Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

lundi 31 janvier 2011

Maja Lola nous parle de Rocio de Francis Marmande

ROCIO
(Francis Marmande)

Chulo, tu m’en as conseillé la lecture. Et je suis donc partie m’égarer dans ce pèlerinage mythique qui met sur les chemins des milliers de sévillans tous les ans, à Pentecôte, pour aller vénérer la virgen del Rocio dans les marais du Guadalquivir. Huit jours de marche, huit nuits à partager et à vivre pleinement avant l’aboutissement du voyage : la rencontre avec la vierge.
Observateur au cours d’une immersion dans une foule dense,  bigarrée,  atypique et fervente, F.M. nous délivre une oeuvre extrêmement originale sur ce phénomène qu’est la « romeria » del Rocio.
Car ce pèlerinage est un évènement à nul autre comparable, y compris aux autres « romerias » qui se déroulent dans diverses régions. Particularisme du sévillan, de sa foi et de son environnement naturel. Tout concourt à une communion universelle : hommes, animaux, nature.
F.M. l’a bien compris puisqu’il se livre à ce voyage initiatique totalement fou et souvent presque irrationnel.
Son regard se fait critique, amusé, agacé, passionné et dissèque de manière très fouillée les pulsions et sentiments que son œil capture. Mais au fil de l’écriture, on sent parfois son abandon à la foule, au délire, comme enivré lui-même par cette vague  en marche, selon un parcours immuable depuis des siècles.
Pragmatique et cartésien dans certaines analyses où il se fait œil observateur distancié, il « lâche prise » parfois, broyé et absorbé par cette machine humaine qui aspire et envoûte le long du chemin.
Comme à une bacchanale débridée mais autorisée au cœur d’une dévotion divine, une jouissance de tous les sens cautionnée, avalisée par la foi, les sévillans s’abandonnent dans un tourbillon de folie et de joie de vivre.
Mais la douleur est aussi là. Générée par la longue marche sous un soleil écrasant. Même si la fatigue et l’épuisement sont vite oubliés autour d’un feu « compartido », d’un verre de vin conciliateur, d’une danse joyeuse, d’une œillade assassine … Scénario chaque jour recommencé.
Là où F.M. voit parfois une théâtralisation, je vois plutôt un plaisir de se sentir vivre, exister. De le dire, le montrer aux autres, le transmettre par tous les sens. Le sévillan est ainsi. Sa démarche, son allure, sa parole, ses gestes, sa parure … tout est prétexte à dire : « Vois. Je suis là. J’existe. Je suis heureux. Je t’apprécie.  Partageons ces moments ». Nulle recherche de comparaison mal venue, de rivalité (hors sujet).  Toutes catégories sociales confondues, toutes origines. Le point commun : le rendez-vous avec  la Vierge du Rocio.
Bien sûr que la foi n’est pas le seul moteur à cette marche, à ce délire. Et qu’elle n’est que le prétexte au partage de ces quelques journées de quête commune. Mais tant de choses s’échangent le long du chemin. La distance prise avec le quotidien, la joie de la fête partagée sont telles que le «  rociero » vit des instants inoubliables, comme une parenthèse hors du temps.
Et, dans ce contexte qualifié de religieux, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle entre la semaine sainte de Séville empreinte de recueillement, de gravité et de dévotion dans un silence pesant et l’explosion de joie, d’allégresse, de fête si emblématiques du Rocio. Nuit et jour, lune et soleil, ville et campagne, recueillement et délire …. Toute la dualité des andalous qui vivent leurs émotions sans inhibitions ni complexes. Capables d’un flamenco « puro y sentido » et d’une danse sévillane joyeuse et séductrice. D’une dévotion profonde jusqu’au paroxysme et d’une débauche sensuelle sans complexes.
L’auteur lui-même s’égare : tout au long de la lecture. Son écriture devient parfois étrange, les mots évoquent des paysages hors contexte, il se permet des évasions où, je l’avoue, je n’y ai vu aucune cohésion avec le récit. Comme s’il était lui-même parti dans un délire sans unité de temps ni d’espace. El embrujo del Rocio ?
Un livre à lire pour le plaisir d’un voyage étrange et singulier, intemporel parce que faisant perdurer  un rituel immuable qui se décline tous les ans depuis le quinzième siècle et qui semble n’avoir perdu ni son âme ni sa raison d’être.
Merci Chulo

Notes ou précisions de l'heureux bénéficiaire:

J'avais effectivement demandé à Maja un commentaire sur le Rocio de Francis Marmande. J'ai découvert ce livre il y a quelques années, avec surprise. Dérouté parfois par l'écriture, l'absence apparente de construction. Puis peu à peu de relecture en relecture il m'est apparu comme quelque chose d'importance. Tiens, ma mère de 88 ans me l'a redemandé pour le relire une troisième fois, toujours avec autant de plaisir m'a dit cette insatiable lectrice. Puis je me suis pris de plus en plus à aimer l'écriture déroutante et cette glissade dans un monde si particulier et étrange pour un athée revendiqué.
L'intérêt de l'analyse de Maja Lola, espagnole très cultivée, toujours tolérante et mesurée, mais aussi croyante revendiquée était justement son regard de croyante sur cette peinture qui peut sembler iconoclaste d'une procession interminable, et aussi, peut être pour les rares lecteurs de ce blog, l'occasion de leur faire découvrir, peut être cet auteur si particulier et son écriture magnifique.

Donc, merci Maja, paisana de Miguel Hernandez et qui me fait regretter de ne pas possèder la langue du divin manchot comme elle la notre.

