Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

lundi 30 janvier 2012

Toro au coeur


Le petit toubib est entré encore plus pâle qu'à l'accoutumée, presque verdâtre, coiffé en pétard, comme toujours, ses tifs en cratère autour de sa vaste calvitie précoce, comme s'il sortait de son lit. Pas un bavard celui là. Une semaine avant, on avait percé ma poitrine, pour voir. « On ne comprend rien » dit t'il, « c'est dans votre cœur et ça a la forme d'une tête de taureau ». « Avec les cornes? » J'ai demandé. « Avec les cornes ». Il est reparti avec l'air emmerdé qu'il a toujours, mais un peu plus emmerdé, ajoutant qu'il allait en parler à Bordeaux. J'étais bien avancé. Ici, quand on ne sait pas, on en parle à Bordeaux.



Depuis que je suis à la retraite, j'ai du mal à monter les escaliers, le souffle court aussi. Alors, j’ai presque arrêté de fumer et fait construire un agrandissement, chambre, salle de bains, toilettes, télé, bibliothèque, bureau pour mon ordi, une manière de chambre d' hôpital, plus spacieuse, une suite plutôt, car je n'ai aucun soucis d'argent, très claire et ouverte sur les arbres du parc que Maria aimait tant, par de vastes baies vitrées. Le bureau d'en haut est fermé, ainsi que les chambres et les salles de bains. Personne ne vient plus me voir, et je m'en fous. A l'exception de Tonio et de Gina.



Ma fille fait sa vie en Australie avec un abruti, incendié de la tignasse, bouffeur d'aborigènes, de couilles d'agneau qu'il castre avec les dents, de crocodiles et de kangourous. Elle dit que depuis que sa mère est morte, elle ne peut plus venir ici, et puis, il y a MSN. Tu parles, il y a quinze ans que Maria est morte et notre fille n'a même pas pris la peine de venir, alors qu'elle fait ses courses à Londres. Le flamboyant est du style propriétaire terrien opulent. Et comme il ne m'a jamais invité, ni elle, il est vrai, je ne suis pas allé là bas. J'aurais pu, mais je n'aime pas les mygales, elles me font peur, tout comme les serpents, sans parler des crocodiles ni des requins. J'aime encore moins sa grande gueule de « bushman ». Donc, je regrette, sans plus; sans moins non plus, car elle ressemble à Maria.



Ici, depuis quinze ans aussi, Gina fait le ménage, tous les jours et prépare mes repas. Elle ne prend jamais de vacances Gina, elle est seule, comme moi. Alors, d'une certaine façon, chez moi, c'est chez elle. Toutes les semaines, elle nettoie l'étage à fond, « pour que ça ne s’abîme pas ». Quand je ne l'entends plus dans la chambre du haut, je devine qu'elle regarde mes photos de torero. Celle de mon toro de présentation de novillero à Madrid où on m'emporte à l'infirmerie en toute hâte. Maravilla, il s'appelait ce toro! Une « puerta gayola » et le toro en plein buffet. La corne est passée près du cœur et s 'est promenée dans un poumon. Ça la faisait pleurer Gina, de me voir les bras en croix, dans mon beau costume. « Vous auriez pu mourir ». J'aurais pu. Alors, nous faisions l'amour.



Après le coup de corne, j'ai repris mes études de droit puis fait l'avocat, comme mon père dont j'ai repris l'opulent cabinet. Une vie normale, très aisée de notable du Sud Ouest, avec Maria, jusqu'à ce qu'elle me laisse, au bord de la route, et que Gina me recueille. Je n'ai plus retouché une cape, même pas en « tentadero ».



