Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

lundi 13 août 2012

Deux heures trente de bonheur!


Deux heures trente de bonheur. Sortir de l’arène vidé, au bord des larmes. Retrouver le parfum de la corrida qu’on aime.

Les toros d’abord, « los  escolares », souvent couleur souris, d’une présentation irréprochable non seulement d’homogénéité, tous autour de 500 kilos, avec des têtes caractéristiques, pour le moins boisées, mais surtout d’un trapio impressionnant, ( soit dit en passant, il n’est pas nécessaire de peser 600 kgs pour avoir du trapio), longs comme des trains de marchandise, hauts comme des miuras,  portant fièrement dressée la tête, les cornes griffant le  ciel, avec quelque chose à la fois de suprêmement élégant, leur ligne, leur déplacement et leur port de tête, mais aussi de rupestre qui les font ressembler aux gravures préhistoriques, rappelant aussi les origines du toro de combat. A tel point que de mon point de vue, le sobrero  du même élevage, sorti en remplacement du second qui s’était brisé une corne, faisait figure de vilain pas petit canard, ou de  « garbanzo negro », impression que son comportement en piste  ne démentit pas. Dommage pour Castano, qui fut averti au moins trois fois et ne put rien tirer de cet animal très dangereux.

Pour tout dire, je n’ai pas l’intention de me lancer dans une resena car tout va être ou est déjà dit. Je me souviens seulement de cette plaza ivre de bonheur et d’orgueil, « ça y est enfin, nous autres, à Dax, nous avons notre indulto », prête à foutre le feu si le présidence n’accordait pas l’indulto, qu’elle accorda à « contre cœur » mais avec le souci de ne pas finir dans une barrique de goudron, d’autant que le grand Cesar Rincon, qu’on savait très lié à l’éleveur, se faisait le chef d’orchestre de la pétition, ce qui évidemment la légitimait. Donc, ce public, si prompt à accorder l’oreille dès qu’une faena faisait cent passes à d’aimables cornus coopératifs, n’a pas daigné sortir son mouchoir pour accorder une oreille à Robleno, à son premier plus précisément, faena que pour ma part, j’ai trouvé très méritoire. Mais là on avait déjà compris ce que signifie « se croiser », car précisément, les rares fois où il fut mis en difficulté, furent lorsqu’il omettait de « se croiser ».

Ou, aussi, comment on peut passer d’un extrême à l’autre. Car enfin, pour une plaza qui compte plus de 50% d’abonnements, avec un taux de renouvellement qu’on suppose constant, on imagine mal que le public des « escolares » était fondamentalement différent, et avait basculé dans une exigence torista digne d’un « tendido 7 ».

Les plus optimistes diront qu’il s’agit d’un virage salutaire de la corrida, d’autres plus frileux resteront dans l’expectative quant aux raisons profondes, y compris les moins avouables, de ce revirement. Je suis de la seconde catégorie. Il me semble enfin que lorsque on  va voir une corrida de Jandilla avec le gratin du G10, on sait parfaitement à quoi  s’attendre, y compris au niveau des exigences des seigneurs,  « saigneurs ? », et le mieux, si on n’est pas intéressé est de rester chez soi, et aussi cette façon de  brûler ce qu’on a adoré me paraît pour le moins ridicule, et je ne veux pas défendre El Juli, qui porte une lourde responsabilité avec ses compères du G10 dans le marasme actuel de la corrida. Mais il fait ce qui jusqu’à maintenant lui a parfaitement réussi, du Juli, et que le public payant a parfaitement le droit d’apprécier.

Mais ce qui est certain c’est qu’un spectacle taurin de la qualité de celui qu’on a vu ce dimanche, finit par rapprocher tous les points de vue dans l’unanimité, les hommes concentrés, se mettant au niveau de leurs opposants très cornus, avec un premier tercio ressuscité, la nécessité pour les toreros de respecter le placement ou le « sitio » et de se croiser constamment.

J’imagine qu’il y aura quelques pisse vinaigre, perfectionnistes et suprêmement connaisseurs, eux, qui contesteront ceci ou cela, mais à mon avis, c’est sans importance. Nous avons assisté à une corrida, à ce que devrait être une corrida, avec des toros magnifiques de présentation, dans le type, sans surpoids, braves, « encastés », exigeants et terminant bouche fermée,  de comportement varié allant de la suavité sans grande transmission pour un exemplaire, à la complication extrême, en passant par la manière de perfection du 6ème, au niveau du comportement dans la muleta, je dis bien : vibration, émotion, bravoure et noblesse, et ce malgré un châtiment excessif à la pique et une armure invraisemblable, il a tout de même terminé, lui aussi, bouche fermée.

Autre détail dont je n’entends pas parler : je n’ai pas entendu sonner un seul avis, pourtant la corrida a duré plutôt longtemps, mais sans ennui. Ceci étant sûrement lié à de gros premiers tiers.

