Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

lundi 1 novembre 2010

Ce duende qu'on assassine

Nous étions, autant le dire, voisins, Federico.

Nous avions choisi un hôtel sur les conseils éclairés de Carmen, la comtesse du papier bulle, la Condesa de Estraza de « Pezon a Rabo », et del Senor Carbonell, le « Caballero Negro » qui y prend ses quartiers pour la San Isidro et visite aussi Vic, dans la rue Ventura de la Vega, parallèle à Etchegarray, à 150 mètres de la Plaza Santa Ana.

Angel, le vaillant « Coronel », celui de la « Trinchera de Paracuellos », nous attendait avec Maria Luisa, son épouse, à l'aéroport. Nous n'eûmes pas besoin de sa pancarte « Chulo » pour nous reconnaître. Abrazos y besos. Madrid baignait dans un soleil matinal un peu froid et une lumière limpide. Un coup d'œil au panneau Paracuellos sur la voie rapide, c'est ici que vivent Angel et Maria Luisa. Ils savent ma passion pour la Guerre d'Espagne. Moi, ce nom de Paracuellos, Federico, me file la chair de poule. J'en parlerai ailleurs, dans la suite de « Saints et Maudits ». Angel me précise qu'il est né dans le quartier de Las Ventas. L'un et l'autre sortent une cigarette en précisant qu'on peut fumer dans la voiture.

L 'hôtel est très propre spacieux et simple, un excellent rapport prix performance pour l'endroit, si on aime prendre son petit déjeuner très tôt, dans un bar de la « calle del Leon » par exemple. Pour les autres, s'amener une bouilloire et quelques biscuits. On peut y fumer et actionner une machine à café, qui fonctionne, normalement. Le temps de poser les valises et direction « la Venencia », dans la calle Etchegarray où nous retrouverons la grande Carmen. C'est elle qui a choisi l'endroit. Tu as dû le connaître Federico, et rien n'a changé. C'est petit, enfumé, intestin et sombre. Une « barra » antique, des barriques de fino. Au fond, une minuscule salle à laquelle on accède par un petit escalier de 3 ou 4 marches. Carmen nous a rejoints presque à l'heure, préoccupée par la santé de sa mère. Besos et rires. Angel l'appelle « Amor mio », ce qui fait sourire Maria Luisa et étonne Mathilde qui me demande si elle a bien compris: l'espagnol déferle en tsunami, la submerge et elle mesure tout ce qu'il lui reste à apprendre après un an de Collège.

Ici, tu le sais, à la « Venencia » si tu n'apprécies pas le fino, tu as le choix entre rien et l'eau du robinet, excellente nous dit t'on à Madrid. Je ne suis pas un amateur de fino, mais l'eau du robinet, fût t'elle de Madrid, je ne peux pas. Donc, ce sera du fino! Nous nous sommes assis à une petite table carrée autour de laquelle, selon Carmen se tenait la plus prestigieuse « tertulia taurina » de Madrid. Elle nous parle de Navalon, de Dominguin, de Manolete, de la Lupe, de Bienvenida, d'Ordonez, de Vidal, d'Antonete, de Curro Vasquez, de Morante, de Jose Tomas qu'elle vénère malgré une fâcherie avec son « mozo de espada » de frère. Elle m'en explique la raison que je ne saisis pas. Je soupçonne la dame d'avoir la fâcherie prompte et épidermique. Nous disons beaucoup de mal de Manzanares père, qui selon eux annonçait Ponce, de la ruine taurine de Las Ventas et du « tendido 7 » actuel qui ne ressemble plus à rien et serait selon elle un repaire de bandits du « lobby ». Elle me reproche de tant m'intéresser aux encastes, car selon elle toujours, nul ne sait ce que font les ganaderos sinon des « putadas » permanentes et que tout est maintenant pareil.

