Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

mardi 14 septembre 2010

A Olivier et Pierre

J'avais déjà reçu un mail vengeur d'Olivier, s'inquiétant de mon intégrité entre autre mentale. J'avais moi même ouvert en parlant d'un coup de pied de barrique dont on me taxerait.

Il me semble de plus que dans mon texte je ne parle ni de l'avalanche de trophées, dont je me serais passé, ni d'une quelconque tension dans le callejon. J'ai même parlé d'une autre dimension, et que cela ne m'allait ni au cœur ni à la tête. J'ai surtout parlé des papotages plutôt joyeux de callejon.

Ceci dit, si on excepte ces points, j'en conviens essentiels, on savait aussi ce qu'on allait voir, et je prétends que dans le champ de la corrida « commerciale », on a vu ce qui se fait de mieux, malgré tout. Des toros de jolie présentation, certains bravitos, et un ou deux avec une pointe de caste. Face à eux, des professionnels qui se sont un peu tiré la bourre, dans le registre de cette corrida.

Alors j'ai dit Adios Chulo car à force d'exigence, je devenais un pisse vinaigre, un isolé sur son Olympe, et me privais même du plaisir des amis, du pellizco en pénétrant dans les arènes, des verres et des rires d'avant et d'après.

Reste que le « vulgum pecus » pour certains a éprouvé du plaisir voire de la joie ou du bonheur, et quel que soit ce qu'au fond on en pense, au niveau de la dangerosité du processus vis à vis de notre corrida, ce bonheur existe peut être aussi.

Bien sûr le problème est de faire durer inutilement les faenas, et ceci impacte directement la façon de toréer. Le fameux toreo moderne qui oblige peu le toro pour en tirer des passes inutiles. Bien sûr on est dans le domaine de la légèreté, mais quand c'est bien fait, après tout pourquoi pas.

Pour décrire l'intensité dramatique j'ai parlé de tentadero. Je ne sais pas si on peut être plus clair.
Pour le prix des places, je pense qu'on et dans le strict domaine des lois du marché, dont par ailleurs, on sait ce que je pense.


Et je suis tellement naïf que je me demande pourquoi les organisations indépendantes de corridas, en dehors des grosses écuries fricassières, ne peuvent pas se mettre d'accord, alors que surtout en France, elles sont en position de force, pour imposer à ces messieurs d'autres règles du jeu, aussi bien au niveau tarifaire qu'au niveau du choix des toros. Bref revoir le fonctionnement même de la corrida.

Accompagnant cela d'une vigoureuse campagne d'explication, ayant pour base la transparence des transactions financières, ne pourrait t'on pas penser à de possibles évolutions positives, qui éviteraient soit d'avoir des toros dits durs mais sans toreros soit des toros dits bonbons avec les figuras ou figuritas.

Ce qui me paraît en tous cas clair, c'est que la caste existe partout, mais que c'est le processus de sélection qui la masque au profit de la suavité, pour employer un euphémisme. Est ce irréversible? On peut le penser, hélas, tant les caractéristiques zootechniques ont été rabotées, et les comportements sont uniformes.

Qu' Olivier se rassure, je ne suis pas dupe de ce que j'ai vu, mais indéniablement, il y a aussi une dimension festive qui existe, sans trop se prendre la tête. C'est ce que j'avais voulu rendre, mais tout le monde n'est pas écrivain.

Il me semble aussi que prétendre que par exemple Juli ne pourrait pas prendre d'autres toros me paraît très exagéré, de même que le toreo de Morante, lui, exige d'autres toros. Mais les deux s'en tiennent à ces toros, plus confortables et qui pourraient garantir des temporadas et des carrières plus longues et plus « profitables » pour tout le monde.

Alors, je suis un peu fatigué de m'auto flageller, de me priver du plaisir de l'arène et de prendre tous les autres pour des ignares et des cons.

La saison prochaine, je crois bien que je vais reprendre le chemin des arènes, en commençant par les novilladas puis un peu Madrid pour me refaire le palais, bien qu'actuellement Madrid!.

Je saurai aussi ce que je vais voir.

Il en est de la corrida comme des vins, des légers, fruités et courts en bouche, d'autres qui râpent et enduisent le gosier, d'autres qui vous parlent. Il en est de la corrida comme de la littérature, de la légère, et de celle qui vous envahit. Dans tous les cas, il y a du bon et du mauvais, du bon léger et du mauvais lourd. C'est ainsi.

Dans tous les cas, il peut aussi y avoir du bon, quels que soient nos goûts personnels.

Si Olivier est sincère, il sait fort bien que je suis infiniment plus proche de Vidal que de Zocato. Ceci dit, il fut un temps où Madrid était un incubateur ou un laboratoire taurin, un passage obligé de tous les risques. Le fameux 7, l'âme maintenant damnée des Ventas, n'est pas non plus exempt de reproches, qui a imposé un toro trop lourd et a détruit les petits encastes. Bien sûr ce rôle gênait les corridas maker et la tele a détruit ce rôle d'influence essentiel, au profit d'un essaimage d'affairistes de tous crins. Vidal avait la nostalgie de ce rôle incubateur et jacobin, mais aussi de juge et d'arbitre par ailleurs si nécessaire. Mais c'était un excellent écrivain, capable aussi de la plus saine mauvaise foi. J'adore ça!

