Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

dimanche 5 mai 2013

Antonio de Ramena (2): quelques précurseurs français à Madagascar


Donc, Diego Suarez, connue plutôt par les malgaches aujourd'hui sous le nom de Antsiranana, se situe à l'extrême pointe Nord de Madagascar, au fond d'une vaste baie parfaitement protégée. Ce site privilégié, à l'intersection du Canal du Mozambique et de l'Océan Indien était jugé d'une importance stratégique extrême, surtout dans le climat de chamailleries qui avait opposé les anglais aux français dans ce coin de mer. Les français y avaient construit un port militaire important, nommé Diego Suarez. Aujourd'hui on me dit que le port et les réparations de navires de moyen tonnage subsistent, en grande partie à cause du savoir faire des malgaches en matière de chaudronnerie, mais aussi car les salaires des ouvriers sont très bas . Le salaire moyen reste aux alentours de 30 euros mensuels, et on ne s'embarrasse pas vraiment de charges sociales.



Les vestiges plus ou moins bien conservés de cette présence importante sont omniprésents. L’Hôtel de la Marine, initialement Hôtel des Mines, que j'ai déjà évoqué, lourd d'une histoire coloniale opulente et élégante, dont les ruines sont empreintes d'une nostalgie inexplicable, que nous n'avions ressentie nulle part aussi fort.



Un kiosque à musique jouxte la ruine, de la même époque et construit par le même « mécène » chercheur d'or milliardaire. Lui est à peu près intact, le kiosque à musique donc, et on imagine ici les concerts donnés par la musique de la Marine, les femmes en crinoline voletant doucement au gré de l’alizé.



Aujourd’hui ce canal du Mozambique est toujours d'une grande importance, mais surtout en raison d'importantes réserves supposées de pétrole et de gaz naturel. J'ai évoqué ce sujet, pour ceux que cela intéresserait. On rappelle tout de même, pour le plaisir en partie car c'est toujours un étonnement pour moi, que Madagascar, du Nord au Sud fait pratiquement 1500 km et est vaste comme la France et le Bénélux réunis. C'est un gros caillou. Jusqu'alors, nous n'étions jamais allés à Diego, et n'avons toujours pas été non plus dans le Sud, trop difficile d'accès, encore aujourd'hui, au moins pour des voyageurs peu aventureux tels que nous et appréciant un certain confort. En tous cas, à Antsiranana, le kiosque du fastueux chercheur d'or semble attendre quelque fanfare militaire.



Et ce fabuleux et généreux chercheur d'or, Alphonse Mortages vaut le détour. Il est né dans le Sud
Ouest de la France en 1866. On dit qu'il avait un physique hors du commun, en clair c'était quelque chose comme un géant. Je me méfie toutefois un peu, car si cette affirmation provient des malgaches qui ne sont pas particulièrement grands, il faudra ramener l'appréciation à un costaud. Peu attiré par les études, il se fait enrôler comme mousse sur un bateau, car son désir était « d'être marin ». Il sera donc marin, sur des voiliers puis sur les premiers bateaux à vapeur.



Il connaît pour la première fois Diego en 1897, alors qu'il est chef de cabine. Probablement sous le charme de Diego, en 1898 il demande et obtient son débarquement. Utilisant son expérience de chef de cabine, il est d'abord gérant d'un établissement de la ville basse puis s 'installe dans l'avenue principale de Diego, la rue Colbert.



Probablement, cette vie ne lui convenait t'elle pas, alors il alla à Nosy Be pour ravitailler la flotte russe qui y fit escale lors du conflit russo japonais. Malheureusement, voulant rapatrier son magot à Diego, il perd sa cargaison dans le naufrage du petit voilier qu'il avait affrété.



Ruiné, il part dans la forêt récolter la sève des arbres à caoutchouc. C'est là qu'il commence à embaucher deux prospecteurs pour rechercher de l'or. Ces deux prospecteurs trouvent de l'or dans la région d'Ambakirano, près d'Ambolibe. Remarquons qu'en 2012, l'exploitation aurifère a été relancée dans cette même région et semble t'il des israéliens s'intéressent particulièrement à ces gisements.



Donc revenons à notre Alphonse Mortages et ses orpailleurs retenus par deux vazahas vindicatifs. Notre vaillant aventurier régla le problème semble t'il avec l'aide d'une Winchester. Ceci lui permit de délimiter un territoire de 30 km de long sur 6 de large, toujours non loin 'Ambolibe. L'exploitation à grande échelle commence en 1906 lorsqu'il découvre le « mamelon miraculeux » dont il extraira du quartz aurifère plus de 80 kgs d'or en deux jours.