Je n’ai jamais été un franc partisan de cette mortifère distinction entre « torerista » et « torista », actuellement, on en mesure les conséquences. On passe d’un extrême à l’autre ! Et dans le public, d’aucuns ont maintenant honte d’apprécier certaines choses, alignant leur jugement sur le gueulard systématique qui lui, sait.

Et ceci me rappelle ce que comme toujours opportunément, me disait mon Deck : « regarde les videos d’avant, tu y verras du pico et des gens décroisés ». Bien sûr, le  « toreo » de profil, latéral, n’existe pas d’aujourd’hui, et il eut même la cruauté de m’infliger une video de mon cher Ordonez. Beaucoup de grands censeurs feraient bien de vérifier.  La seule différence est que les figuras se fabriquaient chaque année à las Ventas, devant le public le plus exigeant du monde, et que les figuras de l’époque se colletaient aussi à une grande variété d’ « encastes », mais je ne suis pas naïf au point de penser que les « putadas » de composition de cartel,  les « sorteos » truqués et les exigences au niveau des élevages et des « veedores », datent d’aujourd’hui. Elles ont atteint simplement, pour certains élus, l’insupportable.

Et « le pico », c’est facile. La muleta va chercher la pointe de la corne extérieure. « pico !!! ». Sauf que tout de même, lorsqu’il y a « pico » et « toreo décroisé » on est dans le mensonge et les « borregas », car ce qu’on a bien vu hier, c’est que les toros « encastés » ne supportaient pas le « toreo décroisé », et que ce «toreo  décroisé », dans ce cas, mettait le torero en grave péril. Ceci dit, je dis cela peut être pour lancer un débat, comment, étant très « croisé » par obligation devant un toro très armé, non parce qu’il est très armé mais parce qu’il est « encasté » et ne tolère pas autre chose, peut-on le citer sans mettre du « pico », au moins si on ne le cite pas à 15 mètres. Il me semble que l’important sur le premier cite est de faire passer la corne intérieure, avec toutefois le danger qu’en mettant « trop de pico » le toro vous voie, et Dieu sait que ces toros regardaient l’homme puis la muleta et inversement,  c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, les apprentis toreros qui ne savent toréer que « décroisé » et avec un maximum de « pico », ce qui, finalement semble être la seule chose qu’on leur apprenne en école taurine, courent finalement de graves dangers quand par hasard un toro sort avec un peu de « genio ». Mais je n’exclus pas de n’avoir rien compris: je demanderai l’arbitrage des gueulards de service.

Je le répète, j’ai vécu deux heures trente de bonheur, avec des toros toujours intéressants, de comportement variable, ce qui est la moindre des choses avec des toros « encastés ». Je souhaite seulement qu’on ne tombe pas d’un excès dans l’autre qui serait tout aussi mortifère pour la corrida. La corrida ne peut pas vivre sans public. Et toutes les plazas n’ont pas la chance de ces quelques  plazas françaises où la corrida coïncide avec la « fête ». Ce que j’ai vu ce dimanche me paraît un excellent compromis, où tout le monde a trouvé son compte. A méditer pour les « figuras »,les organisateurset les "éleveurs".

15 commentaires:

Marc Delon a dit…

<< les toros « encastés » ne supportaient pas le « décroisé », et que ce « décroisé » mettait le torero en grave péril.>>

là, je vois pas... t'as fais l'apéro ?

el Chulo a dit…

ben non, moi je comprends que devant certains toros, les encastés, les toréer décroisé peut être fort périlleux,, c'est ausi ce qu'on appelle le pont, lorsqu'en plus on met beaucoup de pico.
voilà, c'est clair non?

Maja Lola a dit…

Tu t'es régalé donc.
Je ne me permettrai pas de commenter ce texte intéressant et sensible mais trop technique pour la modeste aficionada que je suis ...
"J'imagine qu'il y aura quelques pisse-vinaigre, perfectionnistes et suprêmement connaisseurs, eux, qui ..."

"Et dans le public, d'aucuns ont maintenant honte d'apprécier certaines choses, alignant leur jugement sur le gueulard systématique qui lui, sait"

Deux phrases essentielles qui se passent de commentaire et qui expliquent beaucoup ...

Le cartel d'aujourd'hui s'annonce intéressant ... je suppose que tu nous en écriras un mot ?

Anonyme a dit…

Je découvre avec bonheur ce texte aux images savoureuses et j'apprécie la fin, qu'un aficionado puisse imaginer le bonheur d'une feria "pour tous"

Marc Delon a dit…

euh non... c'est dangereux d'aller sur le sable face à eux... mais je vois pas pourquoi se décroiser pour profiter profilé du voyage naturel serait plus dangereux que se croiser et contraindre... on parle bien de colocacion ?
Maintenant, citer en se découvrant ça oui, et c'est peut-être ce que tu veux dire ?