Carmen parle comme elle écrit, une langue tranchante, flamenca, difficile, sophistiquée, torrentielle et très imagée. Angel parle un beau castellano, très clair, fluide, d'une voix lente, posée et nicotinisée. C'est aussi un expert en flamenco. Ses yeux rient quand Carmen exagère, c'est à dire en permanence. Évocation rapide du passage de la corrida à la Culture, « pffffffff » dit Angel, Carmen ne veut même pas en parler, sinon pour préciser qu'en général les toreros actuels et agissants dans l'affaire sont analphabètes. Ils sont tous deux « rojos » vifs et la sémillante Esperanza Aguirre, l'égérie PP du Dédé, en prend pour son grade. Du miel Federico, du miel et du fino!

Le fino, celui qu'ils ont commandé, peut être le seul qui existait ici, ça te donne une fermeté au cœur de l'amour, et une mollesse au temps qui passe. Comme si le temps s'arrêtait à tes lèvres, dans un baiser ou un rire d'une femme qui aurait envie d'ailleurs. Çà sentait la sueur du vin macéré dans les fûts et les fragrances «  de noir jésus » de l'air brassé aux envolées de la robe de la flamenca ruisselante possédée d'antan.

Et ces mots, Federico, les tiens, comme les sons noirs du flamenco, les seuls qui aient du duende.

Il faudra Federico que je termine mon Saints et Maudits, comme une dette maintenant envers Carmen et Angel, et, en plus tout se précipite un peu à mon sens. Rajoy se lance dans une campagne contre la mariage homosexuel, et contre l'avortement, dans le sillage de l'Opus Déiste Pape Benoit, qui ,lui, en a mis une couche honteuse au Brésil. Mais avec l'Espagne, le continent américain, nord et sud sont les terrains de jeux favoris de l'Opus, avec comme toujours la CIA. Parfois la réalité dépasse la fiction!

Pour l'heure j'ai déambulé dans les ruelles et venelles suivant le pas ferme de Carmen. J'étais chargé d'une mission et nous avons écumé les parfumeries dont une ancienne qui appartiendrait à la sœur de la Lupe en quête de Varon Dandy, puis les magasins de photos antiques et même le Rastro et un vendeur de la Plaza Mayor, mais aussi des magasins de bondieuseries en quête d'une Macarena kitch. A chaque pas une anecdote et omniprésent, Perez Galdos. Ici une porte dont il parle avec au dessus l 'appartement de Simon Casas, ici la Posada del Peine, étroit et tout en hauteur. Voir la Condesa dans un magasin de bondieuseries ça vaut aussi son pesant de fino,

Federico! Simon, elle dit qu'elle l'a connu de maletilla, brillant et séducteur. Elle a de l'amitié pour lui. Pour ces temps là. Elle est gitana et ne renonce jamais à l'amitié. Elle me dit qu'il est à l'agonie, au moins financièrement, et qu'elle l'a aidé pour le contact de Abou Dhabi très prometteur en trésorerie, et sa seule justification. Dios mio , donde andamos condesa!

Alors Federico, lorsque cette nuit, alors que je m'apprêtais à « aprovechar », j'ai vu cette meringue blanche qu'était devenu l'Hotel Victoria, de ce blanc insultant et monumental neo fasciste de Cibeles, dégoulinant de lueurs mauve violette et bleutées, je me suis dit que nous étions tous morts. Moi j'attendais encore une façade trouble, et peut être aux fenêtres quelque toreros qui iraient de juelga. C'est blanc comme l'ennui, laid comme l'insulte, triste comme l'oubli.

En plus, à la « Cerveceria Alemana », on ne peut plus fumer et comme dit l'indéchiffrable Carmen «  Aqui huele a Dominguin ». J'ai pensé au théatre en face de toi, Federico, où ils jouèrent une pièce de Ignacio Sanchez Mejias, le 12 Octobre de 1933, dont il était, pour le livret producteur et auteur. La musique était de Manuel de Falla, et la chorégraphie de « La Argentina ».C'est ce théâtre que tu regardes Federico, tournant le dos à la meringue hideuse et dégoulinante.










