Je suis dans mon douzième
jour sans tabac.
Le plus dur, c'est quand
je suis seul. Et cet aspect m'étonne de plus en plus. En effet, mon
épouse fume, bien plus raisonnablement que je ne « fumais »,
j'ose cet imparfait, à mes risques et périls. Hé bien, cela ne me
gêne pas et peut être bien au contraire, qu'elle fume près de moi.
Non que je gobe tel un poisson éperdu les volutes convoitées.
Sûrement, un poil de narcissisme, mais plus sûrement encore, le
besoin de m'accrocher à des images valorisantes.
De plus, n'en déplaise à
Marc, et sans la moindre prétention, j'ai voulu tenter un arrêt
brutal, programmé et réfléchi. J'ai vu beaucoup de mes proches se
« patcher », mâchouiller des « gommes »
miracles, se percer les oreilles, « s'acupuncturer »,
se « psychomachiniser », « se
kinésithérapeutiser », donner dans la « cigarette
électronique » et souvent replonger, ce qui peut fort bien
m'arriver, mais cela m'aura coûté moins cher.
On m'avait dit, je l'ai
aussi lu sur Internet, le sentiment de manque mécanique disparaît
assez vite, 3 à 5 jours que l'organisme met à «éliminer »
la nicotine. Ensuite, il s'agit d'un manque comportemental. Antonete
avait dit, selon ma chère Carmen, la Condesa de Estrazas,
« el tabaco es un gran companero ». Et c'est vrai
qu'on est confronté à des situations réflexes, de gestes
quotidiens que la cigarette accompagnait. Mais aussi, l'envie de
renouer avec ce qui aussi, on ne l'oublie certes pas dans ces
moments, était un plaisir.
En cette période
misérable de renoncements à tout, donner l'impression de céder à
la campagne intoxicante de désintoxication me gêne beaucoup. Mais
il vrai aussi que j'ai beaucoup trop donné, depuis bien longtemps,
et que si on veut une mâchoire qui cicatrise et un Service Après
Vente sur des implants, il ne faut plus fumer. Il en est même un, dentiste, en
Espagne, où le vrai « fantasme » de prix très
étudiés et 40 à 50 pour cent de moins m'avait attiré, qui m'a
dit : « il faut arrêter de fumer 3 mois avant, puis 3
mois de cicatrisation. C'est cool parce qu'on peut se dire qu'après,
on peut reprendre ». Reste
qu'il faut donc arrêter 6 mois. Et je me dis qu'ayant tenu 6 mois,
hé bien, ce serait vraiment trop con de repiquer.
Restait
tout de même ce paradis de tabagie qu'était l'Espagne ; on me
confirme que c'est terminé, que ce terrible bastion a fini par
céder. J'ai une pensée émue pour Carmen, la Condesa,
et pour Angel, El Coro,
qui devront aller fumer dehors. Par vanité, je les accompagnerai,
sans fumer mais avec une vraie fausse modestie.
Avec
aussi ces souvenirs émus des années 80 de bars, proches de la
« Calle de la Victoria »,
enfumés comme des ruches au moment de la récolte de miel, avec des
« criadillas de toros »
baignant dans un jus verdâtre exposées derrière une verrière plus
que douteuse.
Un
de mes neveux que nous avions incité, son père et moi, à la rude
épreuve, que par ailleurs nous n'aurions jamais tentée pour notre
compte, avait osé la dégustation, après avoir vaillamment écarté
quelques mouches dodues, luisantes, mordorées, opiniâtres et
teigneuses. La vérité m'oblige à dire, qu'après avoir très
bravement ingéré, avec moult vinasse et nos encouragements
admiratifs, les douteux appendices, je n'ose dire abats, il dit tout
aussi bravement : « c'est pas mauvais ».
Le patron ressemblait soit à un Quijote
en plus efflanqué, soit à un Cristo de Goya
en plus pâle. Dans les deux cas, en plus sale.
Mon
frère adorait cet endroit qu'il trouvait très typique et taurin.
Nous y croisions toujours quelque « aficionado de
verdad » auto estampillé
Madrid, pour parler de la corrida ou des toros du lendemain ou de
l'après midi. Il faut dire que cette calle de la Victoria
regorgeait de princes incompris
de la tauromachie, de figuras auxquelles on avait volé leur chance,
de faux novilleros, de faux ex toreros, de faux imprésarios, de faux
journalistes, de faux banderilleros, de vrais touristes à plumer en
les initiant à la « vraie »
tauromachie, de fausses speakerines, de vraies folles et de vraies
putes et même de faux revendeurs. C'est dire ! Mais cela
faisait aussi son charme, un océan tumultueux et nostalgique de
mensonges, de rêves écornés, et finalement à fleur de peau et au
bord des larmes, pour qui savait regarder et écouter, le difficile
abandon des rêves de gloire. Olivier Deck a magnifiquement écrit
sur ces lieux taurins et les rêves ébréchés dans ses superbes
« Yeux noirs ».