Tonio n'a plus ni père ni mère. Il vit chez sa tante dans un campement de gens du voyage comme on dit. « Je peux entrer? » m'avait t'il dit un jour. Comme ça. Je lui ai dit "oui, si tu me piques rien". Depuis, il vient tous les jours le Tonio, après l'école, les autres jours aussi. C'est sur son chemin de vers nulle part. Gina lui donne son goûter, puis il s'assied avec moi dans mon bureau du bas, parmi les livres. Il réfléchit parfois intensément, et sa tête se fripe comme un pruneau. Sa passion serait de voir mon coup de corne. « T'as eu un trou ? » me dit t'il. Aujourd'hui il a ajouté: « Je te dis Gina, elle ne dit que des conneries », comme pour se rassurer. Il me raconte aussi ses histoires de 6éme, la prof de français qui l'emmerde, un gros tas de Louis qui le traite de « gitous », et une petite qu'il aimerait embrasser, mais elle l'évite. Elle est « bourge » me dit t'il. Il a de bonnes notes Tonio, pourtant je ne le vois jamais travailler, je paie sa cantine, les fournitures scolaires et Gina s 'occupe de l'habiller, à mes frais. On avait essayé de l'envoyer dans une espèce de colonie de vacances, mais assez évoluée, Il ne voulait pas dormir dans le dortoir. Ils l'ont retrouvé plusieurs nuits dormant sur la dune, et nous l'ont renvoyé. Il me dit qu'il travaille la nuit dans la caravane. En fait, je ne lui ai jamais rien demandé, c'est ainsi. Sa tante le reprend vers 19 heures, quand elle rentre de la ville. Elle siffle un bon coup, au portail, et n'a jamais voulu entrer. Tonio avait dit, un jour, « elle picole tatie, parce qu'elle est triste et ne sait pas lire ». Il ne sait pas encore que les riches, qui savent lire picolent aussi, parce qu'ils peuvent être aussi tristes, ou qu'ils s'ennuient, sans les soucis des pauvres. Gina lui donne des provisions et souvent le repas du soir. Tonio, dit « bon j'y vais. Qu'est ce que tu nous as fait à manger ce soir Gina? ». Maria savait siffler aussi, très fort, bien plus fort encore, elle avait appris ça au « campo », pour rappeler les chiens.



Depuis que les cornes ont poussé, j'ai de très fortes quintes de toux, et parfois, le sang me vient à la bouche. Alors je suis allé chez le notaire et ai réglé mes affaires, comme on dit. Une pension pour Gina équivalente au salaire que je lui verse, jusqu'à sa retraite, et le droit d’occuper la maison et aussi de quoi surseoir aux besoins éducatifs et autres du Tonio. J'ai aussi laissé une lettre d’explications pour ma fille. Lorsque je suis rentré, j'étais soulagé. J'ai tout expliqué à Gina, sans grandes précautions, comme toujours, où trouver les papiers, surtout. Elle a pleuré. Alors je lui ai demandé de rester cette nuit avec moi. Elle est maintenant un peu grassouillette, mais son corps est soigné, tiède et doux et sent la savonnette. Elle m'a pris dans ses bras et j'ai pleuré doucement, à mon tour, avant de m'endormir.



Le matin, j'ai décidé de partir. J'ai téléphoné à Javier, le père de Maria. « Bonjour Javier, j'arrive ». « Tu es chez toi fils », il m'a dit, comme toujours. Chez moi, c'est chez Maria, dans le Campo Charro, où Javier maintient toujours à grands frais une lignée de toros dont les vedettes ne veulent pas. Il avait envisagé de détruire son troupeau au profit d'un sang plus commercial. Maria lui avait dit que s'il faisait cela, elle ne remettrait plus les pieds à « Las Encinas ». C'était sûrement faux, mais il n'avait pas voulu prendre le risque. Maria était son enfant unique et il était veuf. Gina avait préparé ma valise, comme toujours avec des « emmenez ceci, emmenez cela, il fait froid là bas ». Avant je la laissais faire et partais avec 50 kilos de bagages quelle que soit la durée du séjour. Je lui ai dit, je n'ai besoin de rien, cette fois ci. Elle m'a accompagné jusqu'à la voiture, et m'a fait un signe de la main lorsque j'ai démarré. Elle pleurait.





Il faudrait que je demande à Javier, mais en fait, cela n'a plus la moindre importance, comment, après mon bac, j'ai pu débarquer chez lui, pour une année sabbatique. Mon père ne me l'a jamais dit, mais il avait arrangé sûrement l'affaire pour me féliciter de mon beau succès. Le fait est que j'avais débarqué au premier tentadero chez lui, dans une tenue de campo parfaite, neuve de pied en cap, capes et muletas flambant neuves et pliées. On aurait dit une "figurita" en visite. Javier il m'avait dit," je peux te prêter une cape et une muleta qui ont servi, et tu n'as pas un autre costume?" . Trois apprentis me regardaient en rigolant, mais discrètement, on ne sait jamais. J'avais bien vu qu'ils se foutaient de moi. Maria me faisait face, je m'en souviens comme d'hier adossée à un burladero, contre une cape complètement ruinée. Elle me regardait avec du rire dans ses yeux de nuit. « Je vais arrêter la vache » avait t'elle dit à Javier, et sans attendre la réponse, s'était placée.



