Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

jeudi 2 juin 2011

De Dionysos à Apollon

Notre  ami Bernard Grandchamp, le provençal, mon cher et admiré « Largo Campo »  nous transmet ce texte que je m’empresse de mettre en ligne.  Aficionado profond, homme de grande culture, œnologue de talent, mais encore plus humaniste, sa voix a ici quelque chose d’un peu triste ou atterré. Bientôt il est vrai, on nous aura branché un indicateur de vitesse dans le cul, un détecteur de nicotine dans le groin, plus une sonde éthylométrique, plus un détecteur de sida et nous serons emprisonnés dans une seyante combinaison, façon capote anglaise, qui nous protègera des ondes, des rayonnements et des bactéries, mais peut être pas de la connerie. Laissons lui la parole « y va por ti amigo largo campo ! aqui es casa tuya ! ».



Le manifeste « Le vin, et si on en prenait la mesure » - récemment publié par le site « Vin & société » comporte quatre mesures – 4 recommandations concrètes ayant des conséquences comportementales – qui vont toutes dans le sens de la rupture programmée du lien culturellement très ancien – remontant aux origines de notre civilisation – entre vin et ivresse!... En effet, les 2 mots-clés de ces « mesures » sont: « abstinence » (mesure 1: 1 jour d'abstinence par semaine) et « maximum » (mesure 2: 2 verres maximum par jour pour une femme ; mesure 3: 3 verres maximum par jour pour un homme ; mesure 4: 4 verres maximum pour une occasion festive)... Et, pour le cas où ces choses-là ne seraient pas assez claires (assez transparentes?), il est écrit à la page suivante du dit manifeste - sous le titre « changement de culture » (de civilisation?): « Ce choix, guidé par la raison, est la seule position responsable et réaliste pour la filière, puisqu'il ne prône pas l'abstinence tout en condamnant les abus »... Sommet de jésuitisme!... Où est le choix puisqu'il n'est question que d'une seule position responsable? Et que dire de ce déni qui ne prône pas l'abstinence alors que la première des mesures annoncées à la page précédente recommande 1 jour d'abstinence par semaine? Enfin, suprême tartufferie, tout en condamnant les abus, lesquels commencent à partir des 4 verres qu'il est recommandé de ne pas dépasser pour une occasion festive!... Je crois même que le sommet dans la tartufferie est atteint un peu avant dans ce texte évoquant le « changement de culture ». On y parle de l'« enjeu majeur d'une consommation de vin qui évolue, en moindre quantité, vers plus de qualité, pour garder tout le plaisir de la découverte et des saveurs... » Car la tartufferie réside tout simplement (benoîtement?) dans les 3 points de suspension, qui justement suspendent l'ivresse, l'éliminent du décor, du paysage des mots, sous l'alibi ô combien tartuffesque du plaisir de la découverte et des saveurs!... Jusqu'alors, les vignerons avaient fait du vin à boire (quelle banalité!). Désormais, tel un nouvel impératif catégorique (« c'est bien là que réside l'avenir de la filière »), les vignerons sont en fait sommés de faire du vin à déguster!...



Je ne peux m'empêcher de penser à ces mots si profonds de CAMUS « Mal nommer, c'est ajouter aux malheurs du monde » ...



Le vin sans l'ivresse, le vin sans la possibilité de l'ivresse (Au secours!... Baudelaire, reviens!) – c'est à dire en quelque manière le vin sans la possibilité assumée du débordement (notre estrambor provençal, celui que chante la Coupo santo), n'est-on pas confronté à un oxymore, bien plus encore qu'à un sommet de tartufferie?... A moins qu'il ne s'agisse d'une étape supplémentaire, non tant dans la reprise du pouvoir par les mères (l'ont-elles jamais perdu?), mais dans la prise du pouvoir par les mamans (les papa-poules en constituant une autre forme) – celles qui aiment tant leur chers petits qu'elles ne veulent surtout pas les voir prendre le moindre risque... D'ailleurs, ce manifeste n'est-il pas agrémenté – argumenté? (argument comme un grément?) - des 13 portraits de femmes engagées, ces 13 constituant rien de moins que le comité de rédaction du manifeste (les 13 de ce comité pouvant être rapprochées des 11 du célèbre Comité de Salut Public, pour un comité de salubrité publique?)...



Et si, au fond, cette sorte de fuite en avant par l'alccolisation maximale à grande vitesse à laquelle s'a(ban)donne une partie, croissante dit-on, de la jeunesse – toujours rebelle par excès constitutifs de pulsions de débordements, ne signifiait pas une prise de conscience de cette rupture historique du lien – considéré jusqu'alors comme intrinsèque – entre vin et ivresse, l'ivresse dès lors étant à chercher ailleurs que dans le vin puisque dans le vin elle est désormais interdite... Oui, nous assisterions bien, sous nos regards médusés et donc impuissants, à la fin programmée du lien entre vin et ivresse, c'est à dire aussi à la fin de tout un pan de la symbolique dont était – fut? (car s'en serait déjà fini?) – chargé le vin, c'est à dire in fine et tout bonnement (ce bonnement bonasse d'une banale B.A.) à la mort de la « boisson des dieux » ?... L'apanage de toujours du sombre Dionysos serait repris – rapté? - par le lumineux Apollon?... Dans ce domaine aussi, la transparence serait reine?... Diable...

Signé Bernard Grandchamp, surnommé par moi même je crois bien "largocampo" dit aussi, apparemment "Papinard"

4 commentaires:

Marc Delon a dit…

ouais ben alors faudrait savoir :
Pinard ou Papinard ? Et puis ça se discute, hein, parce que cet excellent Viognier vendanges tardives bu hier soir, si je n'en avais pas tant bu je me souviendrais où en acheter.

Maja Lola a dit…

Le vin sans l'ivresse est une incohérence et un non-sens .... mais quelle ivresse ? Cet état qui rend légèrement euphorique ? Ce partage convivial et désinhibant ? Bien sûr tout est dans la mesure et prendre le volant au risque de mise en danger est criminel ... ce sont bien deux comportements différents à dissocier.
De plus, il n'est pas certain qu'il faille rendre le vin responsable de l'hécatombe routière des jeunes ... d'autres substances bien plus mortelles s'en chargent !

Ludovic Pautier a dit…

à bas la ba
gnole
ole la
gnôle.

ludo
ps : et gloire à largo campo maître es vignes à qui je dois quelques moments de dégustations délicieux.

el chulo a dit…

he bien, mon ludo!

seul le pinard et "papinard" te font sortir du bois?