Et les quelques figuras qui orchestrent nos corridas devraient aussi comprendre qu'il serait de leur intérêt de figurer face à certains encastes maudits et accepter cette caste si nécessaire à la crédibilité de la corrida.

Je ne pense pas que l'art se décrète non plus: la littérature est un art sauf que nombre d'écrivains sont loin d'être des artistes, idem pour la peinture, le chant etc.

L'art ne peut naître à la corrida que face à ce danger sourd qu'amène la race et la caste, cette confrontation de plus improbable avec un torero capable d'être élu par le duende et ne raisonne pas uniquement en termes de petite entreprise et de compte d'exploitation. Ça s'appelle l'aficion non et le talent? Dans la majorité des cas, c'est donc bien un spectacle et de plus, festif. On peut le déplorer, c'est ainsi. Ceci fait beaucoup de conditions donc pour qu'apparaisse l'art. Et les mêmes qui encensent Paula et Curro étaient peut être les premiers à les mépriser ou à se foutre d'eux.

A cette corrida, je n'ai pas vu d'art, j'ai plutôt vu une exhibition de ce qu'il faut bien nommer des virtuoses. Et beaucoup de gaité voire de bonheur. Après tout, encore une fois, pourquoi pas.

Ce n'est pas ma corrida. Simplement, j'ai envie d'aimer à nouveau le rire, les déconnades et prendre un peu de recul sur des choses, finalement sans importance.

Et puis le son est diffusé, chacun l'entend à sa façon. Voilà c'est ainsi.

Ma corrida est morte et je crois que je ne la retrouverai qu'à l'issue d'un hasard, d'un geste, d'une respiration, d'un détail. Mais l'art qui ne se décrète jamais n'est que détails.

J'attendrai donc qu'un novillero ait la lenteur de Curro Vasquez, d'Ordonez,du grand Curro et du Paula ou du Morante tourmenté pour me dire que j'ai une raison d'espérer. Sinon, on dira que le temple qui s'arrête au profit d'une horloge fricassière n'est qu'un effet de poignets ou une illusion.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est fou ce qu'un simple mail (vengeur ou pas) peut déclencher. Je ne m'attarde pas sur tes explications historico-technico-financiéro-tauromachiques : ma culture en ce domaine est quasi-nulle. Ce qui ressort de ton ressenti du moment et de tes émotions est plus intéressant. Tu sembles dire que puisque le sublimissime, la perfection absolue, le "plus ultra" (cela ne te rappelle rien, querido Chulo ?) s'ils existent sont dans des probabilités de l'ordre de l'infinitésimal, tu as raison de vouloir poser un regard paisible et serein sur des choses simples, des bonheurs inattendus, les partages sans aprioris ni arrières-pensées.
Quelle vision sans compromissions tu fais de toi-même. Sans doute l'apanage de ton âge (que l'on dit certain) qui sait tirer le meilleur de sa riche maturité.

P.S. Je ne sais pas si tu publieras mon texte car les deux autres envoyés se sont perdus dans les limbes ..... décidément, l'informatique n'est pas notre fort !
Maja Lola

el Chulo a dit…

Chère Maja,

c'est toujours un plaisir de lire, lorsque tu domptes les caprices de l'informatique.

Pour le reste: M/AA= 4/44, taureau.

La France n'était pas encore libérée et Franco continuait sa "limpieza".

Je regrette beaucoup tes deux testes qui se seraient perdus dsns les tuyaux imprévisibles de l'Internet.

Un beso Maja

el Chulo a dit…

ah j'oubliais maja, tu devrais absolument lire las cronicas de Joaquin Vidal, le livre existe en français mais je pense que pour une spanish c'est mieux d'en profiter dans la langue du divin manchot.
c'est très bien écrit, (très très bien), très et délicieusement méchant, parfois de mauvaise foi, je pense, mais aussi prémonitoire de ce qu'est devenu la corrida.
un beso maja!

La condesa de Estraza a dit…

Sigo sin leer los textos, qué putada, Chulo, amigo, pues sé que me estoy perdiendo algo importante. A simple vistazo y dado mi pobre francés algo medio pillo, pero lamento mucho que momentáneamente no me pueda empapar como me gustaría.

Anonyme a dit…

Merci Chulo pour tes conseils de lecture.
Les deux textes envoyés et perdus l'étaient sur "Le Deck is back" et "Gymnastique révolutionnaire" (là il s'agissait d'un remate).

Je vois que la condesa développe une frustration compréhensible. Ah cette barrière des langues ...
Un beso
Maja Lola

Xavier KLEIN a dit…

Ci dessous le lien de la réaction à ton article.
Une réponse trop longue pour figurer sur ce blog.
Apaise toi, cher Chulo!
Tu as vécu un moment de plaisir. Tu nous le livre avec des mots de soie dont nous jouissons, mais pourquoi devrais-tu le justifier?
Tu es libre de tes joies.
http://bregaorthez.blogspot.com/2010/09/le-songe-illusoire-dune-apres-midi-dete.html

Bernard a dit…

Chulo ami,

Mais oui, Xavier a raison: tu es libre de tes joies!... Et "Honni soit qui mal y pense"!... Parce que sinon, comme on dit dans mon Sud-Est, tu te fais du mauvais sang! Et ça, au sens propre du mot, c'est pas bon pour santé - qui nous est chère!...

Abrazo - Bernard

el Chulo a dit…

condesa,

te he contestado en tu mel.

un beso guapa!