Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

jeudi 27 janvier 2011

Musicalité

Ils nous avaient réunis, les heureux parents à « La Chapelle de l’Hôpital » pour « l'évaluation » de guitare. Trois mois d'une demi heure de cours par semaine, plus une heure de solfège tout aussi hebdomadaire.
Cette chapelle, je ne la connaissais pas du tout. Petite, toute dorée, ramassée comme un cœur prêt à palpiter.
Mathilde avait répété ses 5 lignes, avec un dièse perfide, et un bémol faux cul, et même un bécarre inqualifiable.
Assez sûre d'elle tout de même, elle avait convié son amie à venir l'assister.
Au chœur de la petite chapelle, une chaise type cuisine formica et un repose pied. Un peu glaçant. Comme aller au sacrifice.
Lui, le chef récupérait les brebis égarées, venez disait t'il c'est par ici. Je n'étais pas le seul à ignorer ce lieu de solitude habitée. Tu vas bien?  lui dis je? Oui, et toi? Pas trop le trac? Je n'ai pas voulu faire le niais, j'ai dit, non non, comme ça. Pourquoi ici? Ai je ajouté. L’acoustique il m'a dit, tu verras.
A Dax nous avons un lieu d’acoustique parfaite: L’Atrium. C'est à dire plus que parfaite: qui fait monter au ciel une voix bien placée, dans le cristal des aigus et les moires des graves, ou pleurer une corde isolée comme un hoquet, ou s'emplir du gras sonore de ce cuivre qui n'aurait pas oublié sa chair, au profit du vacarme.
Le professeur est barbu et jeune, et en attendant, j'entendais que dans ce qui devait être une espèce de sacristie, il accordait les instruments. La chapelle s’apprêtait à vibrer. « Scontch », celui ci est faux, « tong » tiens ça s'arrange. Et l'enfant ressortait du sas avec une mine réjouie.
Bon, on commence il a dit le « jefe » après avoir remercié les parents de leur présence.
Ils sont passés l'un après l'autre. Sur la chaise, au choeur de la chapelle, avec leur cœur qui tombait dans leur instrument.
Le petit prof suivait chaque note, assis près des instruments déposés, à même le sol. Sur son visage, chaque altération, manque de rythme ou fausseté. Il y en eut peu en fait.
Le « jefe » notait en battant doucement la mesure. A tous, il dit que c'était bien. Ici, on ne cherche pas à décourager, c'est aussi, que plus ou moins, la musique est une rencontre plus ou moins tardive avec soi même.
Et puis bien sûr, découverte terrible pour moi qui fus un besogneux du clavier, chez deux ou trois, cette évidence terrible de la musicalité, de cette liaison mystérieuse entre les notes, et du son que cette morpionne de chapelle grandissait.
Ainsi donc, le petit garçon un peu tendu, ma Mathilde et la petite rigolarde qui passa en dernier disaient quelque chose d'autre ou d'eux.
Lui le « jefe » leur dit que c'était très bien, mais de ne pas se replier sur leur instrument et que lorsqu'on faisait de la musique, on s'offrait. Ole!

5 commentaires:

pedrito a dit…

Ce n'est pas du tout le même registre que les saints et maudits. Il ne lui ressemble en rien, mais la lecture est tout aussi plaisante, avec ce talent maintenant familier du conteur, qui me ferait penser à Victor Hugo.
Parlant de sa Jeanne....Adios, Chulo

el chulo a dit…

outch, comme tu y vas pedrito!
c'est vrai que ça me change du propagandiste attitré du PP, notre Dede, et de saints et maudits qui me demande pas mal de travail de synthèse.
abrazo!

Anonyme a dit…

Comme si on y était. C’est fin, mesuré, habile. Ne parle pas musique qui veut. Il faut du silence, pour lire ce beau texte, une note après l’autre, et on est en harmonie avec le silencieux public.
L’exigeant papa a le trac (comme tout parent dans cette situation) tandis que les deux fillettes, elles ont déjà changé de gamme.
Gina

el chulo a dit…

Merci pour ce commentaire Gina.
voyez vous je pensais aussi, à ces profs de musique, probablement aussi, besogneux, qui donnent leur vie à leur amour.
bien sûr, on leur expliquera ce qu'est la vraie musique, wiki machin ou google, accès infini à une fausse culture de certitudes, mais eux la savent, au sens de Brel, "je vous savais déjà" c'est la différence entre le sensible et le pleutre.
en tous cas, ceux là, sont des gens bien, humbles au sens noble, et agissants, respectueux de l'enfant, et qui savent aussi que, comme la littérature, la musique est une vibration.

Anonyme a dit…

Oui, là, on a un exemple du prof qui veut réussir et qui vibre à l’unisson de toute production de ses élèves, de toute satisfaction des parents. Bonheur de prof qu’on n’évoque jamais… de prof qui a déjà compris la valeur de l’encouragement.

Gina