J'espère Federico que l'oiseau te rejoint toujours au cœur de tes paumes. Je pense hélas qu'il est parti ou partira pour toujours.

16 commentaires:

Maja Lola a dit…

Quelles illusions devaient t'étreindre, Chulo, à l'approche de cette rencontre avec ces êtres mythiques que tu affectionnes tant via le blog. La Condesa de Estraza, El Coronel ... Tout un monde d'illusion, de passion, de rêve que tu pouvais enfin rencontrer. Mettre des visages, entendre les timbres de voix ... j'imagine que cet instant a dû être très fort pour toi.
Les mots que tu emploies pour décrire ces moments, ces sensations et cette complicité avec Federico (TON Federico) sont justes, beaux, touchants. Car oui, il était bien là, fil conducteur de ton pèlerinage madrilène.
En filigranne, dans ton texte, on sent ton coeur battre et ta gorge se serrer. Menos mal que el fino lo suaviza todo !
Car à travers cette escapade que tu nous fais généreusement partager, j'y décèle beaucoup de nostalgie malgré la présence forte et enjouée de tes amis. Un titre me vient à l'esprit :
"Andanzas por ilusiones perdidas".
Pero Federico siempre vive, querido Chulo. Diga quien diga, pase lo que pase.
Merci pour ce beau texte qui m'a parfumé les narines d'effluves de Varon Dandy.

Anonyme a dit…

Dur de voir que le temps se rit de nos nostalgies ! Ca nous vaut un beau compte rendu concis et pittoresque, de belles photos, (que signifie donc la première ?)
Pourtant le week-end avec ses rencontres, l’importance des conversations, les balades et les boutiques, (et Mathilde qui, comme nous, se promène à vos côtés) a l’air très réussi même sans le fino qui fait virevolter la phrase dans «…l’air brassé aux envolées de la robe… »
Qu’est-ce donc qu’une « macarena » ?

el chulo a dit…

Merci mesdames pour vos visites et commentaires toujours trop bienveillants. Gina je vous ai bien reconnue.

Je ne m'explique pas très bien la première photo sinon que Mathilde a voulu que je la prenne Puerta del Sol.

En fait elle doit illustrer l'impression que j'ai eue de Madrid, de tromperie, avec ces avenues pompeuses et dès qu'on les quitte des petites rues où palpite encore le Madrid fragile et en grand péril, celui del Gallo, qu'on s'attend à voir avec son puro et son éternel café.

La Macarena est une vierge andalouse. Je cherchais une image très kitch, pour un ami. Ce fut, curieusemet mission impossible.

Anonyme a dit…

Chulo, désolée d'avoir vraiment oublié de signer. Merci des renseignements. Continuez à vivre de ce beau week-end, preuve qu'on n'est jamais pareil quand on rentre de quelque part.
GINA

Maja Lola a dit…

Sans vouloir désacraliser la mythique Macarena andalouse, petit clin d'oeil : en langage argotique et picaresque "las macarenas" désignent (aussi) les seins des femmes. Voués à la nourriture de la prime enfance et aux fins plaisirs de la chair, la vierge andalouse de s'en offusquera pas !

el chulo a dit…

Loin de moi l'idée de la sacraliser, tu dois t'en douter, Maja!

Mais je cherchais une image noire et blanche, antique, comme dit Carmen, "con mierdas de moscas", qu'on trouvait partout, dans tous les commerces ou appartements. C'était une commande que je n'ai pas su honorer, "me cago en la madre"!


D'où cette excursion dans les multiples magasins à bondieuseries, dont les plus luxueuses détenues par l'Opus, tu sais, Maja, "travailler plus pour gagner plus".

Dios Mio! u Vuesto! mejor dicho!