Les vaches sortent ici éperdues de colère, avec peu de volume, mais une fureur impressionnante. Maria avait levé sa cape à deux mains, la balançant de droite à gauche pour vérifier si la vache la voyait, puis lui a donné une première passe vers l'extérieur, puis l'a reprise, « heyyyyyyyyy vaquita » de cette façon "campera", privilégiant l'efficacité et la mise à l'épreuve de l'animal. Après une série nerveuse, testant chaque fois un coté de l'animal, elle lui fit un "recorte" violent, pour l'arrêter. Les flancs de la vache, éperdue de colère, battaient en soufflet; Maria reprenait son souffle aussi, la regardant immobile et réajustant doucement sa prise de cape.

à suivre, un jour!

19 commentaires:

Marc Delon a dit…

Chulo, salaud, on est toujours sur le fil du kleenex, prêts à chialer... c'est bon, recommence ! Je ne sais pas quelle est la part biographique, on la devine un peu, mais continue cachotier, je me suis régalé !

Maja Lola a dit…

Quel beau texte Chulo. Un récit bien rythmé qui te dévoile certainement un peu (il y a des "pistes") mais qui éveille tant de choses enfouies de nos jeunesses ...
N'est-ce pas cela la richesse d'un texte ? Le savourer et ressentir qu'il remue des choses en nous ?

Ecris-nous vite la suite ... no tardes !

Anonyme a dit…

Chulo, je ne lis pas les commentaires qui précèdent. Après.
J'ai parcouru cette page. Tout de suite on est pris par l'histoire et je me suis demandé jusqu'à la fin qui pouvait bien être l'auteur, d'où elle povait être tirée. Ce n'est qu'au dernier § que j'ai pensé qu'elle appartenait à l'écrivain doué que vous êtes. On y retrouve le ton et la finesse. Alors je m'interroge encore, fiction, autobiographie, départ d'un roman...
Gina

Anonyme a dit…

Maintenant, j'ai lu et partage les enthousiasmes.

Gina

Anonyme a dit…

Comme je suis très con, j'ai cru tout d'abord que le Chulo était malade. Ca pouvait coller : le fait qu'il soit en descente de son tabac-drogue, le fait qu'il parle des travaux réalisés chez lui (il en a parlé voici quelque temps). Ah ben merde ! Ensuite d'autres passages m'ont remis sur les rails.
Et au terminus, j'ai eu envie de dire au Chulo ce que j'ai déja dit à Marc Delon et que je pourrais dire à certains de CyR : vous écrivez si bien, ne croyez-vous pas que, de par vos blogs, vous perdez votre temps en humeurs futiles ? Au moins agissez comme l'admirable Olivier Deck qui ne fait pas figurer les commentaires de son blog "Tauromaquis". Que de temps perdus en dialogues qui ne sont finallement que cirages de pompes ou haussements d'épaules ! On me fera remarquer que toute écriture, toute "production" d'art à partir du moment où elle est divulguée à l'autre (le public ?) est condamnée à l'approbation ou au refus. Mais j'oubliais le désir de plaire...Qui affecte aussi et beaucoup les poseurs de commentaires.
Je me rappelle un texte du Chulo où il racontait l'enterrement de la voisine de sa mère : la description du chemin du retour par la petite route qui longe le lac. Un bijou ! Et tout cela balancé dans les égouts du net.
Bon, mais le héros va-t-il, comme Belmonte, revenir au campo, caresser son meilleur cheval, faire passer une vaquita puis se faire sauter le caisson ?
A rendre tellement triste le rouge-gorge du jardin ?
JLB

Anonyme a dit…

JLB, je partage entièrement votre opinion et ne suis pas en train de "pommader".
Gina

Anonyme a dit…

A la réflexion, j’ajouterai que le blogger est aussi quelqu’un qui a du plaisir à écrire, qui en éprouve une sorte de besoin surtout si ses plages de concentration sont réduites car il a d’autres activités.
C’est pour lui un excellent moyen de garder un contact avec les autres qu’ils se manifestent ou pas par des commentaires, et cela peut motiver chez lui, dans le but de communiquer, un travail de recherche, d’information culturel et divertissant.

Et qui empêcherait le blogger de se lancer dans des essais ou romans ? Le Temps, mais avec son blog, il s’entraîne à l’écriture et le narcissisme dont on pourrait l’accuser est présent chez tout artiste et écrivain qui veut plaire et, bien plus insupportable chez certains qui s’étalent avec délectation à la télévision, nous savons pourquoi.
Gina

Marc Delon a dit…

A moins, soyons honnêtement réalistes, qu'un lecteur lambda soit plus facile à séduire qu'un éditeur ?

