Je découvre le magnifique texte, que cette « magnifica persona » Maja Lola a produit alors que j'étais à Madagascar, et concernant « la valise mexicaine : http://photosmotstoros.blogspot.com/search?updated-max=2011-07-12T22%3A06%3A00%2B02%3A00&max-results=7.
Nul doute que j'aurais réagi, de la même façon, abandonnant pour un temps mon carnet de voyage et certains textes pour mon « Saints et Maudits ».
C'est faussement « en creux » qu'elle évoque le « devoir de mémoire », avec cette retenue, cette clairvoyance et cette sensibilité si particulière et aiguë de cette fervente catholique, « paisana de Miguel Hernandez ».
La première réflexion que je ferai, est que, entre personnes de bonne volonté, et surtout qui cherchent à comprendre, en s'en donnant les moyens, même si bien des choses les séparent que ce soit politiquement ou religieusement, une communion de pensée est possible sur un sujet aussi sensible et complexe que la Guerre d'Espagne, les presque 40 ans de « franquisme », la démocratie en général et plus particulièrement en Espagne, mais aussi le caractère « universel » de ce conflit terrible.
En tous cas, je vois dans ce beau texte, une justification à ma quête obsessionnelle, et la confirmation, que tout cela va largement au delà d'un anti franquisme et d'un pro communisme caricaturaux et manichéens. Et aussi que cette boucherie fratricide reste d'une actualité brûlante. Donc, tenter de la comprendre, permet à mon sens, soit d'en redouter d'autres du même tonneau, soit de les analyser.
Certes on a fait mieux ensuite, aussi bien quantitativement que qualitativement, si on peut dire, mais ce conflit portait en germes tous ceux qui se sont succédés depuis, et conserve un caractère de « modernité » ahurissant. Ce qui permet, cette très relative « modestie quantitative » par exemple aux vertueux « historiens révisionnistes » d'instiller l'idée par exemple, que Guernica, aussi bien que Durango, avant, furent de bien petites choses, oubliant au passage tout le caractère « novateur » et symbolique de ces événements. Ce n'est pas le lieu ni le moment d'en parler ici..
L'autre caractère « novateur » de la Guerre d’Espagne, est qu'elle fut aussi une guerre d'images et de propagande. Ainsi par exemple la photo ignoble des abrutis analphabètes, prétendument anarchistes, dansant avec des squelettes de nonnes a fait énormément pour mobiliser les lobbys catholiques. Différence de traitement, par exemple l'ignoble tuerie de Badajoz, qui, avec des images cachées et des journalistes insultés tels que Jay Allen ou le portugais Alvez, a pu être occultée par le franquisme et niée très longtemps.
Alors bien sûr, le lendemain du 18 juillet 1936 où les généraux se soulevèrent fut suivi d'un déchaînement de violences réciproques. Bien sûr, c'est dans le mois ou les deux mois qui suivirent que la plupart des 7000 religieux fut assassinée. Cela reste ignoble même si on, peut alléguer que la République, déjà victime de ses divisions internes, de ses erreurs, n'avait aucun moyen de faire respecter, malgré ses efforts, il faut le reconnaître, un ordre quelconque. Il fallut attendre début 1937 pour pratiquement en finir avec les meurtres systématiques de religieux et aussi les terribles « checas » qui devaient être relayées plus tard par la SIM.
Ceci étant dit les sujets d'étonnement sont multiples. Franco enferma ensuite son peuple dans le mensonge, la répression la plus féroce, profitant de la Guerre Mondiale, puis dès le début de la Guerre Froide de son anticommunisme.