el Chulo a dit…

Oui "sitio". Avec toutefois la nuance que en se positionnant "croisé" le torero forcément donnera plus d'émotion de vibration et de temple à sa faena, sansq devoir recourrir aux ignobles passes en rond ou cambiadas.
la grande excuse donnée pour justifier le toreo "centrifuge" selon l'expression de Dede, était qu'il y avait des toros qu'on ne pouvait pas "obliger"! mais oui. ces toros un peu flageeolants pouvaient prendre 100 passes à condition qu'on ne les "oblige pas", en échange ils étaient sélectionnés pour bouffer la muleta.
devant certaines machines à embestir, summum de la tauromachie moderne, il suffit de montrer la muleta, à peu près. el juli le fait formidablement avec une science éprouvée, ceci dit il peut "ennuyer", c'est mon cas, mais je comprends fort bien qu'on puisse apprécier sa science et sa connaissance du public. de plus je suis de ceux qui pensent qu'il pourrait certainnement toréer autre chose.mais pourquoi s'emmerder car, si tu regardes mundotoro, on n'a jamais tant indulté ni sorti à hombros que ces temps ci!donc, ils s'adaptent à la majorité, même si les arenes sont quasiment vides. celà ne durera pas!
donc je maintiens que certains toros ne peuvent être torées que croisé, ceux qui ont besoin d'être réduits, canalisés, dominés, torées en fait. c'est tellement vrai que el cid s'est rendu maladroitement célèbre en affirmant qu'il est bien plus dangereux de toréer croisé que décroisé. c'est absolument vrai dès que le toro est un peu toro.cqfd!

velonero a dit…

Une corrida formidable, j'en suis moi aussi les yeux embués par l'émotion.
La corrida dont Dax avait besoin, une sorte de corrida-étalon... comme le fameux mètre du Pavillon de Breteuil!

Anonyme a dit…

Dites nous,catedratiko Chulo,vous zerait il possible ,de nous faire une rézègne de la course de notre zer azozié Balthazar à laquelle vous zassiztates ?
D'avanze vous zetes remerzié et zindulté.
Melkior y Gazpar,magos.

Anonyme a dit…

Ce fut une corrida de Toros.
Ce fut LA fiesta brava,rencontre de "braves" à "égalité".
Ce fut un hymne a la Vida.
Ce fut un partage !
Ce que nous nous souhaitons beaucoup plus souvent.
Punto.
p.a

Anonyme a dit…

......
Ce fut-hur que nous nous souhaitons beaucoup plus souvent !
Punto.
p.a

Marc Delon a dit…

Toujours pas sûr d'avoir bien compris mais puisque le Cid est de mon avis, ça me va !

Suis pas vraiment d'accord non plus avec tout ce que je lis ici ou là sur le Juli... l'ai vu bien souvent face à de grands toros et plus je le vois, plus il m'impressionne ; Le citer en tant que symbole de sous-toreo n'est pas réaliste avec sa science, sa puissance et son envie.
Maintenant évidemment, le choix de faire cent corridas par an ne peut pas être compatible avec le choix de cent aurochs. Mais quand il tombe sur un comme ça, il est certainement un des deux ou trois toreros les plus intéressants et passionnants à voir qui soient. Mais là, je sais pas si le Cid sera d'accord...

el Chulo a dit…

J'ai cité le Cid avec ironie, mais aussi pour illustrer le fait que devant certains toros,il pouvait être risqué de ne pas se croiser.

il me semble n'avoir jamais écrit que Juli n'était pas ou ne pouvait pas être un grand torero. ceci dit, devant ce bétail, je le trouve prévisible, répétitif, et à mon goût ennuyeux. mais certainement en pleine possession de ses moyens techniques.
le problème est qu'il arrive avec ses deux toros et son sobrero et qu'il ne se produit qu'avec certains élevages.
j'aimerais énormément le voir devant ceretains toros qu'il a certainement toutes les possibilités techniques d'affronter.
j'écris aussi que tout le monde a le droit d'apprécier ce qu'il fait. tout en reconnaissant la virtuosité technique, je dis aussi que celà ne me va ni au coeur ni à la tête.

Marc Delon a dit…

Ouais... Moi je l'ai vu très souvent, je l'ai vu bien jeune, pleurer devant le tendido 7 qui le sifflait par principe et mauvaise foi juste parce que c'était l'époque où la presse l'appelait "El phenomeno", puis les faire taire avec deux séries de naturelles parmi les plus profondes et exposées que j'aie jamais vues, et réaliser six faenas d'anthologie, différentes, adaptées, lidiantes, devant six toros de Madrid qu'il tua de seulement six grands coups d'épée fulgurants et dans le bar où j'étais ça allait au coeur et à la tête de beaucoup qui pleuraient de concert...
Finalement, les toreros, c'est comme les femmes : ça dépend de l'expérience qu'on a eu avec eux !

el Chulo a dit…

cà n'est pas contradictoire! quelle année cette épopée que tu nous contes?
nul ne dit que ce n'est pas un grand toreo, encore moins que ce n'est pas un virtiose.
pour le moment, il a choisi sa voie, je n'ai rien contre!4
tu ne m'as pas dit que la plage près de diego était belle, un peu surpeuplée peut être?

Marc Delon a dit…

les plages sont belles, je n'y ai vu que du bleu