Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

mercredi 10 août 2011

un dimanche matin sur la colline du Père Pedro 2

Voilà, en fait au sol, une fois le gymnase plein, cela faisait une croix, avec des allées devant, derrière et sur les cotés. Cela ne devait rien au hasard.










Il y avait des invités : un père slovène comme le Père Pedro, un autre dont on apprendra qu'il s'occupait d'une léproserie, l'autre qui récupérait les « aliénés » dira t'on. On imagine mal ce que cela peut être ici. Je les ai vus en conciliabule dans le « presbytère ».







La musique était en place depuis un moment. ( me cago! la photo est encore de Mathilde). Curieux assemblage de percussions, de cordes, de cuivres, un violon et un accordéon. Tous des hommes ici. Mon épouse, Mathilde et Mamy avaient pris place sur un banc, au pied de l'estrade. Surplombant l'orchestre un groupe de femmes de rouge vêtues, quelques enfants aussi, dont une toute petite fille vêtue d'une fausse peau de je ne sais quoi. La musique a démarré puis les chants des femmes en rouge. Parmi elles, une voix, puissante, un peu gutturale comme ces chants du Pacifique, ou comme chantent aussi les malgaches lorsqu'ils retournent leurs morts, magnifiquement juste aussi. J'en ai eu les larmes aux yeux et la chair de poule, car je ne voyais pas dans le groupe qui chantait aussi, seulement, sa voix, comme un cri harmonieux quoique strident, qui m'avait envahi.



Je m'étais installé dans le tendido Sud, pour prendre de la hauteur, au milieu d'une foule assise qui, sans un regard, s'était écartée sur mon passage. Vous le dirai je aussi, saisi par une odeur jusqu'alors inconnue, ou juste pressentie dans certains quartiers que nous avions traversés : âcre et forte. Pas de sueur non plus, comme une odeur d'un vieux sac de jute ampli de paille rance. Je n'ai pas de mot, en fait. Depuis je tourne cette phrase dans ma tête, de peur de la dire et qu'elle soit mal interprétée, mais oui, voilà, la misère a une odeur qu'on ne peut pas confondre avec le Numèro 5, même aspergé sur du pas net. Elle s'est gravée dans ma mémoire. Devant moi, une femme donne le sein à son bébé.



L 'orchestre avait pris une belle assurance, le son s'était arrondi, tout en conservant une disharmonie particulière mais toujours musicale, et cette voix, que les autres voix ne parvenaient pas à couvrir ! Je m'attendais à quelque chose de très « Gospel », en fait c'était de Madagascar, du Pacifique et de la colline d'ici, « AKAMASOA » , « les bons amis ». Sûrement très malgache, comme une âme ensevelie et opprimée qu'on libérerait pour un moment, un instant de grâce, avec une gaîté naïve et grave, comme au bord des larmes. Ils sont entrés en procession par la grande entrée Est du gymnase . Le Père fermait la marche, souriant aux enfants qui venaient à lui. Dans cette odeur de musc et ce son d'un autre monde, j'ai pensé au Madiran que nous allions chercher avec mon père chez un vieux monsieur, sur les hauts de Maubourguet, il y a si longtemps, lorsque le Madiran était le Madiran, rugueux, terriblement tannique, âpre et brûlait avant de libérer ses arômes de terre, de roches, de galets du gave, de cèpes, de violette et de feuilles mortes, ses vieux ceps tordus hors d'âge, mais historiques, et ses barriques qui, lorsque la bonde était ôtée soufflaient des nuages rugissants de senteurs violentes, comme une lampe magique. Allez savoir pourquoi ! (pardon Bernard Largocampo pour cette digression œnologique iconoclaste et incompétente).



Je ne conterai pas le détail de la liturgie à laquelle je n'entends rien. J'ai le souvenir de chants et de danses constants et la présence écrasante du Père Pedro. Un vrai « show man ». Je sais qu'il a parlé longuement en malgache. D'une voix de galets roulés par le gave. Je n'ai vraiment rien compris, mais les trois ou quatre mille assistants alternaient gravité et rires d'enfants en joyeuses cascades. Toujours, il va au contact, un peu comme s'il en éprouvait un besoin impérieux. Puis à un moment il promené le Livre dans tout le stade, en musique évidement. J'ai pensé à Charlton Heston dans les Dix Commandements ». Le Père Pedro est grand, massif, avec des épaules de déménageur et des mains de travailleur de force. Mamy m'a dit qu'il parlait un malgache quasi parfait, avec une infime pointe d'accent. Habituellement, ça le fait marrer les vasaha qui parlent le malgache. Il paraît que c'est plutôt difficile.



