Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

vendredi 6 janvier 2012

Cinquième jour sans tabac

Cinq jours putain de moine ! J'attaque le cinquième jour sans tabac.

Près de cinquante ans à consciencieusement asphalter mes poumons. Sûrement de quoi remettre en état les routes malgaches. Et vlan, j'avais dit, le 2/1/2012, j'arrête. Une nécessaire intervention dentaire nécessite l'arrêt du tabac. Donc, voilà !

Le matin, je me motive en constatant déjà l'absence de toux, une profondeur moelleuse pulmonaire insoupçonnée. Pourtant, nom de Dieu, cette cigarette du matin ! Et les autres, tiens, pour être juste.

Donc, j'ai compris aussi qu'il fallait que je m'occupe, alors je lis, plus que de coutume, cela occupe à la fois les mains et la tête.

Mon toubib, cousin par alliance et ami est basque et plutôt du style taiseux. « Je vais arrêter de fumer » lui avais je annoncé. « Ah bon ! ». J'attendais de chaleureux encouragements, la promesse d'une vieillesse sereine et triomphante. Rien du tout. « Tu peux m'aider ? ». Silence. « Il existe des trucs non ? ». J'insiste un peu suppliant. « Tu sais, lâche t'il à part le décider et s'y tenir, il n'y a pas de solution miracle ». Il est comme ça mon taiseux de toubib basque. Si vous consultez pour la conversation ou les potins, ou entendre ce qui vous ferait plaisir, ce n'est pas la bonne adresse. En plus, pas le genre à forcer la consommation, il n'a nul besoin de remplir sa salle d'attente.

J'avais commencé à écrire ce texte. Et puis, d'habitude, lorsque je cale un peu ou que les tournures ne me plaisent pas, bingo une cigarette ! Ça permet de prendre un air entendu, sartrien ou camusesque, et ça enfume considérablement mon bureau, des murs au plafond.

Lorsque les peintres sont venus, ils ont lessivé et m'ont fait contempler le jus brunâtre. « Imaginez vos poumons » m'a dit sévèrement le chef. En fait, les paquets de cigarettes, achetés y compris en Espagne qui fut l'un des derniers paradis du fumeur en Europe , ne laissent subsister aucun doute.

Donc, la glandouille, l'incroyable plaisir de ne rien faire, mâtiné d'une petite culpabilité judéo-chrétienne, la promesse rassurante du « je le ferai demain » ou plus perfidement, encore, « plus tard », avec le temps inutile qui se colle et se répand flasque aux molles volutes de la fumée, bref ce doux sentiment de néant contemplatif coupable et embrumé, c'est désormais totalement déconseillé et même insupportable.

Pour revenir à ce texte, donc, mes hésitations de clavier appelaient furieusement la nicotine. Je suis descendu au rez de chaussée que j'ai aspiré et lessivé.

Cela a le double avantage de m'épargner le regard lourdement désapprobateur de mon épouse, retour du boulot pour déjeuner, devant l'étendue des dégâts domestiques de ce con de boxer, et de me filer une bonne décharge de contentement de moi. Cet après midi, je fais l'étage ! Peut être! Ainsi le temps s’écoule sans cigarette. Et puis j'ai des voyages à faire à la déchetterie, probablement deux ou trois, ranger un peu le jardin. Il faut seulement s'organiser.

Je ne sais pas pourquoi, mais moi, la déchetterie j'aime beaucoup. En plus ici c'est propre et très compartimenté. Les employés sont affables, pas taiseux pour deux ronds, mais, toutefois, font peu de remarques désobligeantes sur ce que vous jetez. Pas du tout le style voyant les cartons de vins et autres alcools, « merde vous sucez pas les glaçons », ou « vous avez un bar ? ». Non ici beaucoup de retenue, la distance des connaisseurs, mais la rigueur des professionnels : « si c'est du carton, c'est du carton, c'est pas du plastique ou du papier, voyez, ici c'est carton, ici c'est incinérable », c'est clair non?J'en déduis que le carton n'est pas « incinérable », pas plus que le bois, noblement distingué, ou les métaux. Et puis, merde, je vais vous dire, « incinérable » je n'ai pas trouvé dans mon « pequeno » Robert, pas plus que dans mon Larousse. On comprend tout de même, non ?

