Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

lundi 13 mai 2013

Adieu, TORERO


Olivier Deck vient de me faire parvenir un exemplaire de son nouveau livre chez le diabolique Vauvert. En fait, je pense qu'il ne m'en voudra pas de révéler qu'il m'avait fait lire ce texte il y a quelques mois, voire années, et que je l'avais beaucoup aimé.



Il s'agit d'un format pratiquement impossible à éditer en solo, selon les canons actuels de l'édition: il fait seulement 80 pages petit format et marges conséquentes, trop long pour une nouvelle, trop court pour un roman.



C'est un beau texte, d'un seul jet, sans coupure de chapitre, un drame rapide. Jamais la tension ne retombe. Pourtant c'est toujours cette écriture sereine, sensuelle et riche, si caractéristique de l'auteur abouti qu'il est.



Nous sommes donc à la fin de la bataille de l'Ebre. Franco avait voulu couper Valence de Barcelone,
fort de ses succès en Aragon, après la bataille horrible de Teruel. Les républicains avaient réussi à reconstituer une armée en ayant recours à la conscription des dernières classes disponibles. Ils avaient contre-attaqué, dans une manœuvre d'une grande audace, qui avait imposé de faire traverser l'Ebre à toute une armée.



Comme toujours, les républicains qui n'avaient connu que des défaites tragiques, exception faite de Madrid, avaient avancé avec succès. Cette armée savait avancer mais pas garder ses positions : trop peu d'officiers compétents, de sous officiers, de logisticiens, bref tout ce qui fait la force d'une armée. Très vite Franco avait réagi, fort d'une supériorité accablante de l’artillerie, des blindés, et surtout de son aviation. Les armes n'arrivaient plus aux républicains.



Negrin, le Président du Gouvernement pensait qu'il fallait toujours résister et se battre et que bientôt un conflit salvateur éclaterait qui sauverait la République. Mais tous les politiques républicains savaient bien que la cause était entendue, et ce, depuis la chute des provinces du Nord en 1937 donc.



Dans ce contexte de misère, de faim, de défaites les désertions se multipliaient car bien souvent, on n'avait le choix qu'entre être écrasés sous les bombes et les blindés ou tenter de fuir.



On peut supposer que les héros de « Adieu, Torero » faisaient partie de ces malheureux. Comme beaucoup, il ignoraient comment ils avaient vraiment atterri ici : l'un apprenti torero que la guerre a empêché d'aller au bout de ses rêves, l’autre qui est parti via les Brigades par fanfaronnade pour plaire à sa belle. Bien loin, en tous cas d'un idéal antifasciste.



Deux destins improbables, deux esprits simples unis pour quelques heures par la guerre. L'occasion pour Olivier Deck d'aborder, avec ses manières, toujours tolérantes et qui jamais n'imposent, les thèmes de la guerre, de l'écriture, du destin aussi.



J'en ai déjà parlé, et lui et moi en avons aussi discuté, chez Olivier Deck, l'homme manque de clarté et de résolution. Il se laisse emporter par des passions qui peuvent le rendre admirable ou veule ou même très con. Mais d'une certaine façon il subit son destin. La femme est un point fixe, une amarre. Elle est en général forte, a besoin de savoir pourquoi elle fait les choses et régit la vie des hommes. Ainsi ses « héros » sont-ils fragiles, ballottés par une vie qui les dépasse. Eux font les choses sans vraiment savoir pourquoi.



Il faut lire ce splendide petit livre inclassable, le relire aussi pour non seulement la beauté de l'écriture mais aussi cette sensation que nous avons de nous enrichir, au gré des mots et d’être emportés, mine de rien, ai je envie d'écrire, dans un monde qui nous absorbe totalement, celui d'Olivier Deck.



3 commentaires:

Marc Delon a dit…

il est important d'avoir des "premiers lecteurs" et tes retours judicieux sur la musique d'un texte, sont précieux !
On le lira, bien sûr.

Anonyme a dit…

Passionnant ce commentaire. Deck est semblable à lui-même si je comprends bien, et le commentateur ne manque pas de clarté non plus.
Bravo.
Gina

Anonyme a dit…

Un petit livre a couper le souffle ! "La guerre a fait de toi un salaud" : une phrase qui m'a fait beaucoup réfléchir . A lire ! Félicitations à l'auteur !!