Un beso

17 commentaires:

Marc Delon a dit…

Ô rage Ô désespoir qu'avise-je ? Que constat-je ? Que me duele ? Je me serais fait doubler ? Au mercato des recrues collaborantes bénévoles on m'aurait dévoyé une des "miennes" ????????
je te soufflete de ma hot-line et pas plus tard que demain matin à l'aube dans le ruedo dacquois, quoi, moi et mon carquois t'attendrons pas attendris pour tenter de tendre vers la justice !
Maja t'es plus Lola, enfin l'inverse, je te répudie, et s'il advenait que Gina ici écrive la moindre strophe, je m'immolerais par le feu sur le champ ! Mon briquet est déjà dans ma poche. Comme quoi, répétez à une femme qu'elle est élégante deux ou trois fois et hop, emballée elle est soupesée !

Pour vous deux, affreux comploteurs félons, cette copla :

j'enrage d'avoir une vigne qu'un autre me vendange !

el chulo a dit…

Oui, j'ai hésité!

Maja sera ravie d'être ta vigne! Feuille de?

Marc Delon a dit…

Pour ce qui est de "Rocio" j'avoue n'avoir jamais réussi à le lire. Et bien que je n'ignore pas son talent, j'ai du mal avec le personnage. Je suis un peu le concernant, comme à une table où les convives ne cessent d'exprimer des superlatifs sur le vin alors que dans ma bouche, ça ne colle pas...
Pour être allé l'écouter à deux reprises en conférence, j'ai été assez troublé qu'un si vif talent ne soit employé qu'à ce discours auto-centré au service d'un cabotinage forcené. Qui passe certes, puisque intelligemment ammené, de loin, avec subtilité mais au service unique de sa propre gloire. De plus, il est rare qu'il n'écrive pas pour régler des comptes avec la terre entière comme s'il fallait absolument prouver sa supériorité sur elle - et surtout sur les aficionadeaux, un terme à lui... -je lui sais gré de m'avoir envoyé une contribution à ma fameuse question : Pourquoi allez-vous...
Et ce que j'en dis correspond plus à une admiration déçue qu'à une agressivité à son encontre, qu'on ne se méprenne pas.

el chulo a dit…

Intéressant commentaire.
En effet FM semble cultiver le genre de goût pour une répulsion qui éloigne dans un premier temps, c'est vrai.
Peut t'on écrire en "sachant" la littérature, tous ses ressorts et articulations et analyses? sinon, jouer.
Vaste débat!
Mais ce livre et sacrément écrit, crois moi.

Maja Lola a dit…

Que lis-je ? Que comprends-je ? Qu'interprète-je ?
On s'offusque ? On enrage ? On extrapole ?
On m'accuse de dévoiement ? De frivolité induite par quelques compliments ?
C'est bien mal me connaître, querido Marcos.
Et comme je suis loin d'être une vigne et encore moins vendangeable sans mon accord, je revendique cette affirmation (pour en paraphraser une célèbre) : "ma plume m'appartient" et a été loin de manquer de générosité à ton encontre, ce me semble.
Bon. Et bien à présent que me voici répudiée, je vais cacher ma tristesse, pleurer amèrement et battre ma coulpe pour cette faute et cette trahison que rien ne pourra racheter. Douleur et désespoir m'étreignent ....

Hou-hou ... Gina ! On déjeune ensemble mercredi ? Comme ça. Entre nanas ...

Anonyme a dit…

Merci à Chulo d’avoir invité Lola à donner son point de vue et sa belle écriture. Des désirs de voyage naissent, de lecture aussi.
Le premier commentaire de Marc, c’est à se tordre de rire !
Et je me rappelle aussi avoir lu quelque part des lignes émouvantes sur cette Vierge del Rocio, sur la foule des fervents, des curieux et des fêtards qu’elle rassemble ( car les pèlerinages ne sont pas que des occasions de pénitence et de prière !). C’était dans Sentiments aficionados 2, écrit par…un certain Delon.
Gina

Marc Delon a dit…

"amené" ! un seul "m" ...

Marc Delon a dit…

Pour vous tordre autre chose que le rire je vous rappelle votre rendez-vous de demain à mon cabinet : 10h30 !

Anonyme a dit…

D'accord Maja Lola, et d'accord Marc, je ne suis pas à une torsion près !
Gina

el chulo a dit…

ne me tentez pas Gina!

Marc Delon a dit…

merci à Chulo et gnagnagna... répudiée aussi ! Aaah enfin seul chez moi...

Sinon, ça devient torride chez les retraités de la hotline... ! je vous laisse à vos contorsions, j'ai une déesse Africaine à la peau de velours à détordre sur le coup des 17 H ...

Anonyme a dit…

Pourrait pas se détordre toute seule ?

Gina

el Chulo a dit…

faut bien qu'il gagne son pain, voyons gina!

Marc Delon a dit…

en même temps elle ne vient pas "à l'insu de son plein gré" emmenée par deux infirmiers psy... et dire que je suis payé pour promener mes doigts agiles sur son corps de rêve... franchement les gars, je me mets à votre place, ça doit être dur de lire des trucs comme ça... enfin ça y est, le corps à corps est terminé pour aujourd'hui, j'en suis sorti presque indemne mais elle revient mercredi ! Un que je n'aimerai pas masser c'est Marmande : il doit y avoir des bouffissures égotiques sur tout le corps...

el Chulo a dit…

si tu le dis!

Marc Delon a dit…

... si je le dis... c'est peut-être faux...

Maja Lola a dit…

Attention Marcos. Les détorsions après 17 heures c'est peut-être un peu déconseillé, non ? Ca risque de t'empêcher de dormir le soir et ce n'est pas bon pour la santé (il paraît ....).
En tout cas, bichonne-nous bien notre Gina ! Sinon tu risques d'avoir une descente punitive dans ton cabinet.