Maja Lola a dit…

Ah, bien sûr, là tu es trop exigeant. De l'authentique, du kitchissime, avec "mierdas de moscas y todo" ! A part au Rastro (et encore ..). Ne perds pas espoir pour honorer ta commande. Ces choses-là se trouvent quand on ne les cherche pas : en una arca de abuela ou dans un carton à chaussures débordant de photos jaunies. Avis aux lecteurs de ton blog. Quien sabe, Dios Mio (y no tuyo, por supuesto) !

el chulo a dit…

même pas au Rastro, magnifique Maja, où de plus j'ai succombé à une crise agoraphobie.

Carmen m'a dit avoir una macarena en luto, noire pour la mort de Joselito. Tout ceci n'est pas si simple ni certain.

Tu comprendras bien que ce qu'on trouve en magasins, "propet", net, et très laid pourtant, n'arrive pas à la cheville de ma recherche.

un beso para ti, magnifica persona

Marc Delon a dit…

Hola Chulo, alors comme ça tu descends à "mon" hôtel ? l'hôtel Lisboa, simple, spacieux et modique, avec armoire à glace comprise ?

el chulo a dit…

le monde est petit!

pedrito a dit…

J'avais trouvé - pour ma petite princesse madiranaise "Fafanouchka", et à sa demande-, une virgen de la macarena à Grenade.

¡Pero sin mierdas de moscas!

Merci, Maja Lola, pour tes précieuses lumières sur ce que j'ignorais des macarenas: entre sainteté et seins tétés, pas l'ombre d'une hésitation.

Seuls les seconds me conduisent au ciel.

Saludos

Maja Lola a dit…

De nada, Pedrito.
Et que tes transports vers le ciel te comblent de bonheur y de gozo, hombre.
Saludos

Marc Delon a dit…

Ouh mais c'est que ça devient chaud ici... il est vrai que las macarenas n'ont en terme de consistance pas d'équivalent, tout simplement. Dire que tous les saints se privent des "jouets de papa"... la pauvreté encore je comprends mais la négation de l'adoration pectorale... c'est inhumain.

Maja Lola a dit…

D'accord avec toi Marcos. Mais je ne suis pas sûre que tous les "saints" se privent de l'adoration pectorale. Si tu connais la célèbre chanson mexicaine "Cielito lindo", il existe une strophe inédite et cachée qui se chante parfois en fin de repas, entre la poire et le fromage et qui dit :
"Un fraile y una mulata
Cielito lindo dormian juntos
Porque le tenian miedo
Cielito lindo
A los difuntos"
Comme quoi, la chair est faible et les consolations nécessaires. Surtout sous certaines latitudes...

El Coronel a dit…

Por fin Chulo, puedo tener algo de tiempo para entrar en tu blog y despues de largas traducciones (horribles en el traductor Google) leo lo que has escrito de Madrid, "mi Madrid".
Me gusta que metas a federico en esto, puesto que siempre debe estar presente entre nosotros.
Muy descriptivo tu relato, sobre todo la explicacion de La Venecia. ¡cuanta decadencia encierra esa tasca! pero...¡cuanto sabor contiene!.
Ha sido un verdadero placer estar juntos con tu familia y hablar de "nuestras cosas" mientras bebemos vino fino y manzanilla. Lo que habia.
Bonitas fotso.
Un fuerte abrazo
Pd. Interesante Maja Lola, ya comentamso sobre ella (siempre bien) en Madrid ¿recuerdas?

el chulo a dit…

Amigo et querido angel,

ya sabes cual placer es contarte como amigo mio, y tambien pensar sin dudarlo ni un instante que soy amigo tuyo.

ya se tambien, porque un amigo mio me lo dijo, que en la venencia se bebe,por supuesto "manzanilla" y no "fino". pero vaya, sabemos tu y yo que podemos dudar de todo lo que sale de los chiqueros.Ademas, no conozco ni entiendo nada a estos vinos. Perdon, flamenco de madriz!

gracias por visitarme aqui, en mi barra, amigo coro, y vamos, por que no, animo, un beso y un brindis a "nuestra" carmen.

un beso a Maria Luisa.