A moins qu'il soit humainement plus rassasiant de découvrir puis rencontrer de nouvelles personnes plutôt que de savoir qu'on a été lu par des anonymes restés inconnus ?

"Fantasmatadors" m'a rapporté une satisfaction vaine de l'ego et "Phosmotstoros" de nouveaux amis !
Qu'est-ce qui est le plus précieux ?

el Chulo a dit…

oui, tu as raison marc, et surtout, le taurin tire à 1500 et se réédite rarement.
pour le reste les éditeurs savent ce qui se vend et comment et sous quelle forme.
c'est un problème bien délicat, car après tout, il peuvent savoir comment atteindre un lectorat.alors celà devient un peu "la tête et le jambes".
et puis soyons clair, les "papes" du taurin écrit n'ont pas forcément toujours raison et je n'aurai pas la cruauté de détailler.

Anonyme a dit…

J'avais à peine fini d'écrire ce post que j'ai pensé à l'argument : comment séduire un éditeur ? A part d'être Claire Chazal, Zaïa ou un braqueur rangé des voitures.
Gina dit que le blogueur est quelqu'un qui a du plaisir à écrire. Sans doute et encore heureux qu'il l'ait ce plaisir !
Marc Delon : il blogue pour se frotter aux autres, pour s'amuser et en même temps pour "rencontrer de nouvelles personnes". Pas pour se prendre la tête. Mais moi je préfèrerais avoir écrit "Fantasmatadors" que venir matin et soir veiller à ce que les lavabos du bistro "Photosmotstoros" soient fournis en savonnette. Exutoire pour touristes de passage qui resortent sans consommer.
Les poseurs de commentaires, mis à part les deux sirènes qui défendent l'îlot et y attirent les curieux que nous sommes, nous sommes tous des jean-foutre. On ne pense qu'à déconner. Y a que chez Klein que ça fout pas le binz. Chez CyR non plus d'ailleurs. Enfin, moi je vous parle des blogs que je fréquente quasiment chaque jour.
El Chulo, lui ne cherche pas à plaire. L'autre jour, en relisant ce qu'avait dit Sartre après la mort de Camus, je me disais qu'on pouvait l'appliquer au Chulo :
"Son humanisme têtu, étroit et pur, austère et sensuel livrait un combat douteux contre les évènements massifs et difformes de ce temps. Mais inversement, par l'opiniâtreté de son refus, il réaffirmait, au coeur de notre époque, contre les machiavéliens, contre le veau d'or du réalisme, le fait moral".
Et si la création littéraire, comme disait Camus n'était que "la chance unique de maintenir sa conscience" ?
Foutu hiver, quand y a plus de toros, qu'est ce qu'on peut tertulier comme conneries...
JLB

Marc Delon a dit…

et ça doit être la frustration de ne pas pouvoir se frotter à Pauline Lafont qui m'a fait produire le dernier texte ?
Y'a qu'un robinet chez Photosmotstoros, le mien, et c'est là que se déverse le débit pour que ça ne parte pas à l'égout...



Putain chulo quelle promotion auprès de JLB mais que lui as-tu fait ? Parce qu'au début t'étais mal barré... c'est bien, c'est bien aimons-nous les unes les autres les filles...

mettre le binz chez Cyr ? C'est pas possible : y'a pas plus dictateur totalitaire intransigeant que mon ami ''Solysombra'' : si tu as un commentaire critique il ne te le passe que s'il peut te moucher derrière et si tu rétorques en lui clouant le bec alors là il te censure ! Trop drôle !

Marc Delon a dit…

Et vous pouvez cafter : il le sait et il s'en fout ! Un dictateur je vous dis...

Anonyme a dit…

Un robinet qui déverse son débit dans sa propre production ? Ca s'appelle un circuit d'eau fermé comme il y en a dans les bassins de jardins avec des poissons qui ont été rouges et qui tournent en rond.
SolySombra a donc un bassin à déversoir pour les eaux usées.
Je suis pour les despotes éclairés et parfois même pour les allumés qui dépotent.
JLB

el Chulo a dit…

J'avoue qu'être vu comme "tétu et étroit" à la manière de Camus, selon Sastre, est plus que flatteur.
D'autant que je vénère Camus, aussi bien pour le fond que pour la forme. Tout comme mon cher Steinbeck.
J'essaierai de répondre à pourquoi je "blogge", je pense.
Pour le reste, c'est vrai Marcos, que nous avons eu quelques divergences JLB et moi même, elles doivent probablement demeurer, tout comme il en existe entre toi et moi.
Je ne me résoudrai jamais au cynisme.
Pour le reste, je te laisse ta reponsabilité sexuée sur notre relation JLB et moi même.
Parfaitement hétéro, sans avoir connu la moindre faille au niveau même du désir, je me suis toujours refusé à l'homophobie.

