur cette voie.
Ce point mérite une incise. Parmi les lieux communs en vogue sur la Guerre d'Espagne, il en est un autre qui glorifie exagérément le camp républicain. A tel point qu'émettre certaines réserves pourrait vous faire basculer dans le camps des « fascistes » ou des « révisionnistes ». Pourtant, la République, « la chica bonita » a commis bien des erreurs. Incapable de se fédérer autour des républicains de gauche de Azana, le plus brillant de tous, elle dut subir de 1931 à 1933 les assauts de la CNT anarchiste qui nuisirent tant à sa fragile unité. Elle eut bien plus, in fine, à souffrir des émeutes du type Casas Viejas, pourtant de peu d'ampleur, relativement, que par exemple du soulèvement militaire de Sanjurjo. Elle finit par être accusée par la droite de ne pas être capable de maintenir l'ordre, par la gauche extrême de jouer contre le peuple. Paradoxal!
Elle mit en chantier dès 31 d'immenses chantiers, tels que la rédaction d'une Constitution qui laïcisait l'État, la séparation de l'Église et de l'État donc, l'interdiction de certains ordres religieux tels que les Jésuites, l'arrêt des financements de l'Église, la construction d'une École Publique forte et laïque, mais aussi, une tentative de reforme agraire, une réforme massive de l'armée surnuméraire en officialité jusqu'à la caricature, mais aussi les autonomies et le droit de vote aux femmes, bien avant qu'il ne soit accordé en France. Azana était persuadé que c'était d'une démocratie moderne dont l'Espagne avait besoin pour sortir de son marasme, démocratie à l'image de la française qu'il admirait.
Les trois qu'il put vraiment mener à bien furent celle des autonomies, la séparation de l'Église et de l'État et la refonte de l'Armée. Le vaste programme de laïcisation de l'Enseignement ne put pas être réalisé aussi bien qu'il eût été souhaitable, faute de moyens financiers mais aussi de compétences humaines. De plus, l'attente des syndicats était immense et l'UGT et la CNT firent une surenchère révolutionnaire absurde, tandis que les Cortes faisaient obstacle aux réformes emblématiques agraire et religieuse.
L'attitude absurde de Largo Caballero en concurrence avec Prieto favorable à un rapprochement du PSOE avec les républicains de Azana, favorisa l'émergence de la CEDA en 33, qui surfa également sur le ressentiment des militaires, la guerre déclarée à la République par la hiérarchie catholique, dans lequel le très habile Gil Robles avait réussi à fédérer ces catholiques y compris modérés, effrayés à la foi par la réforme de l'Eglise et la réforme agraire. Le dé tricotage des réformes du deux premières années favorisèrent des pulsions révolutionnaires chez Largo Caballero et même chez Prieto, mais pour des raisons différentes. Largo Caballero, au fond « possibiliste » et réformateur, il l'avait prouvé en collaborant avec Primo de Rivera, cherchait surtout à surenchérir, ce qui était obsessionnel chez lui, sur la très radicale CNT. Ceci donna la révolution manquée de 1934, faute de préparation, qui se développa uniquement dans les Asturies, après avoir assez lamentablement échoué à Madrid et Barcelone et donna lieu à une répression terrible, par les troupes marocaines de Franco, qui augurait de ce que serait la Guerre Civile.
A l'exception de Vidal y Barraguer, qui cherchait une voie de négociation ou de Concordat avec la République, dès le départ, la totalité de la hiérarchie catholique, et ce malgré également, de timides exhortations à la modération de la part du Vatican, s'était positionnée en opposition absolue, organisant aussi des évasions de capitaux, (Segura).
Pour sauver l'UGT, Largo Caballero avait nié toute participation aux événements des Asturies, laissant, par la suite, le champ libre aux communistes, qui avaient été, faute de moyens et de représentativité, peu actifs dans cette affaire. Leur propagande devait par la suite largement utiliser cet argument.
Azana, emprisonné reçut des milliers de lettres lui disant la confiance que tout un peuple portait en lui. Libéré, faute de preuves, il s'acharna, de meeting en meeting, à rebâtir une union des forces de gauche, avec l'aide de Prieto, réfugié à Paris après sa malencontreuse histoire d'importation d'armes. Ceci donna le « Front Populaire » espagnol, que Largo Caballero soutenait du bout des lèvres, tout en précisant qu'il ne participerait pas à un gouvernement de centre gauche. Ce qu'il fit, dès que le Front Populaire eût gagné les élections de Février 1936.
La suite fut un engrenage assez effrayant, entre les affrontements syndicaux, les provocations phalangistes, et cette rébellion qui se préparait et que tout le monde connaissait. Mais les gens de gauche conservaient le souvenir de la ridicule Sanjurjada et en étaient venus, peut être, pour certains, à souhaiter l'affrontement pour le mater et repartir sur des bases plus saines. Le parti communiste avait absorbé les Jeunesses Socialistes, et Largo Caballero, avec sa finesse politique habituelle, y voyait plutôt un triomphe du PSOE.
Mola, le Directeur préparait assez sereinement la rébellion, en fixant les principes d'une répression très dure pour annihiler les velléités « révolutionnaires » des « izquierdas ». Franco qui n'appréciait guère Sanjurjo et se méfiait de Mola se faisait tirer l'oreille jusqu'à ce que Calvo Sotello ne soit assassiné, en réponse à un autre assassinat de la Phalange. En fait, c'était Gil Robles qui était visé, mais comme il était absent, on s'est rabattu sur Calvo Sotello.
Le 17 Juillet 1936 les militaires passaient à l'action.
A suivre, peut être!!!!
3 commentaires:
J’admire la passion et l’érudition, le souci du vrai pour donner à l’Histoire son statut de science exacte. Mais malgré ces faits indubitables, on sait qu’en profondeur, les mentalités évoluent très lentement et subsistent plein de stéréotypes que les groupes sociaux entretiennent les uns sur les autres.
Gina
Très intéressant texte, Chulo. Sans entrer dans des sensibilités politiques, cette analyse éclaire avec précision sur les éléments, évènements, hasards qui ont permis l'explosion dramatique de ce conflit. Tu expliques bien la complexité et de ces évènements et de ses nombreux acteurs (volontaires ou pas) et du tissu politique extrêment mouvant de l'époque.
Mais je m'attarde sur la "cruzada" franquista qui fut en effet la justification et la mission suprême dont se para Franco. Il est d'ailleurs important de rappeler que ce dernier y associa environ 100 000 soldats marocains recrutés dans le Protectorat du Nord sahara. Après une histoire marquée par 8 siècles d'occupation musulmane, voilà que revenait dans ces temps troublés "el odio al moro". Je ne m'attarde pas sur les exactions commises par ces hommes "conditionnés" par l'armée franquiste et qui firent régner une terreur parmi la population civile encore dans bien des mémoires. Des musulmans pour soutenir la "croisade" de Franco ! Quel paradoxe ? Non. Oportunisme calculateur, nécessité de troupes maléables auxquelles on promettait des "babouches en or". Une fois la guerre gagnée, Franco les renvoya (ceux qui avaient survécu) sans ménagement, vers l'oubli et la misère.
Bien au-delà de la politique, des conflits militaires et religieux, il doit y avoir d’autres façons de voir l’Histoire de l’Espagne, à commencer par les rituels tauromachiques, les comportements des gens, des couples, de la femme. On attend une suite...
Je vous signale Chulo, pour changer de sujet, ce que vous devez savoir, c'est que Richard Ford écrit des souvenirs sur Ray Carver dans Le Coeur sous la main qui paraît aux éditions de l'Olivier.
Gina
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