Je leur en parlerai tout à l'heure, car moi qui suis un « incinérable » revendiqué, c'est à dire un « à incinérer », ce qui me distingue des autres, qui évidemment sont « incinérables » tout court, je ne voudrais pas que le terme porte à équivoque. Toujours ce goût pour la fumée. Seulement là bas, « incinérable » semble avoir une connotation péjorative, bien plus que « gravats », qui finissent noblement dans les remblais ou les autoroutes, « incinérable », lui, va brûler faute de mieux, dans un jus répugnant de désespoir de plastique qu'on imagine mal, ou de tristesse soumise, en espérant que la combustion produira plus d'énergie qu'elle n'en coûtera, et sans trop d'émission de CO2.

Il faudrait regarder de plus près ce qui part dans les « incinérables ». L'enfance, des objets qui parlent de leurs secrets oubliés, confiés ou confessés, et comme des traces d'acide, peut être, des larmes qui n'ont jamais séché, les victimes expiatoires de trahisons, de ruptures, de désespoirs ou de colères, ces objets qu'on n'aime plus parce qu’on n'aime plus ce que l'on a été, ou qu'on veut l'oublier, ou simplement, comme l'expression d'une liberté luxueuse, de pouvoir encore jeter, aussi de vraies laideurs répugnantes, qu'on a gardées par égards pour ceux ou celles qui nous les ont offertes. J'ai un tableau taurin ainsi, qu'on m'a offert, d'une laideur innommable et qui partira je le sais maintenant dans les « incinérables ». Mais aussi, d'autres objets c’est vrai qu'on a achetés car ils étaient « design », et qu'on ne peut plus voir, même pas en photo ou en peinture. « Fuego ! ».

« Fuego » donc purificateur ! Pas du briquet, ce coup ci ! Ni de l'incandescence du bout de la cigarette, merde, ça brûle non ? « Fuego » de la cheminée où le chêne se consume doucement. Pas le « fuego » non plus du bûcher et de la Sainte Inquisition. « Fuego » pour que cela se consume et s'échappe. Sans rancune, comme une page qu'on tourne. Et puis je me dis aussi que ceux qui ne pouvaient pas me sentir, ben, ils me respireront. Sympa non ?

Pour le moment, je ne prends rien. Je suis opposé à cette idée. Il va falloir te faire aider, on m'a dit. Curieux, les machins ersatz de ceci ou de cela, ils te coûtent autant que te coûtait le tabac. C'est vachement bien calculé. Moi cette idée me déplaît. Comme sucer une cigarette électronique, putain de merde !

Pour le moment, ça va. Et on ne peut pas dire que je n'étais pas fumeur. Ma femme fume raisonnablement. J'aime bien qu'elle fume à coté de moi, cela me donne de l'importance. Pour une fois que le machisme est productif.

Alors j'ai ouvert cette rubrique intime et confidentielle. « Histoire de nicotine ». On verra bien comment cela finira non ?






22 commentaires:

Marc Delon a dit…

Chulo tiens bon, tu nous a assez enfumé comme ça et nous brûlons de savoir la suite... Mais sache une chose : si de deux ou trois paquets/jour tu passais à cinq cigarettes/jour, genre celle post p'tit-dèj, post-repas/café et enfin écriture pour les attitudes "spécial-écrivain" ce ne serait pas un drame au point où tu en es... et surtout marche deux heures/jour (non, sans fumer putaing ! et sans te retourner défois qu'un panache de fumée suivrait ton essouflement)et demande à madame d'avoir la solidarité de ne pas fumer devant toi ou alors utilise ses "pouffardes" pour les sniffer l'air de rien, planqué à quatre pattes derrière son fauteuil (c toujours ça de récupéré) Fais gaffe aux femmes, des allumeuses !
Un demi-siècle de tabagisme t'as déconné quand même, le taiseux aurait mieux fait d'en parler...
Après, sevrage réussi genre trois ans sans clopes, tu passes au Havane : alors là, c'est plus du foin, c bon !

Maja Lola a dit…

Bravo Chulo ! Décision qui t'honore et qui doit révéler ta volonté et ta ténacité. Ne pas se laisser dominer par cette aliénation à la nicotine est une décision courageuse.
Je suis certaine que tu vas dominer et en sortir victorieux.
Pense au plaisir de retrouver la perception des goûts, saveurs et parfums .... à la purification de tes poumons, au plaisir de tes amis non fumeurs heureux de te "sentir" et te "respirer" toi et pas ton sillage nicotiné.