Le
teint du neveu virait façon jus des « criadillas »,
c'est à dire verdâtre. Lui habituellement si rieur et disert, de
bonne compagnie, s'était muré dans un silence livide de glaciale
indifférence façon cathédrale. Avec, toutefois, une sobriété
quelque peu théâtrale et emphatique qui ne lui ressemblait pas, il
a simplement dit : « je vais dégueuler »,
alors qu'en temps ordinaire, un
événement de cette importance aurait animé une bonne heure de
conversations, dans une simplicité de bon aloi, compréhensive,
virilement complice et solidaire. Seule sa retraite précipitée vers
la sortie en trahissait l'urgence, toutefois dans une certaine
dignité relativement ordonnée. « Ah ces jeunes »,
avons nous connement dit, nous demandant tout de même où il allait
larguer son trop plein. Il revint bien plus frais, sourire aux
lèvres, et demanda « un puro »
et « un tinto »
pour se requinquer l'estomac. Nous avions vu là quelques raisons de
fierté envers ce jeune homme méritant et téméraire qui ne fumait
pratiquement pas, mâtinée toutefois, la fierté, de craintes pour
son futur immédiat qui s'avérèrent injustifiées. Ce fut
réellement une indisposition passagère. Comment ne pas voir là des
vertus insoupçonnées du tabac ? Il faudra que je lui demande,
bien que j'en aie une petite idée, où il s'était délesté de sa
nauséeuse et encombrante cargaison.
On
imagine mal toutefois ces lieux, aux murs jadis savamment tartinés
d'un dépôt brunâtre, pur goudron, lessivés maintenant, nets comme
des salles d’opération, avec le présentoir et le bar en inox ou
autres matières tout aussi chaleureuses et aseptisées. Avouez que
cela fait froid dans le dos, et pour un peu vous ôterait toute envie
de boire.
Pour
en revenir donc à mon sevrage tabagique, comme vous ne tarderez pas
à me demander pourquoi j'ai mis une aventure si intime et risquée
sur le net, j'avoue que cela ressort d'une stratégie délibérée
d'informer un maximum de personnes de ma décision. Et comme je suis
honnête, si j'échoue hé bien, je le dirai de la même façon. Ma
vanité, mon narcissisme ne le supporteraient pas, donc, en quelque
sorte, il s'agit d'un pare fou supplémentaire. Il faut savoir
utiliser ses petits ou grands travers.
Car,
de plus en plus, tout me semble être dans la tactique. Par exemple,
ainsi que je l'expliquais à une très chère amie, je reste
environné de briquets, de pots de tabac à rouler, de tubes, et j'ai
un paquet de cigarettes dans la voiture. Toujours mes défauts pré
cités : il me semble que si je m'interdisais ce choix, ce
serait insupportable. La possibilité de choisir me motive plutôt.
Voilà
donc quelques nouvelles du front.
A suivre ?
11 commentaires:
Je retiens la dernière phrase, la possibilité de choisir qui peut permettre de s’alléger de cette espèce d’autorité édu-castrice de surmoi parental qui pèse sur chacun d’entre nous.
A se rappeler quand on veut moraliser des jeunes avec des arguments bien médicaux et bien inutiles.
Gina
P... Chulo, ne me dites pas que votre neveu est allé dégueuler devant le Palacio de Liria de notre chère duquesa d'Albe-Atroce !
Ah ! la calle Princesa et son fantastique quartier. Je suis suffisamment vieux pour me rappeler le Barrio de Pozas qui fut un extraordinaire modèle d'urbanisme populaire. Ce véritable village en forme de triangle était merveilleux. Avec le bar "Las tres puertas" qui donnerait aujourd'hui des cauchemars à tous ces crétins technocrates de Bruxelles. Ca c'était de l'enfumage ! Aujourd'hui l'Espagne ne sent ni l'huile d'olive, ni la cigarette, ni la sueur.
Tenez bon, ne fumez plus !
JLB
oui jlb nous avons les mêmes regrets!
d'autant que le barrio de pozas fut initié en 1930 et était un quartier tres populaire, nous dirions ici hlm.
il s'est tres embourgeoisé .
la condesa dit que la calle princesa ne ressemble plus à rien.
elle exagère mais jamais à tort.
ceci dit, je suis persuadé que les plus grands livres écrits en france sur l'espagne taurine, l'ont été par jean cau, à son époque.
Chulo ami,
Alors comme ça, toi aussi tu as décidé d'envoyer ton vieil ami Nick O'Tine se faire voir chez les Anglais!?... Parce que, figure-toi que moi, le mien (de vieil ami irlandais de cet acabit), ça a fait 6 ans aux dernières vendanges que je m'en suis débarrassé... Et comme toi, d'un seul coup, du jour au lendemain, vu que ma dulcinée devait se faire réparer des morceaux de plomberie cardiaque, et qu'il fallait qu'elle aussi elle renvoie son insulaire en tine, alors je me suis dit que ça serait sympa d'essayer de l'accompagner! Et je l'accompagne toujours, sauf que je l'accompagne seul, vu qu'entre temps, elle, elle s'est récupéré son putain d'Irlandais - et que même c'est pas juste parce que ça s'est passé un soir de corrida... à Céret! Juré craché que c'est vrai! (croix de bois, etc.)
Ami, tiens bon... si il tiempo no lo impide!
Abrazo fuerte - Bernard
je prefère nick o'tine à mc afee ou duffy!
mais pourquoi, ton épouse a t'elle rechuté un soir de corrida à céret?
je m'interroge, le stress? l'émotion?
pour lr moment, je tiens bon!
abrazo, mon cher largo campo!
Cada vez somos menos los que tenemos la libertad de envenarnos.
Me parece bien que lo dejes hermano, pero no me apunto a tu decision.
Un fuerte abrazo
Salud
te contare, hermanito de las ventas!
je me demande si ton sevrage tabagique ne t'a pas fait confondre la calle Princesa et la calle de la Victoria.
A vérifier avec une attention toute particulière...KING
je le pense en effet!
je corrige!
Hola Fumiste ,
Il était temps que cette correction fut..
En la calle sin GPS en esta epoca ...wAa+ouhhhh !
Animo !.. y hasta la Victoria !
...KONG
el Abuelo par exemple?
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