Il faudra bien parler du marxisme en Espagne et de son « communisme ». Ce n'est pas le moment, ici. Il faut seulement remarquer que l'organe franquiste, la Causa, se fit un « devoir » de recenser les morts pour arriver, grosso modo, hors les champs de bataille, à ce score ahurissant de 50 000 partout. Il est vrai qu'avec la funeste loi des « Responsabilidades » qui permettrait jusqu'à la fin de la vie de Franco de poursuivre les espagnols qui avaient soit été ou présumés tels, sympathisants de la République, soit étaient censés avoir été communistes, dans ce pays quadrillé par la phalange et les curés délateurs, dénonçant ceux qui n'allaient pas à la messe, qui allait réclamer un proche mort, s'il n'était pas franquiste ? Certains anonymes déposaient parfois des bouquets contre les murs des cimetières ou à Viznar.
Ainsi nul doute que les victimes « franquistes » ont été recensées avec soin, même, on le sait maintenant, avec exagération. Quant aux victimes du franquisme, de la répression, des camps, sans compter bien sûr les émigrés, ni les 300 000 enfants du franquisme, arrachés à leurs mères dans les camps et offerts en adoption à des familles bien pensantes, le chiffre le plus crédible serait de 200 000.
Encore une fois, on a certainement fait bien mieux depuis, mais il aura fallu attendre pratiquement l'an 2000 pour que les archives s'ouvrent, aussi bien en Espagne qu'en Russie et ailleurs. Ceci explique que l'Histoire dont parle Maja a fait des progrès considérables et permis, enfin, à toute une formidable génération d'historiens espagnols, enfin ! de rétablir une partie de la vérité. Et je l'avais déjà signalé, sans la moindre complaisance, par exemple lorsqu'ils analysent l'attitude du clergé et détaillent avec minutie aussi la façon dont il fut exterminé, par exemple, Casanovas pour l'Eglise, ou Gibson pour ce qui concerne Paracuellos.
Ainsi la République a fait son mea culpa, et s'auto flagelle, on attend toujours que la génération antagoniste des révisionnistes fasse de même.
Bien sûr Maja, l'Histoire progresse, et on peut aussi réfléchir sur son sens. Mais comment ne pas « comprendre » que des familles cherchent à reconstituer leur passé. De la même façon je sais que tous les franquistes n'étaient pas fascistes, pas plus que tous les républicains n'étaient staliniens, mais peut t'on baser une « réconciliation » sur le mensonge, la dissimulation et la manipulation. On ne peut « pardonner » que ce qu'on connaît, et améliorer cette connaissance est aussi le rôle de l'historien et de l'Histoire. Je comprends également que lors de la transition qui en grande partie fut conduite par d'ex franquistes, il fallait calmer les tensions, mais « amnistier »? C'est bien tout ce qui fait la complexité « du devoir de mémoire », qui pour sa gravité et les souffrances auxquelles il s'adresse mérite autre chose que les jugements sommaires qu'on nous inflige.
Sur le sujet de l 'émigration, tu défends la même thèse qu' Araquistain, à savoir que plutôt que de financer une contestation qui reproduisit, parfois de façon grotesque, tous les conflits internes des « izquierdas », elle aurait pu financer avec cet argent les émigrés restés sur le sol français, et adoucir leur sort. Je voudrais dire aussi, rejoignant Don Ernesto, qu'on ne peut pas soupçonner de francophilie, dans les deux sens du terme, que recevoir en quelques jours plus de 400 000 malheureux en errance, cela pose quelques problèmes logistiques et aussi de « rejet » d'une partie de la population. Encore ne furent t'ils pas refoulés et renvoyés vers une mort certaine. Alors que Vichy livra des politiques espagnols et les envoya vers la mort.
Nombre de ces émigrés ont aussi décidé de continuer la lutte contre le nazisme et combattants aguerris se sont illustrés dans de nombreux réseaux de la Résistance, à tel point que les divisions espagnoles furent les premières à entrer dans Paris libéré.
Quant au Mexique, bien évidement, il essaya d'aider, et ce dès le début, la République assaillie, mais avec des moyens plus que réduits et avec des armes légères d'une efficacité nulle et souvent dépareillées. Pendant ce temps, dès le début Aout, Hitler et Mussonini avaient envoyé leurs avions, puis leurs hommes, Mussolini massivement. Ceci permit de transporter les troupes marocaines et la légion ( le Tercio) qui fit ce terrible travail durant le mois d'Aout de « nettoyage » de l'Andalousie, jusqu'à Badaloz.