J'aime beaucoup le passage sur le "incinérables" ... qui s'achève par le Fuego purificateur.

Courage, amigo.
Un beso.

Anonyme a dit…

C'est bien Chulo ! J'ai cessé de fumer en 2000 mais pas parce que c'était l'AN2000 ou quelque chose comme ça, non, parce que ça m'a pété d'un coup, que ça puait et que ça devenait ruineux. Je n'ai RIEN pris pour compenser. Je n'ai pas agressé mes proches. Je ne me suis pas mis à grignoter tout le jour. Ca c'est très bien passé et ça dure. Juste un puro lors de certaines corridas ou ferias.
Alors tenez bon, courage ! Tout est dans la tronche : volonté volonté et volonté.
Et dans l'horizon bleu céleste retrouvé, je vous souhaite une bonne année 2012.
JLB

el Chulo a dit…

merci pour vos voeux et encouragements.
JLB le "kiné nichmois" va encore jaser!
et pour la route aussi, meilleurs voeux à tous!

Marc Delon a dit…

Ma parole... après ces volutes d'encouragements JLBesienes c'est à croire que si vous jetâtes le tabac vous bûtes le filtre (d'amour nicotin...)
Clopins comme cochons.
parfois maja Lola quand elle jacte au Chulo on a l'impression qu'elle parle à un fils... ;-)

Quant au chapitre sur la volonté, ok, ok, on a reçu cinq sur cinq, z'êtes pas de la race des veules assistés par la médecine ou la psychologie... Z'êtes des super-fortiches maîtres de vous même, ben voyons, la nicotine n'a aucune influence sur vos neurones vu que la volonté en verrouille les synapses. Bravo, bravo j'applaudis des deux... merde, j'ai tombé mon cigare... 'tendez que je plonge à katpat sous mon bureau pour le récup...

... Ayez... mmm... je pouffe...mmm, c bon... pourquoi vous dites pas simplement la vérité ? Que la dernière fois que vous avez pecho une petite, elle a reculé au moment du baiser arguant que vu vôtre haleine de fennec en rut, l'échange de salive ne lui paraissait plus une urgence libidineuse impérieuse ?

Marc Delon a dit…

"je n'ai pas agressé mes proches"

p'taing le JLB !!! Tes "lointains" tu les as agressés, eux, relis tes commentaires !!!

Tenterais pas de nous rouler dans l'Amsterdamer en nous tendant le papier job, le type ? ;-)

Maja Lola a dit…

Ah bon ... ? J'ai relu. Je n'y lis qu'encouragements sincères où transparaît le plaisir de voir qu'un de plus veut se soustraire à cette m.... (j'exclus bien sûr un buen puro qui reste un moment de plaisir incomparable ...)

Mais il est vrai que Chulo, pour moi, n'est pas "qu'un de plus" !
Alors peut-être que ... entre les lignes ... un "maternalisme" (oui, le mot n'existe pas mais tant pis, je le féminise) subliminal peut s'esquisser ?

Animo ! Chulo

el Chulo a dit…

he oui, querida maja,
merci pour ton soutien!
et pour marc, je n'ai pas dit que c'était facile. celà semble "pour le moment possible" ou "faisable".
ensuite chacun choisit les moyens qui lui paraissent le plus correspondre à ses possibilités, motivations et psychisme.

Pedroplan a dit…

On peut se mettre à boire pour arrêter de fumer, mais quand on fait déjà les deux ?

el Chulo a dit…

en général ça va aussi ensemble!

Pedroplan a dit…

Et alors dans ce cas, à part l'amour et les toros qu'est-ce qui reste ? Encore que, finalement, c'est déjà pas mal, surtout s'ils sont encastés (les toros, et l'amour aussi).En fait ça m'interpelle parce que j'attends le moment où je vais décider moi aussi d'arrêter (de fumer, pas de boire, j'ai un foie de bébé paraît-il)(mais j'ai aussi des poumons de bébé)(en fait je ne montre mon foie et mes poumons qu'à de très rares intimes).

