Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

mardi 10 avril 2012

Le révisionnisme espagnol (2)


Pour ceux que cela intéresse cet article fait suite à « le révisionnisme espagnol (1) », que l’on peut trouver à http://adioschulo.blogspot.fr/search/label/saints%20et%20maudits



Il est tout à fait évident que Vatican II, ainsi que les ouvertures prodiguées par  JEAN XXXIII et PAULVI, marquaient de façon très nette, une certaine distanciation de l’Eglise par rapport à la mythologie de la « croisade de Franco », mais également du régime lui-même. L’Eglise commençait à s’interroger sur le bien-fondé de son soutien à la dite « croisade », et les religieux, autres que la hiérarchie, surtout les jeunes, adoptaient des postures contraires à celles de vieux hiérarques, souvent eux-mêmes membres actifs du pestilentiel « national-catholicisme », qui naquit dès l’été 1936.

Ce point mérite un développement particulier. En 1967, afin d’améliorer les relations entre les différentes couches du clergé, la hiérarchie avait autorisé la tenue de synodes religieux pour que s’expriment  le mécontentement et les pétitions pour des réformes urgentes. Le pas le plus audacieux vers la restauration de l’unité et l’harmonie dans l’Eglise fut franchi en 1971, quand se réunit  à Madrid une très grande assemblée de prélats et de représentants de toutes les sections du clergé séculier et une petite partie du clergé régulier.

Ainsi sur 15449 religieux consultés, ceux de moins de 30 ans optaient à 47,2 pour cent pour le socialisme, alors que les plus de 64 ans représentaient 3,9 pour cent. Ni le communisme ni l’anarchie ne faisaient recette, les mouvements ouvriers recueillaient 15,3 pour cent de la catégorie <30 ans, et 9,7 des plus de 64 ans. La monarchie elle recueillait 3,6 pour cent des < 30 ans et 51,2 pour cent des plus de 64 ans,

Le problème de l’Eglise espagnole était une claire divergence d’opinion entre le clergé séculier jeune et les anciens. De plus, restaient encore en tête de la hiérarchie des religieux plus que compromise dans le « national-catholicisme ». Même si aucune réforme ne fut adoptée, on plaida pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’expression de pleins droits civils et d’un système politique  de « libre représentation ».  Mais de façon encore plus significative, il y eut une proposition de désapprobation du rôle de l’Eglise dans la « croisade » de 1936 à 1939 qui recueillit la majorité des votes, mais pas les deux tiers nécessaires pour figurer dans le compte rendu final. Cette proposition se terminait ainsi :  «  Nous devons reconnaître ceci humblement et demander pardon pour le fait que nous n’avons pas agi au moment opportun comme de véritables « ministres de réconciliation » au milieu de notre peuple divisé par une guerre entre frères ».

Mais aussi, cette Eglise voulait contester l’exorbitant privilège accordé à Franco, aux beaux jours du « national-catholicisme » de procéder à la nomination des évêques.

Monseigneur Taracon symbolisait cette nouvelle posture de l’Eglise, même si, en fait, il ne revient jamais réellement, sur la légitimité de l’insurrection franquiste. Il fut conspué lors des obsèques de Carrero Blanco, que l’ETA avait assassiné, en 1973 aux cris de « Tarancon, al paredon », ce qui signifie :  « Tarancon, au poteau d’exécution ».

On convient en effet que l’Eglise eut un rôle important dans le processus de transition, au grand dam du « bunker ». Cette même Eglise qui avait fourni, à partir de 1933 la masse des militants de la CEDA, se sentant menacés à la fois par les réformes de la seconde République voulant laïciser l’Etat et dans de modestes propriétés agraires, que l’on pensait menacées par la réforme agraire. Ces petits propriétaires catholiques du centre de l’Espagne, devraient fournir les rangs des troupes franquistes métropolitaines. Indépendamment évidement des troupes des intégristes carlistes, les fameux « requetés ».

Dans ce contexte, et sachant aussi  que Tarancon avait beaucoup œuvré en sa faveur, le fameux  « indulto » de la Transition peut se comprendre et favorisa, comme conséquence collatérale,  la thèse de la responsabilité partagée mais également, de façon plus perverse, celle d’une manière de parité dans le nombre de victimes de la Guerre Civile, qui étayait le discours des historiens hagiographes  de Franco,  occultant tout à fait les victimes principalement dans les années post 1939 jusqu’à 1945, dans la phase de répression la plus active et favorisée par  la guerre,  qui vit un déchaînement invraisemblable et finalement, incompréhensible, de violence et de « règlements » de comptes.