Puis toujours en musique et, lui chantant avec la foule, le Père Pedro est parti une nouvelle fois dans le stade cueillir des enfants, des vieilles, des femmes et une petite albinos. Ils se tenaient tous par la main, la petite albinos juste derrière lui. Et il a à nouveau parlé en français. Je compris alors pourquoi les vazaha étaient recensés à l'entrée. Il parle un excellent français, un excellent espagnol car il a commencé son œuvre en Argentine et m'a t'on dit un très bon anglais et allemand, plus certainement quelques langues de l'EST. Il a dit que Dieu, aimait les pauvres et les démunis, les enfants, les femmes dans la misère, les veuves et les vieilles. Il nous a dit qu'il savait que nous les étrangers du Nord, nous avions aussi nos problèmes mais qu'il y en avait aussi à Madagascar . Il a dit que la seule mission de la politique et des politiques devrait uniquement être de penser à cette misère et de la soulager. Il a dit que les politiques devaient abandonner leur vanité, leur suffisance, leurs compromissions avec les pouvoirs d'argent, et qu'ici, à Madagascar, il aimerait les voir en dehors des périodes électorales. Puis il a remercié le Prince Albert de Monaco qui selon lui a fait un mariage modeste et pense toujours à AKAMASOA. En effet Monaco est un des principaux donateurs, et Albert les visite souvent. Il lui a souhaité tout le bonheur du monde et a invité la foule à prier pour lui et sa femme. En toute franchise, même si j'avais su, je ne pense pas que je l'aurais fait. En revanche il a avoiné la cour d'Angleterre et ses fastes et son absence de générosité. Bon ! Il a aussi parlé de la petite albinos, affirmant qu'il n'osait pas dire ici le sort qui aurait pu lui être réservé. J'ai ma petite idée depuis que Mamy m'a confirmé qu'effectivement, pour le jumeaux par exemple, dans certaines contrées du Sud, on les plaçait à la sortie d'un enclos à zébus qu'on lâchait, et que s'il en restait un en vie, on le gardait. Jamais les deux. Ah, les interdits et les « fady » de Madagascar !




Ils ont fait aussi la quête, et je compris pourquoi une armée de bâtons prolongés par un filet en forme de nasse étaient stockés au bord de l'estrade. On m'en a évidemment mis un devant le nez. Je n'avais pas d'argent sur moi. Nous le laissons au coffre de l’hôtel avec les passeports et les billets d'avion. C'est mon épouse qui en avait sur elle, pour payer le gas oil si besoin et le restaurant. J'ai eu très honte, me demandant ce que les assistants pouvaient donner. Toujours en musique et danse qui accompagna la sortie des religieux, par où ils étaient entrés. La musique et les chants ne voulaient pas cesser. Au bas de l'estrade, une vieille s'est mise à danser, suivie par une jeune femme bien ivre, et quelques autres.



Nous nous sommes retrouvés en bas, sonnés et abasourdis, avec le souvenir de moments d'émotion intense qui nous avaient emmenés au bord des larmes.





A suivre

PS: je tiens à remercier ce virtuose de Marc Delon d'avoir sauvé les photos de la petite albinos et de la femme à l'enfant. J'ai des petites videos de Mathilde mais je ne sais toujours pas comment les intégrer! Me cago!

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo pour cette émouvante franchise qui nous associe au déroulement, à la vision, à l’écoute et presque à l’odeur de tout.
Gina

Bernard a dit…

Chulo ami,

J'ai hésité à te répondre au sujet de ton commentaire sur "ton" Madiran, mais après tout ta digression en était si peu une d'avoir été écrite au fil de la plume d'un texte si fort, que c'aurait été en quelque sorte "me la jouer" que ne pas te répondre ici!...

Non, ta digression n'est ni "iconoclaste", ni "incompétente". Car, d'une part, tes mots - disant tes émotions et les ayant donc conservées - m'ont évoqué des vins que j'ai un peu connus, et qui n'existent presque plus, probablement parce que nos palais - devenus bien plus "amignonnés" que civilisés - ne les veulent plus connaître (de même qu'au sein du "mundillo" certains "petits marquis" - tout aussi amignonnés - ne veulent plus voir des encastes qui donc vont disparaître...). Et d'autre part, en cette matière vineuse, tu sais aussi bien que moi - tu es aussi compétent que moi pour savoir - que justement la compétence est parfois (souvent?) le paravent des tartufes qui vinifient "de profil" (et qu'il y a donc bien plus de proximité qu'on ne le pense entre vin "moderne" et toro "moderne").

Et puis - et surtout, merci pour tes deux textes.

Abrazo fuerte - Bernard "Largocampo"

Marc Delon a dit…

Chulo tu déconnes, j'aimerais bien, mais en retouche je ne suis qu'un "grand nain" !

el chulo a dit…

Un grand nain, c'est un petit géant ou un type normal?

j'épluche le "how to use" de gimp.

el chulo a dit…

Mon, cher Largo Campo,

c'est le "presque disparus" qui m'intéresse. Peut être me feras tu connaître un rescapé?

En vérité, c'est le Madiran de papa qui m'est venu en tête, et je l'ai dit.

Les futilités sont bien moins futiles qu'ont veut bien le dire,mais celà tu le sais, et il faudrait faire attention à ne pas ramener la corrida à un Bordeaux pour la Chine.Mais c'est déjà fait!

Ma chère Gina,

merci!

pedrito a dit…

Du beau texte tellement imagé, bien conté, passionnément ressenti, et transmitido con arte y valor.
Bravo, cher Chulo, on attend la suite, et on a aucun mérite....

Marc Delon a dit…

Gimp.... sauf que tout le monde ayant Photoshop le jour (proche...)où tu nous demanderas un renseignement on te dira que gimp on connait pas et que si tu avais pris PS ben on aurait pu te renseigner... ce qui n'est pas un avantage négligeable ! Ces jeunes... faut vraiment tout leur expliquer. Bon, si Mathilde est une experte de gimp, j'ai rien dit.

el Chulo a dit…

ce n'est pas Mathilde l'experte en Gimp et photoshop, c'est mon,autre fille journamiste. A priori, et d'après elle, les performances des deux produits seraient tout à fait comparables, au moins pour les retouches. Elle a souvent des stagiaires journalistes qui utilisent Gimp, alors qu'elle utilikse Photoshop.. De plus, Gimp a l'avantage non négligeable d'être gratuit, comme Open Office ou Scribus pour la PAO. Voilà je n'en sais pas plus!