Les armes russes n'arrivèrent avec les Brigades Internationales que fin Octobre à Madrid qui fut miraculeusement sauvée. Première et seule « victoire » de la République. Pourtant nombreux sont ceux qui pensent que la messe était dite, sous couvert de l'ignoble pacte de non intervention.
Mais probablement, le point le plus important, et porteur d'enseignements actuels, comme pour la Libye, la Syrie, l'Egypte, peut être la Tunisie et le Maroc, la démocratie ne se décrète pas, encore moins de l'extérieur. Ce fut probablement l'erreur de Azana et de la seconde République espagnole que de croire, qu'à partir d'une revendication du peuple, parfaitement justifiée, on pouvait ex abrupto appliquer une démocratie. Azana a pensé qu'il suffisait de séparer l'Eglise de l'Etat, de construire des écoles, d'essayer de faire la réforme agraire, de réformer l'armée, bref du jour au lendemain, il a cru qu'on pouvait installer une démocratie, dans une société qui n'y était pas préparée.
Ce qui l'a abattu, outre les blocages conservateurs, religieux,militaires et des possédants, est que les syndicats, surtout la CNT jugèrent que rien n'allait assez vite . Or, dans tout pays démocratique, elle a été le fruit, la démocratie, de durs conflits, de révolutions et d'années d'éducation, avec un état qui assurait ses fonctions régaliennes.
En Espagne, il a fallu près de 40 ans de franquisme. Azana, auquel Negrin avait proposé de l'emmener au Mexique, est resté en France, pourchassé par les sbires de la Gestapo. Il est mort et est enterré à Montauban. Il aimait la démocratie, et pas la guerre.
2 commentaires:
Long texte, Chulo.
"Entre personnes de bonne volonté ... qui cherchent à comprendre .... une communion de pensée est possible sur un sujet aussi sensible et complexe que la Guerre d'Espagne ...." (sic)
J'adhère entièrement à cette affirmation.
Le problème, Chulo, est que lorsque les partis politiques (tous) s'en mêlent, s'emparant du sujet pour en faire honteusement une exploitation politicienne et un outil de campagne, cela me semble un outrage supplémentaire envers cette souffrance passée.
Il faut s'éloigner de ces joutes opportunistes et compromissions clientélistes pour revenir à l'essentiel, aux fondamentaux, à l'histoire .... c'est ce que tu cherches à faire inlassablement.
Une fois encore, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt ton texte toujours clair et documenté, dans lequel tu ne te bornes pas à une nième narration linéaire de l'évènement mais auquel tu apportes un éclairage actuel intéressant....
Transposable aux conflits actuels aux proche et moyen orient ?
D'accord avec toi sur le fait que "la démocratie ne se décrète pas" ... Pour le reste, le contexte est loin d'être identique pour faire un parallèle.
Enfin, si tu as déjà abordé le sujet des fameuses troupes marocaines et du Tercio de sinistre souvenir, tu abordes ici un autre point sensible : le cruel rappel des enfants volés aux père prisonnières (et qui se répéta hélas en Argentine dans les années soixante dix).
En cela tu as raison lorsque tu parles de "caractère universel" sur l'atrocité de la guerre.
P.S. Pour revenir à une réalité plus immédiate et pragmatique : tu es très bienveillant à mon encore ... J'ai, comme tout un chacun, bien des défauts .... !
pour la transposition, mon ami pierre dont je t'ai déjà parlé, vrai spécialiste du moyen orient, me disait que de ce point de vue, la source de tous les conflits, là bas ausi, provenait de problèmes "agraires" et d'eau, au delà du pétrole. lui est frappé par des similitudes et par exemple utilise le formidable de travail de malefakis sur la réforme agraire espagnole, surtout au plan méthodologique.
pour le reste, j'espère bien que tu as de beaux défauts!
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