Et l’un des « secrets » de la durée de Franco, est que, par ailleurs, totalement dénué de culture ou d’esprit critique, obsédé par sa propre sauvegarde, qui se substituait à toute idéologie, si on excepte sa haine antimaçonnique ou anticommuniste, que par ailleurs il confondait de façon parfaitement infantile, il ne considéra jamais que la guerre fût terminée.  Il portait de façon extrêmement efficace la conviction absurde  du clivage entre les bons et les mauvais espagnols.

Efficace, pourquoi ? Elle servait des intérêts parfois contradictoires, dans son camp, et lui qui ne doutait jamais de la fragilité de l’homme devant certains arguments sonnants et  trébuchants sut parfaitement assurer sa propre survie. Ainsi, le sens de ses différents gouvernements  fut de ménager chacun en son moment l’un des trois piliers du franquisme, à savoir : la phalange, l’église ou l’armée toujours omniprésente.

Ce clivage forcené entre les « bons » et les « mauvais » espagnols était simplement une conséquence de la certitude pour Franco que la guerre continuait.

La fin du règne de Franco, pour simplifier à partir de 1970 fut à bien des égards pathétique. On fusillait encore ou envoyait au « garrot vil » histoire de signifier que rien ne changeait. Même si de plus en plus les oppositions prenaient corps que ce soit dans les universités ou les usines, et ce malgré les « syndicats verticaux » phalangistes.

Les générations se suivaient et les fils de ceux qui avaient connu la guerre n’avaient pas toujours les mêmes certitudes. Bientôt les « petits fils » allaient prendre la succession avec d’autres interrogations et certainement d’autres exigences de vérité.

A la mort de Franco, les universitaires, historiens et sociologues  allaient pouvoir entreprendre un travail de fond, sous forme de d’études monographiques, au niveau de chaque Communidad. Il fallut tout de même attendre d’une part que la plupart des archives espagnoles puissent être accédées, au moins ce qui en restait, quand elles n’avaient pas été systématiquement détruites lors de la Transition ou après.

L’ouverture de certaines archivés, surtout les russes après la chute du mur de Berlin, mais aussi les allemandes permirent également de faire des progrès considérables dans la compréhension de cette Guerre.

On dut se résoudre à admettre que les chiffres du franquisme, voire même ses narrations de l’Histoire et ses mythes étaient basés sur des mensonges d’Etat qui pourtant ont la peau dure.



A suivre

7 commentaires:

Maja Lola a dit…

Chulo nous revient .... comme hirondelles au printemps !

Bien sûr que Franco de manière très primaire joua sur les "bons" et les "mauvais" espagnols via sa croisade (ou plutôt ce qu'il qualifiait de tel).
La phalange et l'armée lui étant, de fait, acquises, il ne pouvait jouer (si l'on peut dire) que sur la terreur et la menace anti-cléricale des débordements de la guerre civile.

Vatican II fut donc la bouffée d'air et le déclencheur de libération de cette imposture.

Mais Monseñor Tarancon n'était pas un homme de "posture" comme tu l'écris. Il prônait d'ailleurs une distanciation de l'Eglise d'avec le politique car, pensait-il, la foi est un lien universel entre les siens et non pas un moyen de diviser par des idéologies politiques. Il ne faut d'ailleurs pas oublier qu'il joua un rôle de conciliateur dans la transition entre le franquisme et l'arrivée de Juan Carlos et la démocratie.

La conclusion de ton post sur l'allusion à l'ouverture des archives soviétiques est fort intéressante car le débat s'ouvre ainsi bien au delà du rôle de l'église pendant et après la guerre civile. Rôle, somme toute, assez "anecdotique" eu égard à ce qu'elles révèlent sur des réalités bien plus lourdes et étonnantes ...)
Par exemple, sur l'intervention soviétique, belle opération pour Staline qui profita de tout l'or espagnol déposé à Moscou comme salaire de l'intervention soviétique en Espagne qui fut très modeste en hommes (3 000 seulement dont 200 tombés au front) alors que les B.I. payèrent le plus lourd tribut humain sur le front.
L'interventionnisme du Kremlin qui n'hésita pas à faire assassiner le secrétaire général du POUM de Negrin ...
Tu as raison, les archives lèvent le voile et éclairent sur les mensonges d'Etat et sur des mythes qui ont eu la vie dure sur des livres d'histoire.