Marc Delon a dit…

Alors voyons, nous avons là pêle mêle, Fernand Sastre ex-président de la FFF de football (74 morts en un match en Egypte record battu), Camus, la philo du blogueur, l'amitié, le cynisme, le désir et l'homophobie, bigre, tout est grave, quelle solennité, j'me casse fissa y'a des relents de pedritisme !

el Chulo a dit…

pour sastre, tu as raison!

Anonyme a dit…

J'ai failli mais je ne l'ai pas fait et j'ai eu raison. Quoi ? Mettre un astérisque aux mots "têtu et étroit" utilisés par le sartron et que je collais au Chulo. Mais celui-ci a bien compris. Fermons la parenthèse et le robinet.
J'ai rencontré à plusieurs reprises Germaine Sorbets qui fut LA secrétaire de la revue "Les Temps Modernes" de 1945 à 1974 et j’entretenais avec elle de longues conversations téléphoniques. La dernière fois que je l'ai vue, elle avait cent un ans et toute sa tête, dans sa petite maison de Vallon-Pont-d'Arc. Trente ans à vivre au côté de Sartre, de S. de Beauvoir, de Merleau-Ponty, Genêt, Gide, J. Lanzman, des Gallimard, bref du gratin de l’intelligentzia française et même mondiale. Des tonnes de souvenirs. Fabuleux parce qu’elle avait une mémoire époustouflante. Intarissable. Elle en a fait un petit livre « Allo ? Je vous passe Jean-Paul Sartre ». Elle me parlait, entre autres, d'Albert Camus chez qui elle n’a jamais vu coïncider la parole (ou l’écriture) et l’acte. Quelqu'un de jamais "révolté" en réalité, de très méticuleux, plus au ras des pâquerettes que ses lecteurs le pensaient. G. Sorbets m'a raconté qu'un jour, alors qu'elle allait entrer avec sa voiture dans la cour de Gallimard, rue Sébastien-Bottin, Camus, au volant d'une voiture de sport, lui coupa la route pour passer avant elle sous le porche et l'accrocha. Interloquée, soutenue par plusieurs passants elle lui fit remarquer sa conduite mais Camus l'envoya sur les roses et refusa de reconnaître ses torts.
Elle m'a raconté ses frasques amoureuses et la souffrance qu’il faisait endurer à sa femme Francine. Elle me disait qu’il n’avait pas été un homme juste et courageux. Bof, comme nous tous ma petite Germaine !
Je crois que la philosophie de Camus a très mal passé le siècle et qu’elle ne correspond plus à grand-chose. Et Sartre donc !
Je suis très embêté Chulo, je dois vous l’avouer : quand je vois Marcos nous tourner le dos et s’éloigner por taconazos, saliendo por peteneras, il me vient de drôles d’idées. ¡ Me hace tilín ! Ça doit être ça l’hiver en pente douce.
JLB

Anonyme a dit…

Sastre : yé connais. yé souis tailler dé costoum moi aussi.
JLBalenciaga

el Chulo a dit…

JLB je vous remercie pour votre généreuse contribution.
Deux choses toutefois si vous le permettez:
- concernant les personnages célèbres ou politiques, j'ai tendance à me méfier. Encore une "expérience" de mes travaux sur la Guerre d'Espagne. Chacun, je parle des "biographes" peut avoir tendance à en rajouter ou le contraire.
-oui Camus aimait les voitures rapides fut plus qu'infidèle.
Je m'en fous, j'aime énormément son écriture. Il avouait d'ailleurs que celà lui demandait un travail énorme d'écrire, justement par "méticulosité".
On peut dire aussi que tous ont mal passé le siècle, car ils étaient à une charnière, en fait.Iront t'ils plus loin? nul ne le sait.
Si j'osais, je dirais par exemple que Brasillach écrivait d'une écriture d'une limpidité absolue, "comme le temps passe" par exemple, et pourtant!