Il s'en suit une période glorieuse, avec en particulier la descente triomphale de la rue Colbert, en chaise à porteur, entre ses charges d'or. C'est à son initiative donc, qu'est construit l’Hôtel dit des Mines, et sur le terrain jouxtant l’hôtel, le fameux kiosque à musique. Malheureusement, l'homme n'était pas un fin gestionnaire et des revers de fortune le conduisirent à céder son hôtel à la Marine Française, d'où la nouvelle appellation d’Hôtel de la Marine, lui même par la suite cédé à la Marine Malgache, pour tomber en ruines définitives.



Bien avant ce flamboyant vazaha, un autre vazaha natif d'Auch s'était illustré : il s'agit du robuste et par ailleurs très ingénieux sieur Laborde. Né à Auch au début du XIXèm e siècle, en 1805.



Bien que l'ayant précédé, sa trajectoire fait penser à celle de Mortages : l'appel du large, dans le cas de Jean Laborde les comptoirs des Indes. Un début de vie aventureux, un naufrage sur les cotes malgaches. L'homme, peu instruit, est un ferronnier forgeron très adroit. Pour payer son sauvetage, il réalise un lot de fusils que son bienfaiteur avait promis à la reine, et se fait ainsi remarquer.



Sur cette lancée, il créa une industrie de l'acier à Mantasoa, non loin de Tananarivo, arme la reine, mais aussi fait construire le fameux palais surplombant Tana,



Il sut se rendre indispensable aux yeux de la reine Ranavolana Première, et ce au propre comme au figuré. Jean Laborde la côtoie, c'est déjà pour l'époque une femme mure, elle est née en 1788, mais semble t'il dotée d'un robuste appétit sexuel. Notre gersois devient « aussi » l'amant de Madame. Il évoque souvent la « corvée royale ». Elle avait tout de même pratiquement 20 ans de plus que lui.



Jean Laborde fut un industriel compétent voire génial, il créa donc de toutes pièces une industrie métallurgique et chimique et se distingua aussi comme un bâtisseur talentueux. Mais dès 1835, la terrible reine interdit aux malgaches de pratiquer le christianisme et chasse en 1936 les missionnaires. En clair, les européens sont plutôt persécutés et Laborde lui s'en sort, car, on l'a vu, indispensable à tous points de vue à la reine.



Celle ci peut se comporter de façon sanguinaire. A tel point, qu'en 1857 Laborde monte un complot contre elle, en accord avec un fils de la reine. Le complot déjoué, la vie de Laborde fut épargnée, et plus tard il put revenir à Madagascar pour y mourir.




Aujourd'hui encore, n'importe quel malgache, érudit ou homme de la rue le plus banal, sait vous parler de Jean Laborde.

Mais à part ces précurseurs comment les français étaient t'ils arrivés en masse à Diego Suarez ? La colonisation française assez intense n'avait pas fait totalement oublier la perte de l'Alsace et de la Lorraine en 1871, mais elle compensa au moins partiellement, l'humiliation. Les grandes puissances coloniales, France, Angleterre, Allemagne se partagent en particulier l'Afrique, mais ceci ne va pas sans crispations sérieuses : Fachoda entre la France et la Grande Bretagne, les crises marocaines de Tanger et d'Agadir entre la France et l'Allemagne.

 
A suivre

L'article traitant des richesses de Madagascar et de leur pillage, dans le libellé Madagascar 2012, sur ce même bloghttp://adioschulo.blogspot.fr/2012/08/un-pays-qui-coule-4_30.html
















3 commentaires:

Maja Lola a dit…

Décidément, le sud-ouest a fourni bien des aventuriers ...

Je ne connaissais pas ce Jean Laborde mais un drôle de destin que le sien.

Je me suis souvent posé la question sur le nom Diego Suarez. Voilà donc l'occasion de me "culturationner" ...

Merci Chulo pour ces textes intéressants.

Est-ce que le kiosque à musique s'anime parfois ?

Anonyme a dit…

Moi aussi, j'apprends beaucoup de choses. Et merci pour la carte qui facilite bien l'évasion. Merci. je m'en vais regarder la latitude ( en prenant une loupe).
Gina

Anonyme a dit…

Ainsi, cette île située en pleine zone subtropicale peut se visiter pendant son hiver, sans qu'on en souffre. A se réserver pour des vacances car vous nous la rendez familière !
Gina