Marc Delon a dit…

Pooouuu lalààààà.... pourquoi vous répondez sérieusement à des commentaires qui ne le sont pas ? Z'êtes d'un triste...
Buvez un peu plus, tiens...

el Chulo a dit…

ben pedroplan, je crois bien que les troros c'est fini, seul l'amour!
pour le reste, j'expliquerai plus avant ma démarche qui pour le moiment marche car je n'ai toujours pas replongé.

el Chulo a dit…

ouais, marcos, le coup des synapses, très pro mais bon.

pour le moment j'expérimente ma méthode qui vaut ce qu'elle vaut, je vous raconterai y compris si je chute.

mais il me semble qu'il y a autour de la non tabagie tout un marché peu recommandable. un peu comme les zantis!

je pense que celà doit rester un choix personnel voire une liberté et non une obligation.

Anonyme a dit…

Vous qui passez par içi, Maja Lola (comme Jean Sablon que le Chulo déteste je crois) vous allez voir que si vous continuez à materner (comme le dénonce MD) et à jouer les dames patronesses (ainsi que je vous ai hélas dépeinte une fois) vous allez recevoir la visite du petit Nicolas S. Vous ne voyez pas qu'il recherche en ce moment les saintes femmes ? Permettrez vous que Nichmes devienne un autre Domrémy ? Vous paraissez tellement proche de Jeanne lorsque vous parlez des "incinérables" et du "fuego purificateur". Vous allez voir que le petit NS va venir à Nîchmes, vous rendre hommage et vous accomoder à sa sauce (pas toute crue parce que le méchant évêque Cauchon vous a déja cuite). Votre Robert de Beaudiscours alias MD, président du FN (Fifre Nîmois), qui baise chaque 1er mai votre statue et qui traite vos semblables d'allumeuses, saura-t-il vous arracher aux griffes du petit roi qui veut s'emparer de votre symbolique ? Vous êtes en grand danger, Maja Lola, Sainte Maja Lola ! Va y avoir du tirage...
JLB

Pedroplan a dit…

Et en plus si le petit NS vient à Nichmes, nous, on n'aura pas le droit de mettre le nez dehors.

Maja Lola a dit…

Quelle sollicitude, JLB.
Je vais vour rassurer : mon petit Nicolas préféré est celui de Goscinny-Sempé. Et je ne m'estime pas être suffisamment sainte femme pour succomber à l'appel du converti démagogue ...
Pas si proche que ça de la pucelle Jeanne (surtout depuis que l'on se commet à l'affubler d'hipotétiques attributs masculins ... !.
Mais s'il est exact que le feu purificateur me fascine, je vous rassure (ou pas) je ne cours aucun risque d'incinération : je sais l'admirer sans qu'il ne m'inflige ses outrages ...
A présent que vous m'apprenez que mon MD baise ma statue tous les 1er Mai et que le danger approche à grands pas ma personne, je vais m'empresser de me mettre sous son aile protectrice ... j'adoooore les aristos "de Beaudiscours" ... cela berce mon oreille tout en laissant mon âme au repos.
Finalement, oui, peut-être suis-je une sainte ? Mise à l'épreuve par le diablotin delonien .... mon salut passe par là sans doute !

Anonyme a dit…

Bonjour, re-bonne année.
Je ne lis pas maintenant les commentaires qui précèdent pour me laisser aller à du spontané. J'adore ce texte, ce qu'il dit sur la lutte contre l'addiction - déjà avec les biscuits, c'est pareil -, sur les objets qu'on aime, qu'on garde pour le sens qu'on leur accorde, les gens, les moments qu'ils ont représentés, puis qu'on se décide à jeter anéantissant du coup des morceaux de vie et de nombreuses affections...Et puis ce texte tombe au moment où j'ai aussi fait du vide chez moi.
Gina

Anonyme a dit…

Maja Lola, que MD soit donc votre saint patron...
Les voies du soigneur sont impénétrables.
Ainsi soigne-t-il.
JLB

Anonyme a dit…

Je suis confus, Chulo, que l'on sente chez vous désormais, l'encens et non le tabac. Nous avons du trop secouer les encensoirs. On s'en va. Ite misa est.

Anonyme a dit…

Voilà, maintenant j’ai lu « leurs » commentaires.
Tenez bon malgré leurs plaisanteries diaboliques. Retournez en sainteté, que votre contrition soit vraie.
Envoyez-les au bûcher, brûlez-les tous, Dieu reconnaîtra les Siens.
Gina

Maja Lola a dit…

Ne soyez pas confus anonyme ... l'encens n'est pas dédié qu'aux élévations divines. Proposons plutôt à Chulo d'aller l'y relire et chercher chez Baudelaire ... il en parle comme nul autre dans ses bonheurs charnels de ses fleurs du mal dont il a le secret.