el Chulo a dit…

Chère Maja,
pour une fois, je crain de n'être pas d'accord avec ton commentaire.
Mon but était seulement, et aussi pour justifier certaines variations de l'histoire, de souligner combien Vatican II, avant d'être anéanti par l'Opus Dei et les papes Jean Paul II et Benoit a embarassé Franco. Il ne faut pas oublier que le pouvoir économique était entre les mains de l'Opus et que par ailleurs se livrait une guerre sans merci entre ces Opusdeistes et les jésuites. Aujourd'hui, après avoir rendu de nombreux services, règlement d'Ambrosino et de Solidarnosc, on les dit omnipotents au Vatican.
De là à dire que l’Église eut un rôle « somme toute, assez anecdotique » pendant et après la guerre me paraît tout simplement faux. Elle a au contraire largement contribué à légitimer Franco et a joué un rôle détestable lors de la répression et après. J'ajouterai même qu'elle eut un rôle extrêmement important par son opposition obstinée à la République.
Concernant l'or de l'Espagne, « mis à l'abri » en Russie, plusieurs choses : Staline fut le seul des grandes puissances qui accepta d'aider la République, si on excepte l'aide généreuse mais très modeste du Mexique. Par contre l'Angleterre la France et les USA acceptaient tout à fait de voir Hitler et Mussolini bafouer la non intervention, en fournissant dès fin Juillet des avions à Franco puis des armes et des hommes.
Là où tu as raison, l'aide en homme de la Russie fut numériquement faible, à peu près comparable quoique inférieure à celle de la légion Condor, faible donc mais de qualité car les commissaires militaires aidèrent énormément à la création d'une armée républicaine. Mais l'or servit surtout et essentiellement à financer les achats d'armes. De ce point de vue les plus sophistiquées telles qu'avions et chars furent d'excellente qualité et ne furent pas pour peu dans l'épopée de Madrid.
Cette aide, avec d'ailleurs les Brigades Internationales n'arrivèrent ou ne furent opérationnelles que début Novembre. Je suis de ceux qui pensent qu'hélas, la messe était déjà dite pratiquement.
Toutes les études recentes sur les armes de la Guerre Civile, démontrent que les deux camps dépensèrent à peu près la même quantité d'argent, avec un avantage en nombre d'armes pour les franquistes beaucoup plus lié au fait que pas mal d'armes russes n'arrivèrent jamais à destination. Seule différence aussi, la participation de l'Italie via la CTV , la fameuse « cuando te vas » culmina à 70 000 hommes et ne fut jamais inférieure à 40 000 hommes.
Les armes nazies allemandes et fascistes italiennes furent payées à crédit par Franco alors qu' en plus les allemands se payèrent largement sur la bête après la chute du Nord et des provinces basques. L'Espagne continua à payer les allemands jusque dans les années 60 alors que Mussolini avait accepter de gommer une partie de la dette.
Enfin, il est vrai que Staline avait exporté en Espagne ses purges antitroskistes, et par contre, je ne vois pas ce que Negrin a à voir avec le Poum. Sans doute voulais tu parler de Nin. Mais il s'agit aussi d'un des points les plus délicats, je veux parler du rôle des anarchistes.

Marc Delon a dit…

Eh Pepone et Don Camillo, vous n'allez pas vous chamailler à cause des curés et des gauchos ? Vous savez bien qu'on a chacun sa lecture de l'Histoire. Et que les terroristes des pays frappés sont les combattants de la liberté des pays frappeurs...
Vive Poutou qui se fait chier depuis huit mois à être candidat !

Maja Lola a dit…

Chulo, tu as raison lorsque tu me "retoques" sur ce que j'ai nommé le "rôle anecdotique de l'église". Mais mon affirmation était celle de l'Eglise dans son rôle le plus proche des croyants, c'est à dire de la foi. Pas l'Opus Dei dans son omnipotence avec les dérives qui ont suivi, l'anéantissement dont tu parles.

Pour le POUM, c'est effectivement d'Andrés Nin qu'il s'agissait.

La condesa de Estraza a dit…

Qué tal, amigos, por aquí "meando" que diría un castizo en visita rutinaria, con más frecuencia de la que podéis imaginar, y en viendo las fotos con la que ilustra el Chulo salgo de aquí pitando no sea que me vaya a pasar algo.
Maja, Bs.

La condesa de Estraza

el Chulo a dit…

hola condesa de mi alma,

una vez mas no pesco nada a tu comentario, pero vaya, quizas maja me aclarara!

ya habras notado que "su guerra" me esta obsesionando.

un beso guapa, y una vez mas te digo que aqui es tu casa.

pd: estoy preparando algo sobre josefina carabias y su azana. muy interesante!

Anonyme a dit…

Chulo, la passion vous emporte vers de belles pages d'Histoire. Quant à la vérité ! Heureusement qu Maja Lola veille. On voudrait tant qu'elle coïncide avec nos opinions que je la crois impossible à atteindre !
Gina